Génie civil : un chantier qui s'inscrit sur un site sensible

Dans le massif du Vercors, un pont en pierre centenaire menacé par les mouvements géologiques est remplacé par un ensemble mixte.

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En avril 2024, NGE a procédé au minage de l'ancien pont fragilisé par les mouvements géologiques de la montagne.

Aux portes du Vercors, les routes sont souvent sinueuses et escarpées avec des tunnels creusés dans la roche et des ponts en pierre centenaires. Parmi eux, un franchissement en voûte de 4,30 m de large dans la vallée des gorges des Gâts, au sein du défilé de Charrans (Drôme), a vu apparaître ses premières fissures dès la fin du XXe siècle. En 1985, le conseil départemental commence à surveiller les mouvements géologiques sur la rive droite de la Vière. Des observations qui se modernisent en 2015 grâce à des capteurs à fibre optique.

Les dilatations estivales et les rétractations hivernales successives constatées par la société Géolithe mettent en évidence une élévation et une distorsion du pont. Ces mouvements annoncent l'effondrement futur de l'ouvrage dont la construction remonte au début du XXe siècle. « Devant ce constat, nous avons pris la décision, en 2021, de le remplacer et de financer les travaux, d'un coût de 4,2 M€ », indique Jean-Michel Avias, vice-président du conseil départemental en charge des infrastructures. Ses services se heurtent alors à une première difficulté car il s'agit d'un site inscrit. Leurs échanges avec l'architecte des bâtiments de France (ABF) les orientent vers un ouvrage de type bipoutres mixte en métal et béton.

Plateforme en encorbellement. Après la fermeture de la route et la mise en place d'une déviation pour rejoindre le village de Glandage, les premiers travaux commencent fin 2022 pour réaliser le confortement rocheux, poser les écrans pare-blocs et les déflecteurs qui éviteront les chutes de pierres sur les équipes de chantier comme sur les futurs usagers. Mais surtout, ils consistent à élargir la voie rive droite, à proximité de la culée, afin d'accueillir la grue de 300 t qui servira lors des deux phases suivantes du chantier. Sur des ancrages réalisés par l'agence grenobloise de NGE Fondations, Campenon-Bernard Centre-Est réalise d'abord mi-2023 une plateforme en encorbellement d'environ 25 m de long et suffisamment large pour y installer les patins de la grue. Par ailleurs, la stabilisation de la falaise pathogène en rive droite exige la mise en œuvre de 53 tirants précontraints avec une tension de 100 t chacun, à partir de cette plate-forme. Les opérations de forage - 165 mm de diamètre à chaque fois - puis la pose des tirants nécessitent des outils spécifiques de NGE. Entre les mois d'août et d'octobre 2023, l'entreprise a pu en poser 36.

En avril 2024, les équipes procèdent au minage de l'ancien pont. La chute des pierres dans le lit de la rivière, 25 m plus bas, respecte la loi sur l'eau puisque les matériaux inertes rejoignent le site dont ils ont été extraits un siècle plus tôt. « Au préalable, les équipes ont enlevé les enrobés et les matériaux de scellement, tout comme le parapet en pierres taillées », rassure Jean-Michel Avias.

Contrôle de vibrations. Les travaux reprennent ensuite avec la pose des 17 derniers tirants au niveau de la culée de la rive droite. Ici, les trois semaines de déroctage impliquent aussi des microminages accompagnés du contrôle des vibrations afin d'évaluer leurs impacts sur la falaise comme sur les ouvrages fraîchement réalisés. Des comblements béton se substituent aux anciens matériaux maçonnés des deux culées pour accueillir deux poutres d'acier auto-patinable de 32 m de long totalisant 45 t. La grue installée sur la plateforme en encorbellement assure leur manutention, puis celle des 16 dalles en béton préfabriquées à Romagnieu (Isère). Les équipes viennent de procéder au clavage, puis au scellement des dalles au moyen d'un coulis de ciment mis en œuvre via des évents entre les dalles et la poutre préalablement bordée de néoprène.

Après les trois semaines de prise du béton, le chantier se termine par les classiques poses de feuilles d'étanchéité, puis des enrobés sur les 5 m de large de la nouvelle voirie. L'ABF a accepté la pose de glissières en acier galvanisé pour les véhicules légers et les piétons, car elles se patineront discrètement avec le temps. L'inauguration, attendue fin novembre, dépendra in fine du bon vouloir du rude climat du Vercors.

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Matériel : quand l'entreprise de travaux développe des outils spécifiques

Pour sécuriser une roche très fracturée de calcaire et de grès, les équipes de l'agence grenobloise de NGE Fondations ont sollicité leurs collègues des ateliers de Saint-Priest afin de réaliser une plateforme permettant de descendre jusqu'à 25 m sous le niveau de la route. Ils ont livré une cage d'environ 3 x 2,50 m sur 2 m de hauteur équipée d'une glissière de forage T43 de Beretta. Un équipement généralement attelé à des véhicules à chenilles. « Suspendue à une grue mobile, la cage a permis aux cordistes de réaliser un total de 900 m linéaires de forages subhorizontaux de 14 m à 24 m de profondeur sous la plateforme à encorbellement », relate Thibault Adam, ingénieur travaux principal chez NGE Fondations.

Un voilier en montagne. Pour la suite des travaux, les équipes ont utilisé un autre équipement spécial baptisé “le voilier” du fait de sa forme particulière. « L'outil de 25 m de long déplacé à la grue dispose de deux treuils pneumatiques qui servent à glisser les armatures dans les forages », précise-t-il.

NGE l'avait inauguré lors de la réalisation de la promenade de l'Aldilonda à Bastia (Haute-Corse).

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : conseil départemental de la Drôme. Maîtrise d'œuvre : services techniques de la direction des déplacements du conseil départemental de la Drôme, Cogeci (BET structure), XD Architecture , Géolithe (suivi des variations géologiques).

Auscultation et monitoring : Sixense.

Entreprises : Campenon-Bernard Centre-Est (mandataire), NGE Fondations (travaux géotechniques), Gagne (structures métalliques).

Calendrier des travaux : fin 2022 - novembre 2024 (avec trois mois d'interruption en hiver).

Budget : 4,2 M€ TTC.

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