Où en est-on de la spectaculaire hausse des prix enregistrée depuis six mois ?
Tous les prix s’envolent, mais nous arrivons sur certains produits en phase de stabilisation. C’est le cas des aciers bruts. Mais il faut souligner que les industriels ont bien géré les choses et ont agi de façon intelligente. La distribution a elle aussi été raisonnable, évitant notamment les achats anticipés que souhaitaient effectuer certains clients. Le dialogue entre filière amont et filière aval a été globalement bon. Le seul vrai point noir, c’est le bois.
En quoi la situation est-elle pire sur le bois ?
Non seulement les prix flambent, mais nous faisons de plus face à une véritable pénurie. Les délais d’approvisionnement atteignent 5 à 6 mois sur les bois d’ossature et de charpente, malgré la fidélité de nombreux scieurs qui refusent des commandes d’opportunité pour livrer leurs clients fidèles. Mais la situation est telle qu’on se retrouve en difficulté même sur des produits aussi basiques que les liteaux de charpente !
Comment expliquez-vous cette situation ?
La France a connu une série d’été tellement secs que nous manquons de bois de qualité. Dans le même temps, vu la demande américaine, plus rien ou presque n’arrive d’Autriche ou d’Allemagne. Sur de nombreux produits bois, les prix d’achat sont passés de 400 à 700 € / m3.
N’est-ce pas paradoxal de voir le bois en difficulté à l’heure où le Gouvernement français en fait le matériau-phare de la prochaine RE 2020 ?
La question se pose en effet de comment il sera possible d’alimenter le marché à l’horizon 2025. Les coûts de la construction risquent d’être fortement renchéris, mais il n’est pas certain que le consommateur soit prêt à payer sa maison 25 % plus cher ! Je plaide depuis des années pour une mixité des matériaux et des solutions, avec du bois mais aussi du béton, du béton cellulaire, de la brique… La situation actuelle devrait nécessairement faire bouger les lignes, car le tout-bois n’est pas tenable.
Dans quel contexte d’activité ces hausses interviennent-elles ?
L’activité de mars 2021 est supérieure de 60 % à celle de mars 2020, mois très marqué par le premier confinement. Mais elle dépasse malgré tout de 25 % le niveau des années précédentes ! Nos clients artisans sont d’ailleurs nombreux à avoir entre 12 et 18 mois d’activité devant eux.
Cette période de hausses de prix vous fait-elle craindre pour la santé économique des artisans ?
Autant les majors n’hésitent pas à annuler un marché ou à réviser leur prix, autant les artisans font toujours leur possible pour honorer un devis signé et osent rarement demander une actualisation des prix. Le risque, comme toujours dans ce genre de crise, c’est que malgré un joli carnet de commandes, les entreprises se cassent la figure au bout de quelques mois, leurs marges étant grignotées. Nous sommes globalement assez inquiets de la sortie de crise du Covid-19, quand ces effets de marges réduites vont se cumuler avec les remboursements de prêts et de reports de charges. Nous risquons une augmentation des défaillances, alors qu’il n’y en a quasiment eu aucune en 2020, grâce à l’effet des aides.
Et pour les distributeurs ?
Nous n’avons globalement pas de difficultés à répercuter les hausses de prix, et nous avons très vite limité nos engagements de prix à deux semaines. D’une façon générale, les périodes d’inflation ne sont pas défavorables aux distributeurs, car elles valorisent les stocks. La plus forte fréquentation des particuliers dans nos agences a aussi augmenté la part de paiements au comptant, plus favorables à notre trésorerie.