Un record. Fin 2026, les voyageurs de la future station de la ligne 15 sud du Grand Paris Express Saint-Maur-Créteil, implantée à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), descendront à - 52 m, soit une profondeur jamais atteinte en France pour un ouvrage de ce type. Située au pied de l'actuelle gare qui assurera la correspondance avec le RER A, elle sera de surcroît bordée par des habitations. Couvert d'un grand disque posé au-dessus d'un puits monumental, un escalier en colimaçon entouré d'une batterie d'ascenseurs permettra d'entamer la descente. Mais pourquoi construire si profondément ?
« Nous devions dépasser les argiles plastiques pour ficher nos fondations dans la craie, plus propice au creusement traditionnel », explique Eric Mordant, directeur de travaux chez Eiffage Génie civil en charge du lot T2B attribué au groupement Eiffage Génie civil/Razel-Bec. Après avoir conforté l'existant, les équipes ont démarré la construction des 58 panneaux de paroi moulée périphérique à l'automne 2018. « Hors normes, ils atteignent 70 m de profondeur et sont épais de 1,80 m, afin de répondre aux sollicitations des argiles », relève-t-il.
Dans cette enceinte ovale de 56 m de longueur par 37 m de largeur, la dalle de couverture auto portante de 2 m d'épaisseur a été coulée début 2020. En parallèle, les terrassements et la construction des sept planchers aux niveaux inférieurs (S1-S7) ont été menés en taupe afin de reprendre les poussées horizontales des parois à l'avancement. « De grandes dimensions, ils ne pouvaient être autostables. C'est pourquoi 12 barrettes provisoires ancrées en amont à 83 m de profondeur reprennent leurs charges », poursuit Eric Mordant.
Les travaux menés en taupe ont permis de ne pas freiner la course du tunnelier
Cette technique de génie civil descendant s'est aussi imposée pour ne pas freiner la course du tunnelier. Le directeur travaux détaille : « Pendant que nous construisions la dalle du S5, le tunnelier passait en boîte pleine à une dizaine de mètres en dessous de nous. Après son passage, nous avons continué à terrasser jusqu'au S7, où nous avons découvert et découpé la partie supérieure des voussoirs. L'anneau a été renforcé le temps que le tunnelier atteigne son terminus, puis démoli pour que nos équipes atteignent le niveau du radier fin 2021. » Là, les parois ont été butonnées pour reprendre la poussée des terres en attendant la réalisation du radier, qui fait plus de 4 m de hauteur et a nécessité la mise en place de 1 200 t d'armatures et de plus de 6 000 m3 de béton.
Des vérins pouvant reprendre 6 000 t. Le radier achevé en avril, les équipes s'attellent au remplacement des barrettes provisoires par des porteurs définitifs. Ces derniers, d'une résistance supérieure pour une épaisseur moindre et au fini lisse, sont pour le moment suspendus aux dalles, en attente de vérinage. « Plus de 300 vérins soutiendront l'ensemble de la gare le temps du transfert de charges », souligne Eric Mordant. Certains reprendront jusqu'à 6 000 t. Les barrettes seront ensuite désolidarisées de la structure et coupées à leur tête à l'aide d'un câble.
En coactivité, le creusement des galeries en méthode traditionnelle démarre. Le tunnel va être élargi au nord comme au sud sur une distance de 30 m pour accueillir les quais sur une longueur totale de 115 m. La tâche s'avère ardue car les travaux menés en profondeur ne devront pas provoquer de tassement. Au préalable, des injections dans la craie créeront une poche de sécurité autour de la zone afin de lutter contre les quatre bars de pression et éviter toute fracture. « Le trou béant du tunnelier de 8,50 m de diamètre sera ensuite rempli d'un produit spécial - du Régimix - pour stabiliser le terrain avant de bétonner les futures culées. Celles-ci reprendront les poussées de la voûte, qui sera coffrée et bétonnée à l'avancement sur 1,20 m de hauteur », indique Lou Fréné, ingénieur travaux chez Eiffage Génie civil. Les travaux de génie civil devraient s'achever en 2024 pour laisser place à l'aménagement et l'équipement de la gare.