Avec un carnet de commandes plein jusqu’à fin 2010, le principal problème de Jean-Yves Jousselin, P-DG de l’entreprise créée par son grand-père en 1936, est le manque de bras. Il se heurte à deux difficultés majeures : être situé en milieu rural à 70 km des quatre principales agglomérations de l’Ouest (Rennes, Laval, Angers et Nantes) et développer des nouveaux métiers, notamment la construction de murs préfabriqués, pour lesquels aucune formation n’existe. Face à ce double handicap et alors qu’il devait recruter douze personnes pour faire tourner une nouvelle usine, le dirigeant a conçu un dispositif « maison ». Il consiste à ouvrir son entreprise à tout type de profils (agriculteurs, artisans, ouvriers…) et à confier l’intégration et la formation des nouveaux à des salariés référents.
« La baisse d’activité de 35 % dans la construction de pavillons est compensée par le succès de nos murs à coffrage intégré architectonique, explique Jean-Yves Jousselin. Notre process de fabrication, développé en interne, requiert une formation qui ne peut être assurée que par nous-mêmes. » Faute de pouvoir attirer des professionnels du bâtiment, il donne leur chance aux habitants de son village sans emploi. Ainsi, à 51 ans, le boulanger de Chazé-Henry a fermé sa boutique en février 2008 et intégré l’entreprise Jousselin le mois suivant. Deux ans plus tôt, c’est un ancien ouvrier en plasturgie qui, sitôt son licenciement, a été recruté par l’entreprise de construction. « Plus que des qualifications techniques, nous attendons des personnes qu’elles soient exigeantes sur la qualité de leur travail », prévient le dirigeant. « Toutefois, engager de la main-d’œuvre non qualifiée exige beaucoup plus d’encadrement. »
Une intégration par étapes
La première étape de ce processus de recrutement passe impérativement par une mission en intérim de huit à neuf semaines afin de tester la capacité d’adaptation du candidat. Suivent ensuite deux CDD de trois mois. Cette « période d’essai » est accompagnée d’une « évaluation continue des compétences préalable à l’embauche » avec des objectifs à atteindre en vue de faire progresser la personne et de la rendre autonome. Un tableau mesure, semaine après semaine, ses progrès tant du point de vue du comportement (ponctualité, motivation, respect des consignes, communication…) que du savoir-faire (lecture de plan, coffrage, ferraillage, coulage et décoffrage de pièce simple). L’intégration d’un nouvel entrant est toujours confiée à un salarié responsable d’une petite équipe qui suivra son évolution. Mis en place à l’issue de la démarche qualité, ce référent, dénommé ROC (responsable opérationnel client), joue un rôle essentiel dans la vie de l’entreprise Jousselin. Il est responsable de la réalisation globale d’un chantier, à savoir du matériel, des matériaux et des opérateurs. Ce qui implique qu’il doit assurer leur formation de base ainsi que celle liée aux métiers spécifiques de Jousselin Préfabrication.
La deuxième étape du parcours de formation est confiée aux Compagnons du devoir qui montent un programme sur un thème générique (coffreur, ferrailleur, organisation d’un atelier) pour trois ou quatre salariés regroupés par niveau de compétences. Enfin, un dernier stade est consacré à des formations pointues sur la lecture de plan ou la réparation des bétons. « Dès qu’une opportunité de se perfectionner se présente, je la propose à mes équipes », détaille le dirigeant qui place la formation au cœur de sa stratégie managériale. Ainsi, il n’achète un nouveau produit que si le fabricant ou le distributeur vient dans l’entreprise former ses salariés.
Une stratégie payante puisque deux tiers des candidats transforment leur essai en embauche définitive.