La capitale suédoise est l'une des métropoles qui croît le plus rapidement en Europe : entre 35 000 et 40 000 nouveaux habitants rejoignent chaque année le comté où vit aujourd'hui un quart de la population nationale. En réponse à cet afflux, la région de Stockholm étend deux des trois lignes de métro existantes et en crée une quatrième en construisant 30 km de voies et 18 stations, un projet d'ampleur à 54 milliards de couronnes suédoises (4,75 Mds €). Le chantier le plus spectaculaire est sans aucun doute celui de la station Sofia et des tunnels qui la traversent, à 100 m sous terre. C'est la filiale suédoise du groupe suisse Implenia qui a remporté ce marché de 88 M€. Les travaux, commencés à l'été 2021, comprennent le creusement, le terrassement et le bétonnage de la station de 150 m de long, du puits des huit ascenseurs qui la desserviront et de ses neuf tunnels. « Nous sommes à mi-chemin », indique Sigrid Gunnemark, directrice du projet chez Implenia.


89 pieux de 1,20 m de diamètre. Ici, l'eau est partout : la station se situe à quelques dizaines de mètres du Saltsjön, l'un des lacs sur lesquels repose l'archipel de Stockholm, et le tunnel nord passe dessous. Pour isoler le puits des ascenseurs de la nappe, l'entreprise a d'abord construit une paroi en pieux sécants de 30 m x 30 m. Un total de 89 pieux de 1,20 m de diamètre encercle le puits sur ses faces est, sud et ouest ; la face nord, moins exposée, est constituée d'un mur rocheux qui a été renforcé. La longueur des pieux varie pour s'adapter à la forte inclinaison de la roche dans cette zone, et la structure est arrimée par deux rangées de barres d'ancrage. « Cette paroi constitue une garantie d'étanchéité et de robustesse, mais sa construction était un défi pour nous par la précision qu'elle exigeait », explique Sigrid Gunnemark.
Une fois ce cadre installé, l'entreprise a entamé une deuxième phase délicate avec le creusement en raise-boring du puits en son centre. Le trou pilote a été percé en juin 2023, puis les équipes ont fixé la roue d'alésage de 3,50 m de diamètre au train de tiges arrivé dans la caverne de la station. Sa remontée vers la surface s'est achevée en septembre. « La technique du raise-boring nous permet de laisser tomber la roche excavée, puis de la stocker en souterrain pour l'évacuer par le tunnel d'accès au chantier », justifie la directrice du projet. Long de 800 m, ce tunnel suit le dessin des rues de la ville, ce qui a facilité l'obtention des autorisations par le maître d'ouvrage et lui confère également, par sa longueur, la pente pas trop raide nécessaire pour que les engins accèdent au site souterrain.

Une fois le puits alésé, Implenia a entrepris de l'agrandir pour lui donner les dimensions finales de la cage d'ascenseur, soit 20 x 20 m. Ces travaux sont réalisés en méthode traditionnelle avec une succession de forages et de dynamitages. L'entreprise procède par passes de 4,50 m jusqu'au pied du puits et devrait commencer son revêtement par un coffrage glissant l'été prochain. Mais ces opérations à l'explosif se tiennent en pleine ville, à proximité d'une artère très fréquentée et d'un hôpital. « En période de tirs, nous en effectuons généralement un ou deux par jour, explique Sofia Carlsson, responsable administrative et communication du projet. Avant chaque opération, nous devons informer l'hôpital et stopper le trafic dans la rue. Mais plus nous avançons dans le creusement, moins les effets des explosions se font ressentir et nous pouvons réduire progressivement la durée de cette interruption. » Sous terre, les travaux se poursuivent 24 h/24 mais même à 100 m de profondeur, il faut limiter le bruit la nuit. Pas de tirs, donc, mais des opérations moins sonores comme le chargement et l'évacuation des matériaux excavés. Deux mille tonnes sortent du chantier chaque nuit.


Dans la station, étanchéifiée par des injections, la quasi-totalité du creusement a été réalisée ainsi que la moitié du bétonnage de la zone des quais. Le tunnel qui part vers le nord en passant sous le lac est particulièrement exposé aux venues d'eau car situé 20 m sous le niveau de la nappe. Mais il doit également faire face à un terrain granitique plus complexe que prévu. « Le diagnostic du maître d'ouvrage faisait état d'une roche de mauvaise qualité, se souvient Sigrid Gunnemark. En août 2022, nous avons réalisé deux carottages de 180 m et 300 m qui ont montré que cette section fracturée était à la fois plus proche et plus dégradée que nous ne le pensions. Nous avons dû changer de méthode. » Implenia a donc progressé avec la technique de la voûte-parapluie qui crée une véritable structure de soutènement. Des tubes métalliques sont insérés dans le front d'attaque suivant le contour de la section à excaver et en appui sur des cintres posés au fur et à mesure. Le tunnel est ensuite renforcé par différents moyens : armatures, béton projeté, boulonnage. La progression du chantier s'en est trouvée considérablement ralentie : « Nous avons effectué des passes de 3 m contre 6 m habituellement et il nous a fallu un an pour creuser 50 m », indique Sigrid Gunnemark.

Enchevêtrement de tunnels. A l'autre extrémité de la station, la ligne se divise en deux branches, l'une filant vers l'est, l'autre vers le sud-ouest. Ici, la roche est moins fracturée mais les trois tubes de l'est enjambent en les croisant ceux du sud-ouest. Cet enchevêtrement a obligé l'entreprise à soigneusement penser l'ordre dans lequel sont effectués les tirs, d'autant que la distance entre certains tunnels est de 3 ou 4 m. Début juillet, les équipes ont effectué leurs derniers tirs vers l'est et opéré la jonction avec l'entreprise chargée du lot suivant. Une étape majeure vers le passage des premiers trains sur la ligne, en 2030.

