« Les grands travaux de prévention des inondations peuvent s’allier avec le génie écologique ». Avant de recevoir le grand prix du cinquième palmarès national du génie écologique, le 20 novembre au salon des maires, Philippe Lorimier, premier vice-président du syndicat mixte des bassins hydrauliques de l’Isère (SYMBHI), a présenté en ces termes le projet Isère Amont.
La fleur de la victoire
Un an après la réception des travaux, la crue des 14 et 15 novembre 2023 a servi de crash test. Sur un sol saturé d’eau par un automne pluvieux, la fonte des neiges a poussé l’écoulement jusqu’à 1040 m3/s à Grenoble, sans occasionner de dégâts. Dépassé à seulement trois reprises au cours du XXème siècle, dont deux fois en 1955, ce débit correspond à la crue vingtennale.
Partout en déclin sur l’Arc alpin, la Petite Massette symbolise la réussite de l’opération. Cette fleur a triplé ses effectifs, dans le périmètre du projet qui s’étend sur plus de 30 km, le long de la vallée du Grésivaudan, à l’amont de Grenoble. L’institut national de recherche en agriculture et environnement a tracé cette reconquête.
Démolition, reconstruction, confortement
Sous la maîtrise d’ouvrage du SYMBHI, les chantiers ont coordonné les deux programmes d’actions et de prévention des inondations (Papi) actés sur ce territoire. Cette organisation traduit l’engagement de la métropole grenobloise au service de l’amont de la vallée. « La solidarité de l’aval fait partie des facteurs essentiels de la réussite du projet », commente Morgane Buisson, référente environnement au SYMBHI.
Le génie civil a largement contribué à la victoire obtenue au prix d’un savant mélange de confortements, déconstructions et reconstructions de digues : 14,5 km de long pour les démolitions, 6 km pour les ouvrages neufs. Les terrassiers ont veillé à réemployer les déblais pour conforter les digues maintenues.
Foisonnement d’écosystèmes
Ces travaux ont rouvert 3600 hectares à l’expansion des crues, alors que les chantiers du XIXème siècle avaient protégé des inondations l’ensemble des boisements. Entre Pontcharra et Grenoble, les réservoirs répartis dans 16 sites permettent de stocker 35 millions de m3, pour protéger 300 000 personnes et un patrimoine estimé à 1 Md€.
La connexion entre les espaces de stockage et la rivière a permis de créer des écosystèmes de milieux humides. Trois gravières désaffectées et quatre anciens bras morts contribuent désormais à cet objectif. Conformes au label Végétal local, les plantations ont accéléré la reconquête écologique des espaces.
Retombées touristiques
En plus des bénéfices écosystémiques, les élus locaux parient sur des retombées touristiques : « De Grenoble à la Savoie, une voie départementale renforcera l’attractivité du territoire, pour y promouvoir le tourisme lent », se réjouit Philippe Lorimier.
« Ce projet coche toute les cases », résume Sébastien Gallet, président d’honneur de l’Association fédérative des acteurs de l’ingénierie et du génie écologique (AI-Géco), organisatrice du prix national du Génie écologique créés en 2014. Selon lui, les 58 dossiers soumis au jury ont hissé l’édition 2024 à un niveau inégalé, en qualité comme en quantité.
Le vent en poupe
Non content d’attribuer un prix pour chaque catégorie, le jury a récompensé deux lauréats pour l’une d’elles. Il en a créé une cinquième, consacrée à la recherche appliquée, et a éprouvé le besoin d’ajouter un prix spécial et un coup de cœur. Dans ce palmarès d'exception, deux lauréats urbains attestent la montée en puissance de nouveaux marchés, dans une spécialité qui s’est d’abord mise au service d’écosystèmes aquatiques ruraux.
« Au nom du ministère de la Transition écologique, je suis fière du chemin parcouru. La montée en puissance du génie écologique fait partie de la feuille de route de la stratégie nationale pour la biodiversité », a commenté Celia de Lavergne, directrice de l’eau et de la biodiversité, au moment de la remise des prix. « Les solutions fondées sur la nature nous mettent sur la voie de l’adaptation », renchérit Gaël Thevenot, directrice adjointe de l’Office français de la biodiversité, en charge des acteurs et des citoyens.
Les villes se mouillent
Associé à l’organisation de cette cinquième édition, Plante & Cité joint sa voix au concert de louanges : représentant de ce centre de ressources sur la Nature en ville, Nicolas Husson se réjouit de l’importance de la sensibilisation des citoyens dans les dossiers de candidature.
L’analyse de ces derniers lui inspire cette autre observation : « La prévention du risque d’inondation occupe une place croissante ». Outre le SYMBHI, la catégorie « Amélioration des services rendus par les écosystèmes et des sols » illustre ce propos : la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon a décroché ce prix pour la restauration environnementale de la rivière Yzeron, sur son tracé urbain.