Après les propositions de 19 associations, ONG et syndicats qui font la part belle au logement, c’est au tour des architectes de contribuer au Grand débat national qui doit s'achever le 15 mars prochain. A l’initiative de l’Académie d’architecture, huit organisations professionnelles* ont présenté, le vendredi 8 mars, 73 propositions rédigées en trois semaines autour de quatre grands thèmes : l’aménagement du territoire, la politique du logement, la transition énergétique et écologique et les nouveaux modèles de ville.
Le collectif rappelle que les architectes ont été parmi les premiers à alerter les pouvoirs publics « des dangers écologiques et sociétaux d’un modèle fondé sur le zoning, la dispersion urbaine, les lotissements, les ensembles déconnectés de la ville… ». Par cette connaissance fine et ancienne de ces grands enjeux, la profession s’estime donc plus légitime à porter des solutions et à les mettre en œuvre.
« Premier scoop, nous avons tous travaillé ensemble, c’est une grande nouveauté », introduit fièrement Bertrand Lemoine, vice-président de l’Académie d’architecture. « Même si l’Ordre des architectes n’est pas signataire du texte, c’est le signe d’une relation plus apaisée entre nos différentes professions ». Associé aux huit institutions pour préparer et rédiger ces doléances, l’Ordre n’a effectivement pas souhaité se présenter comme signataire du texte. La raison ? L’organisme mène en parallèle une consultation en ligne auprès de l’ensemble de la profession qui doit s’achever le 15 mars prochain. « Nous avons participé à la production de ce texte, mais cela semblait délicat d’être signataire alors que la contribution sur notre site n’est pas encore terminée », indique une représentante de l’Ordre des architectes.
« Les architectes n’aiment pas les ronds-points »
Dans ce texte de 29 pages, le collectif dresse un constat sans concession de la crise sociétale et de la fracture territoriale qui engendrent de fortes inégalités entre les métropoles et les zones rurales. Il est clair pour ces huit institutions que les difficultés rencontrées par une partie des Français pour se loger, se déplacer, accéder à des bassins d’emplois ou à des services publics présentent un dénominateur commun : l’absence de politique d’aménagement du territoire depuis plus vingt ans.
Dès les premières lignes, les architectes s’attaquent à un symbole de l’étalement urbain, critiqué pour son absence d’humanité et de diversité et aujourd’hui transformé en espace de contestation des gilets jaunes, les ronds-points. « Les architectes et les urbanistes n’aiment pas les ronds-points », peut-on lire dans le texte.
Une des propositions vise à lancer une politique volontariste d’aménagement du territoire, dotée de mesures « positives ciblées sur les territoires et les populations concernées », telles que la détaxation des centres villes, la rénovation du bâti, le renforcement financier du plan « Action Cœur de ville »... Dans les zones urbaines denses, les architectes préconisent de supprimer le principe du « zonage » qui regroupe sur un même territoire les mêmes fonctions et utilisateurs (zone d’activité, zone commerciale…).
Faire appel aux OFS
Autre problématique abordée : la réduction du coût des logements. Les huit institutions rappellent que le coût du foncier pèse énormément dans la facture. « Jusqu’à 50 % du coût final à Paris », donne pour exemple un membre du collectif. Pourtant, il serait possible de réduire le coût des logements d’environ 30 %, estiment les architectes, en faisant davantage appel aux organismes de foncier solidaire (OFS) pour dissocier le foncier de la construction. Faire baisser les coûts mais pas au détriment de la qualité, c’est l’autre message clamé par la profession qui insiste pour que les architectes puissent disposer d’un temps nécessaire à la réflexion et à la conception des projets de construction.
Privilégier la réhabilitation
Les huit organisations se disent attachées à la réhabilitation du parc immobilier pour des raisons économies et écologiques. Elles jugent nécessaires de privilégier la rénovation de l’existant au lieu d’opérations de déconstruction/reconstruction, notamment des grands ensembles. Les architectes proposent d’élargir le champ d’action de l’Anru à la rénovation et à la reconversion des bâtiments, notamment du patrimoine social.
Le collectif plaide également pour une refonte du code de la construction qu’il qualifie d’illisible et de contre-productif, en particulier dans l’immobilier ancien. « Nous proposons d’aller plus loin dans un souci de clarté et de compréhension en adoptant un nouveau code « à la suisse » de 60 pages, limité aux règles de base essentielles et écartant les détails superflus », explique Bertrand Lemoine, vice-président de l’Académie d’architecture.
Simplifier les normes environnementales
Sur le volet écologique, le texte préconise, entre autre, de développer des productions d’énergies renouvelables de proximité, de simplifier les normes environnementales, d’améliorer l’enseignement des architectes dans les domaines de l’environnement et de l’efficacité énergétique et de renforcer l’efficacité des aides de l’Etat en conditionnant leur délivrance à l’obligation d’études préalables.
La profession profite de ce grand débat national pour faire ressortir des revendications anciennes comme la création d’un grand ministère de l’architecture, l’obligation de faire appel à un architecte pour toute construction, quelle que soit sa surface, ou encore la reconnaissance de leur nécessaire compétence.
Les 73 propositions seront prochainement publiées sur le site du Grand débat national.
*Les huit organisations professionnelles se composent de :
– l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa) ;
– le Syndicat de l’architecture ;
– la Société française des architectes (SFA) ;
– la Mutuelle des architectes français (MAF) ;
– la Maison de l’architecture ;
– l’association Architectes et maîtres d’ouvrage (AMO) ;
– l’association Architectes français à l’export (Afex) ;
– le Pôle de formation Environnement, ville & architecture (Pôle EVA) d’Ile-de-France.