La chute de hauteur est l'une des causes d'accidents les plus graves dans le BTP. Dans les travaux souterrains, ce n'est pas le risque le plus important (devancé malheureusement par les manutentions manuelles et les risques liés à la circulation des personnes), mais il constitue une priorité malgré tout. De nombreuses opérations nécessitent l'élévation des personnes en espace restreint, et des accidents peuvent se produire comme en témoigne le récit ci-après.
Bernard et Marcel sont chargés par leur chef de réaliser le réglage des boulons d'ancrage de la voûte du tunnel. Cette opération consiste à s'assurer, à l'aide d'une clé dynamométrique, que les boulons sont serrés correctement.
Le tunnel a un diamètre moyen de 6 mètres. Pour réaliser cette opération, les deux ouvriers doivent accéder à la voûte du tunnel. Malheureusement, sur les lieux de leur travail, un peu en retrait de la zone d'abattage, le jumbo occupe une grande partie du volume et l'accès à la voûte en est empêché. Bernard et Marcel suivent alors la proposition de Jean, qui considère cette opération comme exceptionnelle du fait des particularités du terrain, de monter dans le godet de la pelle de terrassement, et commencent à réaliser l'opération.
Soudain, le godet se retourne et les deux salariés sont projetés au sol. Grièvement blessés, ils sont évacués par les équipes de secours vers l'hôpital le plus proche.
QUE S'EST-IL PASSE ?
PELLE
Une utilisation interdite
Le flexible hydraulique qui sert à manoeuvrer le godet était endommagé; personne ne s'en est aperçu et celui-ci s'est rompu alors que les salariés étaient dans le godet. En se renversant, le godet a provoqué la chute de Marcel et de Bernard.
Par ailleurs, Jean a commis une erreur en leur demandant d'utiliser le godet de la pelle comme moyen d'élévation du personnel. L'opération de serrage des boulons est une tâche «normale» de l'activité de soutènement et ne doit pas être considérée comme «exceptionnelle», même si elle peut se faire en temps masqué; par ailleurs, le fait d'utiliser la pelle comme engin de levage de personnes est formellement interdit.
QU'AURAIT-IL FALLU FAIRE ?
ANTICIPER LES TACHES OU UNE ELEVATION DOIT ETRE REALISEE.
1 Préparer et organiser le chantier en intégrant le traitement du risque «chute de hauteur». Dans les travaux souterrains, un grand nombre d'activités nécessite l'élévation en hauteur du personnel. Ces opérations doivent être étudiées lors de la conception et la préparation du chantier. Il est alors possible de choisir la méthode d'exécution du chantier et les équipements de travail en intégrant cette contrainte complémentaire : éviter autant que possible l'élévation du personnel.
Pour cela, il est nécessaire d'anticiper les tâches où une élévation doit être réalisée et faire en sorte que cela soit traité. Ainsi, pour une opération de projection de béton, il est possible par exemple de mettre en place un robot de projection à commande déportée : le projeteur réalise l'opération depuis le sol.
2 Si cela s'avère nécessaire, choisir et utiliser le matériel mécanique qui permet d'élever le personnel en toute sécurité en fonction des conditions de site. Il est interdit d'utiliser un godet de pelle comme moyen d'élévation, même si cela présente un intérêt du fait que la stabilité de la pelle est plus importante qu'une nacelle, par exemple, ou que les protections latérales apportées par les bords du godet peuvent assurer les fonctions d'un garde-corps.
Elles ne sont pas, en général, équipées des dispositifs nécessaires à une élévation en sécurité du personnel.
De nombreux matériels de tout gabarit existent et permettent de répondre à la plupart des conditions particulières de site : ainsi, les matériels d'abattage, tels que les jumbos, disposent maintenant d'un bras muni d'une nacelle utilisable par exemple pour le boulonnage des voûtes, ou comportant des axes support pour les bras de béton projeté, nacelles larges pour plusieurs personnes ou pour stocker des charges longues.
Cependant, les conditions de mise en oeuvre de ces nacelles doivent faire l'objet d'une évaluation des risques apportés notamment par l'espace restreint : risque de heurt de l'opérateur avec la voûte, risque de coincement entre la voûte et la nacelle, risque de chute de matériaux depuis la plate-forme, risque de heurts entre engins et stabilité sur le sol...
La conception des nacelles doit tenir compte de ces risques potentiels et disposer de moyens de prévention appropriés : par exemple détection des obstacles par palpeur, arceau de protection, rehaussement des plinthes...
Dans les autres cas, les moyens d'élévation des personnes doivent répondre aux règles techniques prévues par la directive « machines » et déclinée pratiquement dans la norme EN 280.
3 N'avoir recours à des échelles que dans des cas exceptionnels ; préférer des plates-formes de travail. Une échelle n'est pas une plate-forme de travail et ne doit servir par principe qu'au déplacement des personnes. Le travail doit être exécuté dans des conditions ergonomiques adéquates. La conception des plates-formes de travail doit tenir compte des conditions de stabilité et de résistance, de propreté (notamment sols antiglissants), de circulation « normale » (planéité) ou extraordinaire (telles que pour évacuer un blessé), des conditions d'ancrage (surface curviligne, terrains de résistance variables...), de circulation à proximité des plates-formes (engins, circulation de matériau, personnes...) ou de circulation propre de la plate-forme (empêcher le déplacement intempestif de l'équipage) et des risques d'incendie (choix de la nature des matériaux, résistance au feu...).
Leur mise en place ne doit pas permettre de créer des risques de chute. Des échafaudages adaptés sont souvent nécessaires.
L'utilisation d'échelles doit être évitée. Dans tous les cas, les échelles doivent être conformes à la norme EN 131. Les conditions d'utilisation sont fixées par la directive 2001/45 du 27 juin 2001 dont la transposition dans le droit français est en préparation.
MARIE-CHRISTINE MICHEL
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