Les dispositions du code 2006
Quelle est la spécificité d’un marché de conception-réalisation ?
Le champ d’application des marchés de conception-réalisation est marqué d’une empreinte dérogatoire : le Code prévoit en effet un outil adapté aux marchés complexes, la procédure de dialogue compétitif. Cependant, en application de l’article 7 de la loi MOP du 12 juillet 1985, le dernier alinéa de l’article 36 du Code interdit formellement l’utilisation du dialogue compétitif pour les marchés combinant l’intégralité de la conception de l’ouvrage et l’exécution des travaux.
Dans le cas où l’entrepreneur de travaux doit être associé à la conception d’un ouvrage soumis à la MOP, seule la procédure de conception-réalisation est donc envisageable.
La notion de marché de conception-réalisation (articles 37 et 69 du Code) se caractérise par son caractère global : ce dispositif recouvre les hypothèses de réalisation de travaux complexes, dans lesquels le pouvoir adjudicateur peut traiter simultanément, dans le cadre d’une seule procédure, les questions relatives aux études et à l’exécution des travaux. De ce fait, ce type de marché est soumis au principe général d’interdiction de la loi MOP, néanmoins il rentre dans le cadre de l’exception à ce principe déterminée à l’article 18 de la loi, qui autorise l’association de l’entrepreneur à la phase de conception lorsque des motifs d’ordre techniques la rendent nécessaire.
Quelles sont les conditions de recours au marché de conception-réalisation ?
Les possibilités de recours à ces marchés sont strictement délimitées, conformément au principe général de la loi MOP, qui veut que les fonctions de conception et de réalisation d’un ouvrage soient distinctes. Le Code 2006 prévoit ainsi (art. 37 alinéa 2) que l’utilisation du marché de conception-réalisation est subordonnée à la présence de motifs d’ordre technique rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.
L’article 37 tente d’apporter une dimension précise à ces différentes justifications techniques, en précisant que ces dernières sont liées à la destination ou à la mise en œuvre technique de l’ouvrage. Le texte va même jusqu’à essayer d’évoquer le type d’opérations concernées, notamment en ce qui concerne « des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre », ou comme soulevant des difficultés très fortes du fait des caractéristiques propres des travaux en cause (« des opérations dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques »).
Les marchés de conception-réalisation sont-ils tous soumis aux mêmes contraintes d’utilisation ?
Non. Plusieurs lois sont intervenues pour autoriser un usage plus souple des marchés de conception-réalisation : ces textes (la LOPSI du 29 août 2002, la LOPJ du 9 septembre 2002, la loi de programmation de la défense du 27 janvier 2003 et l’ relative aux hôpitaux) ont notamment écarté l’obligation de justifier le recours à ce mécanisme par des motifs d’ordre technique.
Comment se déroule la passation d’un marché de conception-réalisation ?
Sur un plan général, le cheminement suivi (art. 69) se singularise par la présence d’un jury à la physionomie un peu particulière : le Code vient préciser (art. 69 al. 2) que le jury (qui tient essentiellement, comme dans le cadre du concours, un rôle de conseil auprès des organes de décision) doit être composé pour un tiers au moins de maîtres d’œuvre désignés par le pouvoir adjudicateur.
Concrètement, le premier alinéa de l’article 69 dispose que les marchés de conception-réalisation sont passés selon les modalités de l’appel d’offres restreint. Cela signifie que la procédure est initiée par la publication d’un avis d’appel public à la concurrence, et que la sélection se déroule en deux étapes (sélection des candidatures, puis des offres), dans les délais prévus pour l’appel d’offres restreint.
Dans un second temps, après le dépôt des candidatures, le jury examine celles-ci et formule un avis motivé à destination du pouvoir adjudicateur, qui arrêtera la liste des candidats admis à réaliser des prestations.
Cette étape franchie, chaque candidat sélectionné présente un avant-projet accompagné de la définition des performances techniques de l’ouvrage en cause et est auditionné par le jury, qui dressera un procès-verbal de l’examen des prestations et des auditions, puis formulera un avis motivé. Après avoir pris connaissance de l’avis, et avoir éventuellement demandé des clarifications, l’organe compétent (le Code énonce qu’il s’agit de la CAO pour collectivités territoriales et les établissements publics locaux, sauf les établissements publics de santé, sociaux ou médico-sociaux) attribue le marché. Conformément au règlement de la consultation, des primes (qui peuvent être réduites par le jury) sont versées aux concurrents.
Les implications pratiques
• L’avis du jury constitue une formalité substantielle (voir jurisprudence), mais il n’a pas vocation à lier la décision du pouvoir adjudicateur (ou de la CAO), qui peut prendre une décision non conforme à l’avis du jury. Cette solution a été adoptée par la jurisprudence dans le cadre de procédures voisines (concours de maîtrise d’œuvre).
L’audition par le jury des candidats admis à concourir prévue à l’article 69 alinéa 4 ne fait pas l’objet d’un encadrement particulier. Cependant, afin d’éviter toute contestation contentieuse a posteriori par des concurrents malheureux, le jury devra s’assurer de procéder en respectant la transparence et l’égalité des candidats. A cette fin, le recours à un certain formalisme paraît être la solution la plus sûre. Matériellement, une information préalable des candidats par rapport aux conditions de déroulement des auditions (par exemple dans les documents de la consultation) pourrait ainsi présenter une certaine utilité. Par ailleurs, le recours à un compte rendu écrit favoriserait la transparence de la procédure d’audition.
Les pièces constitutives d’un marché de conception-réalisation sont plus nombreuses que celles d’un autre type de marché passé selon une procédure ordinaire (article 11) : les études de conception présentées par l’opérateur économique retenu doivent être jointes aux pièces habituelles, ainsi que le programme de l’opération au sens de l’article 2 de la loi MOP. Cette dernière pièce en particulier doit faire l’objet d’un effort de détail et comporter les résultats vérifiables à atteindre ainsi que les besoins à satisfaire.
