Entre les voies 30 à 36 de la gare du Nord, dans le Xe arrondissement parisien, les travailleurs en tenue fluo s'activent depuis le 9 février sans discontinuer. Et pour cause : ils doivent remplacer en quatre mois 43 aiguillages répartis sur une longueur d'un kilomètre. « Cela représente environ un tiers de ce qui est habituellement renouvelé en un an sur toute la région », indique, à titre de comparaison, Gilles Gautrin, directeur de la modernisation et du développement de SNCF Réseau en Ile-de-France.
Mis en place au début des années 1980 lors de l'agrandissement de la gare, ces appareils de voie, indispensables à l'orientation des trains, n'ont jamais été renouvelés. Longs de 40 m, ils se composent d'une lame d'aiguille mobile, qui définit la direction du train, et d'une partie fixe. Quant au cœur d'aiguille, il désigne l'endroit où se croisent les voies et où la précision de conception comme de mise en œuvre doit être millimétrique pour éviter les accidents.

300 personnes au total. Afin de mener à bien ces opérations essentielles avant le début des Jeux olympiques et paralympiques, les équipes, soit 300 personnes au total, issues majoritairement des équipes de TSO, se sont organisées pour travailler essentiellement la nuit et lors de 12 week-ends « coup de poing » au cours desquels le trafic est interrompu. Chaque week-end, les travaux concernent une zone différente, avec les aléas que cela suppose. Des groupements d'aiguillages entremêlés de façon indissociable doivent être renouvelés d'un seul bloc pour limiter les perturbations.
Le délai serré contraint les opérations à suivre un rythme soutenu. Dans la zone concernée, les anciens morceaux de rails, les vieilles traverses et les aiguillages sont d'abord démontés, puis séparés et chargés dans des wagons en vue de leur évacuation. Ensuite, les excavatrices s'affairent afin de déblayer puis de retirer les 20 cm d'ancien ballast qui calent les rails. Sur une voie voisine, des wagons vides sont progressivement remplis des matériaux à renouveler. Une fois le terrain dégagé, 10 cm de nouveau ballast y sont posés. Un préalable indispensable pour pouvoir ensuite y placer avec minutie les appareils de voie arrivés sous forme de kits préfabriqués.
Précision de 20 mm. Centre névralgique du chantier, « la grue Kirow permet de poser les aiguillages dans leur entièreté de façon très rapide et sans interruption grâce à une logistique précise qui permet l'approvisionnement permanent », explique Olivier Armillotta, chef de projet chez SNCF Réseau. Les aiguillages avec leurs rails et leurs traverses sont ainsi posés par tronçons de 40 m avec une précision de 20 mm. Une fois fixés, 10 cm de ballast sont encore ajoutés afin de caler l'aiguillage. Plusieurs contrôles sont ensuite réalisés pour vérifier la position avant que la bourreuse ne vienne compacter le ballast. Ce n'est qu'après cette étape que les opérateurs réalisent les soudures. Enfin, la circulation est ralentie pendant 48 heures dans le but de permettre à l'aiguillage de se stabiliser dans son nouvel environnement. Des trains remplis de ballasts peuvent aussi circuler pour réaliser cette stabilisation.

Pour chaque zone concernée par les travaux, 90 techniciens sont mobilisés. Lors des week-ends, leur intervention débute dès le vendredi soir après le dernier train à 22 h 35 jusqu'à 4 h 30 le lundi matin, heure de la première circulation. Pendant ces opérations, les trains de voyageurs continuent de circuler sur les autres voies. Certains sont détournés avant de retrouver leur destination, via des allongements de parcours.
« Une première en Europe ». Si le renouvellement d'aiguillages n'est pas rare, l'importance volumique de ce chantier en fait une opération exceptionnelle, « une première en Europe », selon SNCF Réseau. Elle servira d'apprentissage puisque l'an prochain, ce sera au tour de la gare de l'Est de connaître un chantier similaire, « avec les mêmes configurations et les mêmes problématiques », projette Olivier Armillotta.