Comment les matériaux contribuent-ils à l’économie circulaire lors de la construction d’un bâtiment neuf ? C’est avec cette question en tête que l’Alliance HQE-GBC, le CSTB et le cabinet de conseil en analyse de cycle de vie et éco-conception Evea avec le soutien financier de l’Ademe, ont développé l’outil digital Gestion et modélisation de la matérialité pour une économie circulaire (Gemme). Son déploiement à grande échelle marque l’aboutissement de cinq années de travaux et plusieurs phases d’expérimentation.
Méthode d'analyse des flux de matières
En 2019 et 2022, les tests HQE Performance Economie Circulaire menés par l’Alliance HQE-GBC mettaient en évidence la complémentarité de la méthode d’Analyse de cycle de vie (ACV) multicritère (exprimant plusieurs indicateurs d’impacts tels que l’épuisement des ressources, la production de déchets…) avec la Méthode d’analyse des flux de matières (MFA). Cette dernière tientcompte des quantités de matière grâce à la visualisation des flux de matériaux entrants et sortants d’un système.
Toutefois, les études réalisées selon la méthode MFA se sont révélées chronophages, impliquant un travail supplémentaire conséquent de la part des bureaux d’études, sans outil optimisé pour le calcul des indicateurs associés. Une automatisation de la méthode était donc indispensable pour prendre en compte un indicateur d'économie circulaire dans l’évaluation environnementale d’un bâtiment. Une version beta de l’outil Gemme a vu le jour en 2023. L’objectif est désormais de la déployer à plus grande échelle.
Les fichiers RSEE, un préalable indispensable
Concrètement, l’outil se base sur les Récapitulatif standardisé des études énergétiques et environnementales (RSEE) à réaliser pour répondre aux exigences de la RE2020. Ces fichiers, au format xml, résument tous les résultats de l'étude environnementale menée par un bureau d’études dans le cadre de la construction d’un bâtiment neuf. Leurs formats standardisés les rendent interopérables et permettent d’accéder facilement à leurs données, qui peuvent donc être mise à jour durant la durée de vie du projet.
C’est donc à partir de ces fichiers RSEE que l’outil Gemme exploite automatiquement les informations des fiches de déclarations environnementales produits (FDES) des produits. « La modélisation lancée, il délivre des indicateurs de circularité par lots sur les flux de matière. Concrètement, il trace les matières réemployées ou réutilisées et celles destinées au réemploi ou au recyclage », indique Elodie Macé, chef de projet économie circulaire au CSTB. Gemme indique aussi la quantité de matière employée (celle totale et celle biosourcée) en regard de l’épuisement des ressources naturelles. Un autre onglet indique les distances parcourues, à partir des informations issues des FDES. Enfin, les émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie en kg eq.CO2/m² sont également indiquées.
Pour comparer les différents résultats, les indicateurs sont visualisables sous forme de radar, d’histogramme ou encore de diagramme de Sankey, « un graphique qui permet de visualiser les flux entrants et sortants avec leurs différents exutoires », poursuit sa collègue Sonia Veyssiere-Matino, elle aussi chef de projet économie circulaire au CSTB.
L’évaluation des performances environnementales dans les prochaines réglementations
Les retours du terrain sur les constructions soumises à la réglementation RE2020, permettront « de mesurer et de valoriser les pratiques d’économie circulaire » souligne Philippe Leonardon, ingénieur à la direction Ville et Territoire Durable de l’Ademe. Ils permettront également d’ajuster le développement de l’outil pour affiner certaines hypothèses.
À terme, « la multiplication des calculs au travers d’un nombre important de projets doit permettre de définir des valeurs de référence cible concernant les indicateurs de circularité d’un bâtiment neuf », poursuit-il. Une réponse à l’article 181 de la loi Elan qui prévoit un décret sur le sujet.
L’outil Gemme et la méthodologie associée est également proposée dans le cadre des travaux de CAP 2030, pour lesquels le cadre d’évaluation des performances environnementales des bâtiments est en cours d’élaboration, en vue d’une potentielle future réglementation.
Son utilisation dans le cadre de projet de démolition ou de réhabilitation n’est pas encore prévue, car elle dépend au préalable de la mise en place d’une réglementation avec analyse de cycle de vie pour ce type de projet.
