«Un fontainier moderne doit maîtriser les techniques du bâtiment », affirme Jacky Aguilar, qui accompagne les projets de nombreux paysagistes concepteurs. L’étanchéité, la mécanique des fluides, la plomberie, la maçonnerie, la charpente métallique et la géotechnique font partie des spécialités que doit coordonner le maître d’œuvre d’exécution, même s’il sous-traite chacun des lots à des bureaux d’études spécialisés. Les documents techniques unifiés qui s’imposent à l’ingénierie du bâtiment s’appliquent avec la même rigueur aux bassins et aux fontaines. Invisibles pour le grand public, les locaux techniques enterrés concentrent les organes de pompage et de filtration qui en font des micro-usines. Sous peine de contre-références fatales à sa réputation, le maître d’œuvre doit anticiper et prévenir les sinistres : le grand canal du parc André-Citroën, à Paris, offre le triste spectacle de ses membranes déchirées où l’eau ne circule plus depuis plusieurs années. « La protection de l’étanchéité constitue l’une des règles de base. Le maître d’ouvrage doit savoir en payer le prix », insiste Jacky Aguilar. Une petite fontaine de qualité ne peut pas s’envisager, selon lui, sous un seuil de 250 000 euros.
Show d’innovations.
Avec l’irruption de la lumière et du mouvement dans les jets d’eau, des technologies nouvelles sont venues alourdir le poids de la technique fontainière au cours des dernières décennies : au sein du personnel d’Aquatic Show, la présence d’un ingénieur mécatronique en témoigne. Plus récemment, les exigences environnementales ont suscité le franchissement d’un nouveau cap : « Les systèmes consomment de moins en moins d’eau, alors qu’il y a vingt ans, ce sujet ne préoccupait pas nos clients », confirme Dominique Formhals, PDG d’Aquatic Show. L’économie de l’énergie nécessaire au pompage offre un autre champ d’innovation : en utilisant l’air pour faire circuler l’eau, le système Airlift se contente de 30 W pour pomper 30 m3/h, au lieu de 2 000 à 3 000 W avec une pompe à eau », affirme son concepteur, le paysagiste Vincent Vallée. Même quand ils parlent technique, les maîtres d’œuvre des fontaines ne s’éloignent jamais de l’art : « Les deux forment un ensemble indissociable », soutient Louis Levacher, directeur technique de l’agence Louis Benech, qui a conçu la nouvelle fontaine de Versailles avec Jean-Michel Othoniel. Les profils singuliers des professionnels illustrent ce mariage heureux : Jacky Aguilar, technicien agronome spécialisé dans l’hydraulique, s’est converti aux fontaines, au contact de Jean-Max Llorca ; repéré par le cirque Bouglione après avoir bricolé un spectacle autour de la chanson « Singing in the rain » alors qu’il étudiait le droit à Strasbourg, Dominique Formhals a suivi les forains pendant un an avant de fonder son entreprise en 1979. Le développement des « fontaines sèches » (sans bassins) et des baignades urbaines a contribué à renouveler l’expression des paysagistes concepteurs qui, de plus en plus souvent, invitent le public à ressentir l’eau par le toucher, et non plus seulement par les yeux. Michel Corajoud a montré cette voie dans son miroir d’eau des rives de Garonne, à Bordeaux. Son ancien élève Michel Péna multiplie les « forêts d’eau » ou les baignades urbaines à Nice, à Pau, à Maisons-Alfort, et plus récemment à Pantin, où il a réussi à convaincre les élus, à l’issue d’une consultation qui excluait cette dimension aquatique.