GENNEVILLIERS : Renouvellement au long cours pour une zone portuaire

La restructuration progressive du principal port fluvial français est menée depuis cinq ans suivant un schéma d'aménagement qui doit améliorer son fonctionnement interne, mais aussi son paysage, ses relations avec la Seine et avec la Ville de Gennevilliers.

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C'est l'une des plus étonnantes entrées de Paris, lorsqu'on arrive du nord-ouest : l'autoroute A15 passe en surplomb des immenses cuves de pétrole, des cônes de charbon entreposé, des alignements d'automobiles à peine sorties d'usine et des six bassins qui entaillent le méandre de la Seine : le port de Paris est, en tonnage, le deuxième port fluvial d'Europe après celui de Duisburg, sur le Rhin. Pourtant, 20 mètres plus bas, lorsqu'on visite le site, l'atmosphère portuaire n'est pas au rendez-vous. On pourrait même ne pas remarquer la présence de l'eau tant on se croirait dans une banale zone d'activité sans lisibilité par rapport à la Seine : alignements de boîtes en bardage métallique et d'entrepôts, parkings, entreposage de matériaux... Depuis sa création dans les années 20, mais surtout après la guerre, le port de Gennevilliers s'est développé à grande vitesse, s'étendant aujourd'hui sur près de 400 hectares (un tiers de la superficie de la commune), sans qu'un plan directeur cohérent n'ait réellement géré cette évolution !

En 1994, la direction du port, consciente du problème, lançait une consultation dont les architectes Decq et Cornette associés au paysagiste Christophe Delmar sortaient lauréats. Mais c'est seulement en 1996 qu'ils proposaient un « schéma d'aménagement futur du port de Gennevilliers », traitant à la fois des infrastructures, du parcellaire, des paysages, de l'éclairage, de la signalétique. « Les questions étaient si nombreuses et complexes qu'il a fallu consacrer près de un an à la phase d'analyse-diagnostic avant de mettre au point un projet cohérent, susceptible de se développer sur une quinzaine d'années », se souvient Odile Decq. Car, élément d'importance, l'équipe de concepteurs a le temps pour elle : elle signe avec le port une mission d'urbaniste-conseil renouvelée chaque année depuis maintenant sept ans et qui devrait se prolonger d'autant. « Il est fondamental d'avoir un projet unique et de s'y tenir pendant de nombreuses années, si l'on veut réorganiser un port qui compte 250 entreprises privées et des moyens de transport qui vont de la voie d'eau à la voie ferrée, en passant par la route et l'oléoduc, sans compter, à l'horizon 2006, le métro Météor », affirme Jean-Pierre Marion, directeur du port de Gennevilliers.

Quels principes fondamentaux guident cette transformation progressive ? Il s'agit tout d'abord de travailler sur l'image et l'insertion dans le site : retrouver une identité liée à l'eau - les activités sont toutes liées à la présence de la Seine - et établir une relation à la Ville de Gennevilliers plus forte, même si le port conserve une vocation strictement industrielle. Les concepteurs ont alors proposé de prolonger les six bassins existants par de grandes esplanades de même gabarit, engazonnées et plantées, jusqu'à l'A86 qui assure l'interface entre le port et la ville. Ces « darses vertes » dégageant les vues sur l'eau et sur les quais, qui sont actuellement occupées partiellement par des bâtiments, seront aménagées au fur et à mesure de leur libération par les entreprises. Constatant les difficultés d'accès aux berges naturelles de la Seine, les architectes ont, d'autre part, proposé d'établir à l'intérieur même du territoire portuaire, perpendiculairement aux darses, une sorte de berge artificielle qui, sur une largeur de 40 mètres, offre une végétation comprenant toute la diversité des essences habituellement présentes en bord de fleuve. L'impact de cet arboretum, réalisé aujourd'hui sur une longueur de 400 mètres, est d'autant plus important qu'il traversera à terme toutes les zones d'entreprise, sur les 2 kilomètres du principal axe structurant.

Un deuxième type d'intervention porte sur la rationalisation des surfaces disponibles pour les entreprises dans un but de densification : le réseau viaire est mieux hiérarchisé, l'axe structurant plus affirmé, tandis que le réseau ferré est simplifié par la disparition progressive des ramifications qui ne sont plus en service. A partir de ces infrastructures, le parcellaire dont le dessin datait d'avant guerre, est redécoupé de façon rationnelle. Enfin, le port est divisé en six territoires aux caractéristiques géographiques bien marquées (interface avec la ville, alternance de môles et de darses, bords de Seine...), et consacrés à un seul secteur d'activité (pétrole, matériaux BTP, conteneurs...). Sur chacun des territoires, les concepteurs ont établi un cahier des charges spécifique s'appliquant à toute nouvelle construction, précisant son orientation, son gabarit, sa volumétrie, ses matériaux, mais aussi ses zones de déchargement et de stockage, ses clôtures, sa signalétique... Des mesures en vigueur depuis maintenant près de trois ans, mais qui ne se feront réellement sentir dans le paysage qu'avec le temps, élément principal de cet aménagement au long cours.

FICHE TECHNIQUE (p.131) :

Maîtrise d'ouvrage : Port autonome de Paris

Maîtrise d'oeuvre : Odile Decq, architecte-urbaniste ; Valérie Poli, chef de projet ; Christophe Delmar, paysagiste

Superficie traitée : 386 hectares

Calendrier : 1994-2008

PHOTOS :

Photo du port en 1998 et schéma d'aménagement : les darses (en bleu) sont prolongées vers la ville par des «darses vertes» plantées. L'axe structurant est-ouest est renforcé par une bande de service (en orange) et une bande végétale (en vert foncé).

La darse n°3 a fait l'objet d'un nettoyage de ses rives, prélude à son prolongement en « darse verte ».

Ci-dessus, l'axe viaire structurant du port est bordé par un arboretum planté sur une berge artificielle de 40 mètres de largeur et composé d'essences végétales typiques des bords de rivières.

Ci-contre, travail sur la coloration des cuves et sur les clôtures du port pétrolier.

l'identité visuelle du port et de ses éléments industriels passe par le respect d'un cahier des charges qui précise les modalités d'intervention sur les bâtiments existants (à gauche, coloration d'une centrale à béton et d'une grue) et de construction des bâtiments nouveaux (ci-dessous, entrepôt réalisé en 1999, sur le môle n° 1, par l'architecte Manuelle Gautrand).

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