Qu'attendez-vous des projets de services express régionaux métropolitains (Serm) ?
La loi promulguée en décembre dernier concrétise l'élan donné aux Serm avec un développement sur dix ans et la désignation de la Société du Grand Paris, transformée en Société des Grands Projets, pour piloter ce vaste programme. Pour autant, il est difficile pour l'instant d'en évaluer précisément le potentiel, tant la nature des projets et les expertises à mobiliser peuvent varier selon les villes et les lignes concernées. Néanmoins, tout porte à croire qu'il sera davantage question d'adaptation des infrastructures existantes avec des travaux de quais, de signalisation, de génie civil… que de constructions neuves. Aujourd'hui, des projets sont assez avancés dans certaines métropoles.
Ils sont matures et s'interfacent bien avec le réseau existant, alors que dans d'autres territoires, des études longues et complexes seront nécessaires.
Les travaux sur le réseau ferré vont monter en puissance ces prochaines années. Comment vous y préparez-vous ?
L'heure est à la mobilisation générale car le plan de 100 Mds € annoncé par le précédent gouvernement se traduit déjà dans les crédits consacrés au rail. SNCF Réseau, notre principal donneur d'ordres, va notamment investir 1,5 Md € supplémentaires d'ici 2028 avec 1 Md € fléché vers la régénération et 500 M€ vers la modernisation des infrastructures. Pour y répondre, nous devons nous inscrire dans une logique de filière qui regroupe les maîtres d'ouvrage, tels que SNCF Réseau ou la RATP, mais aussi les industriels du ferroviaire et l'ingénierie. Cela nous permettra d'élaborer une feuille de route dans laquelle, bien sûr, TSO s'inscrira.
Justement, quelles sont vos priorités à la présidence de TSO que vous venez de prendre le 1er janvier dernier ?
La dynamique de marché nécessite de travailler tout particulièrement les notions de disponibilité, de fiabilité et de réactivité. Pour ce faire, nous pouvons compter sur un parc de matériels dont nous sommes propriétaires, maintenu en interne par nos équipes, et que nous continuons à développer avec près de 20 M€ d'investissement annuel.
Cette année, nous allons, par exemple, recevoir une nouvelle bourreuse et un nouveau stabilisateur dynamique capable d'intervenir sur tous types de voies, classiques comme à grande vitesse. Nous continuerons également d'investir dans des machines courantes et néanmoins indispensables : pelles rail-route, nacelles… et dans la remotorisation et la décarbonation de nos engins de traction. Il nous faut disposer d'outils performants avec le bon niveau de mécanisation afin de les inscrire dans nos démarches d'innovation et d'évolution de nos méthodes.
Au-delà de ces moyens techniques, comment comptez-vous disposer des ressources humaines nécessaires ?
Sur ce point, nous pouvons nous appuyer sur notre centre de formation qui délivre des qualifications dans tous les métiers ferroviaires, tels que monteurs caténaires, poseurs de voies et agents de sécurité ferroviaire, et nous permet d'accueillir de nombreux collaborateurs en insertion. Mais ma priorité consiste évidemment à assurer l'intégrité physique de nos collaborateurs et leur bien-être en veillant à l'application de nos règles vitales sur tous nos chantiers et en nous inscrivant pleinement dans les démarches communes de filière, telle que la mission « Nos vies, notre priorité » de SNCF Réseau.
Comment articuler surcroît d'activité et capacité financière ?
Nous sommes très attentifs à la trésorerie car notre activité nous conduit à fonctionner avec une trésorerie négative liée aux délais de paiement et au temps nécessaire pour valider les situations mensuelles. L'impact négatif sur nos résultats devient important lorsque les taux passent de 0,5 % à 4 %. C'est pourquoi nous travaillons avec nos maîtres d'ouvrage à la mise en place de dispositifs, tels que des avances ou des raccourcissements de délais de paiement qui limitent notre niveau d'exposition.
Cette montée en charge est-elle de nature à remettre en cause vos ambitions de décarbonation ?
Nous visons une réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 4 % par an sur les scopes 1 et 2, et ce malgré l'augmentation d'activité projetée. L'atteinte de cet objectif passera notamment par l'usage du biocarburant sur nos chantiers comme sur nos installations principales pour alimenter nos flottes de véhicules légers. Une partie d'entre eux passera aussi à l'électrique. Nous travaillons également avec la filière ferroviaire à améliorer les process chantiers pour réduire les mouvements de nos trains et réutiliser les principaux composants des voies régénérées.
« Notre objectif à 2028 est de suivre la trajectoire ascendante des investissements dans le réseau ferroviaire avec une croissance de 30 %. »
Les ambitions françaises pour le réseau ferré ouvrent-elles la porte à de nouvelles approches contractuelles ?
Depuis quelques années, SNCF Réseau a recours à la conception-réalisation sur certains marchés. Cette approche contractuelle s'avère particulièrement adaptée aux projets d'infrastructures neuves. Elle a notamment été utilisée sur certains lots des projets Eole ou CDG Express. Dans ce cadre, l'entreprise a davantage de latitude pour mener le projet en adéquation avec ses solutions et ses moyens en vue d'être la plus performante possible, tant financièrement que techniquement. L'autre intérêt de ce type de contrats pour une société comme la nôtre qui appartient à un groupe [NGE, NDLR] est de pouvoir associer un large éventail de métiers. Ainsi, en conception-réalisation, nous ne sommes plus soumis à des logiques de segmentation par métier : plateforme et terrassement d'un côté, génie civil de l'autre…
Tous les savoir-faire peuvent interagir avec un maximum de coordination sous une direction générale de chantier unique.
Quel peut-être votre rôle dans la revitalisation des petites lignes ?
La loi d'orientation des mobilités de 2019 a ouvert sur ce point une nouvelle possibilité en permettant aux régions, en qualité d'autorités organisatrices de la mobilité, de reprendre en propriété ou en gestion des lignes de desserte fines du territoire. Chacune est libre du choix de son modèle pour assurer la gestion et la maintenance des infrastructures qu'elle a reprises en main. Le Grand Est, par exemple, a opté pour la concession et lancé un appel d'offres pour redonner vie à la liaison Nancy-Contrexéville fermée depuis 2016.
En se tournant vers des entreprises privées chargées d'assurer la conception, la réalisation, la gestion et la maintenance pendant vingt ans, elle entend fournir une offre de transport cadencée qui lui permette de connecter son territoire.
La région Occitanie a pour sa part obtenu les transferts des petites lignes Montréjeau-Luchon et Alès-Bessèges et a opté pour la réalisation de travaux en marchés classiques sous sa propre maîtrise d'ouvrage. Nous nous positionnons comme acteur pouvant répondre à l'ensemble de ces configurations soit juste en travaux, soit en amenant le financement, la conception et même la maintenance.
Comment toutes ces opportunités de marché peuvent-elles se traduire dans les résultats de TSO ?
Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 520 M€ en 2022 en France et à l'international, et l'année 2023 devrait s'achever sur une croissance d'environ 6 %. Notre objectif à 2028 est de suivre la trajectoire ascendante des investissements dans le réseau ferroviaire avec une croissance de 30 %. Nous sommes déjà en ordre de marche pour l'atteindre. En plus de nos activités historiques de travaux de voies, de caténaires, de signalisation et de sécurité ferroviaire, nous avons créé des périmètres dédiés pour assurer les nouvelles missions de gestion d'infrastructures, de maintenance et de gestion de sites qui concerne l'ensemble de la sûreté de ces lieux.
A mesure que le marché s'ouvre et réclame de nouvelles expertises, nous nous organisons en conséquence.