Fiche n° 5 : Les seuils et l’application des procédures

Code des marchés publics 2006 -

Les seuils, définis notamment à l’article 26, permettent de déterminer l’application des procédures. Ce principe connaît cependant des exceptions, et les montants des seuils sont eux-mêmes différenciés afin de tenir compte de la spécificité de certains marchés.

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Les dispositions du code 2006

Quel rôle jouent les seuils?

Les seuils agissent comme une balise : ils sont le principal moyen de détermination de la procédure applicable. Ils constituent la valeur pécuniaire au-dessus de laquelle une procédure prévue s’applique obligatoirement, ou en dessous de laquelle cette procédure devient facultative.

Cependant, d’autres vecteurs que les seuils doivent être pris en compte. En premier lieu, la nature de l’achat constitue une composante à prendre systématiquement en compte dans le choix de la procédure applicable : la procédure adaptée est ainsi exclue au-delà d’un certain seuil, mais celui-ci varie (art. 27) selon que la passation concerne un marché de travaux ou un marché de fournitures et de services. D’autre part, la nature du pouvoir adjudicateur qui passe le marché n’est pas indifférente ; les seuils seront différents selon que le marché est passé par l’Etat ou par une collectivité locale.

Quels sont les différents seuils et les procédures qui y correspondent?

La présentation des seuils est effectuée à l’article 26.

Quand il s’agit d’un marché de fournitures ou de services qui égale ou dépasse 135 000 euros HT pour l’Etat, ou 210 000 euros HT pour les collectivités locales, le Code prévoit l’obligation de recourir soit à l’appel d’offres, soit aux procédures spécifiques dans des cas limitatifs prévus aux articles 35 (procédure négociée), 36 (dialogue compétitif), et 38 (concours).

Pour les travaux, le pouvoir adjudicateur peut recourir à n’importe laquelle des procédures décrites à l’article 26 pour les opérations de travaux comprises entre 210 000 euros HT et 5 270 000 euros HT, sauf la procédure adaptée. En revanche, pour les opérations de travaux supérieures à 5 270 000 euros HT, le recours aux procédures autres que l’appel d’offres doit correspondre aux cas limitatifs prévus par les articles 35, 36 et 38.

Lorsque, en revanche, l’achat de fournitures ou de services est d’un montant inférieur à 135 000 euros HT pour l’Etat ou 210 000 euros HT pour les collectivités locales, le marché peut être passé selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction des spécificités du marché.

Ultime seuil, celui de l’article 28-II, qui prévoit la possibilité d’une absence de mise en concurrence et de publicité pour les achats inférieurs à 4000 euros HT. (Voir le tableau récapitulatif ci-dessous).

Toutes les procédures sont-elles soumises à des exigences procédurales liées aux seuils?

Les marchés qui échappent aux contraintes liées aux seuils constituent des exceptions au champ délimité. Il en va ainsi des marchés passés à l’issue d’une procédure négociée (art. 35) et des marchés d’exécution attribués à l’issue de la solution retenue dans le cadre d’un marché de définition (art. 73, auquel renvoie également l’article 74-IV sur les marchés de maîtrise d’œuvre).

La question nouvelle et spécifique posée par le Code 2006 concerne les marchés passés sur la base d’accords-cadres ou de systèmes d’acquisition dynamiques : ceux-ci sont contraints également de respecter des seuils, et ce au stade de la passation des accords-cadres (l’article 27-IV ne vise pas les marchés passés sur le fondement des accords-cadres). Le Code applique les seuils à la valeur maximale estimée de l’ensemble des achats qui sont envisagés pendant la durée de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique.

Comment la valeur estimée d’un marché est-elle calculée?

Les règles de calcul du montant estimé des marchés sont fixées à l’article 27. L’idée générale est la globalité. Les principes sont les suivants : pour les travaux, la valeur à prendre en compte est celle de la valeur globale de l’opération de travaux, qui est en fait un ensemble de travaux (le Code cite la construction d’ouvrages et la mise à disposition de fournitures) caractérisé par son unité fonctionnelle, technique, ou économique. Pour les fournitures et les services, selon la même logique, l’estimation porte sur la valeur totale des fournitures ou services qui peuvent être considérés comme homogènes, soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu’ils constituent une unité fonctionnelle.

L’idée de globalité est encore renforcée par le fait que pour les marchés d’une durée inférieure ou égale à un an et pour les achats récurrents, la valeur à utiliser est celle qui correspond aux besoins d’une année entière.

Comment les seuils sont-ils combinés avec l’allotissement?

Moyen d’accès des PME aux marchés publics et de renforcement de la concurrence, l’allotissement désigne l’opération de division d’une opération en lots séparés. La nouvelle rédaction de l’article 10 érige l’allotissement des marchés en véritable principe (même s’il y a des exceptions). Il n’existe pas vraiment d’interférence entre les seuils et la contrainte d’allotissement, car ils ne se situent pas au même niveau de contrainte : en effet, l’unité des marchés est rétablie dans le calcul des seuils, puisque le pouvoir adjudicateur doit retenir la procédure de passation appropriée en faisant masse du montant de l’ensemble des lots qui constituent l’opération (art 27-II).

Les points abordés par la jurisprudence : voir TABLEAU

Les implications pratiques

• Si l’établissement d’une nomenclature obligatoire a été abandonné par les textes, après une tentative par le Code de 2001, la conception volontaire de nomenclatures propres par les collectivités publiques n’est pas pour autant interdite par les textes. De plus, cette démarche présente l’avantage de favoriser le contrôle et donc la rationalisation des achats.

Dans tous les cas, les collectivités qui ont mis en marche cette procédure pourront continuer de l’appliquer. L’adoption d’une nomenclature ne doit pas, cependant, aboutir à un découpage trop fin qui pourrait être de nature à contourner les dispositions du Code. La nomenclature peut être un moyen utile pour procéder à des achats homogènes au sens du Code, mais pas pour le détourner.

• Le passage dans le Code de la notion de personne responsable du marché (PRM) à la notion de pouvoir adjudicateur ne devrait pas avoir de grandes conséquences pratiques. En effet, des démembrements parfois artificiels étaient opérés par le passé, et s’appuyaient sur la notion de PRM qui permettait de jouer sur le niveau administratif de rattachement auquel était effectuée l’évaluation du montant des achats. Le nouveau Code renforce le dispositif déjà en place de l’article 5-II en ajoutant un rappel à l’article 27-I, qui vient renforcer la prohibition du contournement des dispositions du Code par une utilisation non adéquate des modalités de calcul de la valeur estimée du marché. Quelle que soit l’estimation, celle-ci devra respecter les principes de globalité et d’unité fonctionnelle fixés par l’article 27 du Code.

Avant le Code 2006Avec le Code 2006
La notion d’opération de travaux (article 27), ensemble auquel s’appliquera le seuil, n’avait pas été clairement définie par le Code. Le juge, en tentant de préciser les termes de la réglementation, a dégagé un faisceau d’indices pour les opérations qui apparaissent difficiles à identifier : ce faisceau consiste en une unité de temps (marchés distincts conclus à la même date ; CE, 29 juillet 1994, « Caisse des écoles d’Epinay-sur-Seine »), une unité de lieu (marchés distincts pour des travaux portant sur la même propriété ; CE Sect., 26 juillet 1991 « Commune de Sainte-Marie-de-la Réunion »), et unité d’action (pour des marchés passés à des dates différentes, mais qui contribuent à une unité fonctionnelle (CE, 14 janvier 1998, « Conseil régional de la région Centre »).La nouvelle rédaction du Code (article 27) reprend avec quelques modifications mineures la définition de l’opération de travaux déjà retenue par le Code de 2004, la jurisprudence devrait donc continuer à appliquer les solutions dégagées précédemment.
La notion d’ouvrage semblait assez imprécise et incertaine, l’ouvrage jouant pourtant le rôle de cadre au sein duquel la valeur globale des travaux devait être calculée. La CJCE est venue apporter quelques précisions, en prenant appui sur la directive « travaux ». Elle a ainsi conclu à la présence d’un ouvrage unique en présence de réseaux de distribution d’électricité différenciés, mais remplissant « une même fonction économique et technique ». Celle-ci se déduisant de la simultanéité de lancement des marchés, de l’unité du cadre géographique de lancement des marchés, ou de similitudes de la procédure et du cadre de celle-ci (CJCE, 5 octobre 2000, « Commission c. France »).La notion d’ouvrage demeure dans le nouveau Code, où elle conserve le même rôle. Cependant, le nouveau texte s’aligne sur la directive en intégrant dans le montant des travaux effectués sur un ouvrage, la valeur des fournitures nécessaires à leur réalisation que le pouvoir adjudicateur met à disposition des opérateurs (article 27). Une pluralité d’ouvrages peut donner lieu à une unité d’opération.
Le montant des marchés de fournitures et de services s’apprécie en fonction de caractéristiques d’homogénéité des besoins, estimées comme telles en fonction de caractéristiques propres ou de leur unité fonctionnelle. L’établissement du caractère homogène par une nomenclature a été supprimé par le décret du 7 janvier 2004, en raison du caractère largement artificiel d’une telle classification (circulaire NOR:ECO Z0300024C du 7/1/2004).Le Code 2006 reprend la notion d’homogénéité, qui n’est définie nulle part et n’a pour l’instant fait l’objet que de peu de précisions. On peut donc présumer que ce travail reviendra essentiellement au juge, comme pour la notion d’opération de travaux.
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