Face aux fraudeurs (2/7) : Big Brother et big data

Les bases de données pourraient aider les pouvoirs publics à s’assurer de la réalité et de la qualité des travaux de rénovation énergétique aidés.

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Data technology background. Big data visualization. Flow of data. Information code. Background in a matrix style. 4k rendering.
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Ce sont des génies de la fraude : les éco-délinquants peuvent aller jusqu’à détourner les aides, sans faire de travaux, comme le révélait notre enquête sur les « escrocs de la réno ».

Dans la plupart des cas, les travaux sont réalisés… mais mal. Pour éviter que les aides publiques ne financent des travaux au rabais, sur lesquels il faudra de toute façon intervenir à nouveau pour corriger les dégâts, un fin connaisseur du secteur propose, en plus des contrôles sur site, d’utiliser les compteurs connectés.  « Tous les ménages ou presque sont équipés d’un compteur Linky (plus de 33 millions de compteurs ont été déployés selon Enedis, NDLR), et bientôt, de Gazpar. Nous pouvons légitimement supposer qu’après avoir fait réaliser des travaux de rénovation énergétique, leurs consommations réelles baisseront, juge un professionnel du secteur. Si les informations transmises par le compteur connecté ne vont pas dans ce sens, cela peut être le signe de travaux de mauvaise qualité ou qu’ils n’ont pas été réalisés du tout. » Et ainsi, aiguiller les contrôleurs dans leurs recherches…

Faire des économies… réelles

Cette solution aurait également le mérite de se concentrer sur les économies d’énergies réelles, et non pas théoriques. « En déroulant le fil, nous pouvons même imaginer de lier le montant des aides au niveau d’économies réelles atteint », poursuit notre source. Mais comment éviter que les particuliers ne fassent un effort de trésorerie trop important devenant ainsi un véritable frein aux travaux ? « Un forfait serait octroyé au lancement des opérations sur la base d’une économie théorique. Il serait « boosté » en fonction des économies d’énergies effectivement réalisées et constatées un ou deux ans après la réception du chantier. »

Ainsi dessinées, les aides à la rénovation énergétique auraient le mérite de développer l’efficacité énergétique (via la réalisation de travaux) et de promouvoir des comportements plus sobres, en incitant les ménages à faire attention à leur consommation. De quoi limiter l’effet rebond… « Cette solution pourrait être testée dans un premier temps dans l’industrie et le grand tertiaire, où il est plus simple de financer proportionnellement aux économies réelles », termine notre expert.

Centraliser la donnée

A plus court terme, il serait largement temps, notent plusieurs experts interrogés, de créer une véritable base de données des chantiers financés par MaPrimeRénov’ et par les certificats d’économie d’énergie. « Chaque administration dispose de son outil de contrôle, il n’existe pas de fichier centralisé regroupant l’ensemble des chantiers ayant bénéficié d’une aide », reconnaît-on au ministère de la Transition écologique. En respectant le règlement général sur la protection des données (RGPD) et en conservant précieusement ces données pour préserver l’anonymat des bénéficiaires, un fichier pourrait être constitué pour y faire figurer le montant des aides perçues, les entreprises de travaux qui sont intervenues, ainsi que les mandataires, délégataires et obligés concernés et les bureaux de contrôle diligentés. Partagée entre l’Anah, le pôle national des CEE (PNCEE) et les organismes de qualification (Qualibat, Qualit’EnR et Qualifelec) qui délivrent le RGE - et donc, ouvre la voie aux CEE aux entreprises - cette base pourrait orienter judicieusement certains contrôles.

Dans la même veine, un autre fichier pourrait être créé, à l’image de ce qui existe dans le secteur bancaire. Pour protéger les particuliers d’eux-mêmes (mais aussi les établissements bancaires et leurs garants) des fichiers listant les personnes interdites bancaire, de chéquiers, qui ont connu des incidents de remboursement des crédits ou encore, qui se trouvent en situation de surendettement existent. Alors pourquoi ne pas créer un fichier des entreprises fortement suspectées de frauder avec le système ? Cette base, constituée suite à un faisceau d’indices (plaintes récurrentes de particuliers, sanction CEE publiée au JO…) serait entre les mains de la puissance publique, qui demanderait une mise à jour régulière des obligés et de leurs délégataires. Actuellement, la loi ne permet pas de créer ce genre de fichier. Mais la loi peut être amendée.

Ensuite, il faudrait cibler les contrôles. Là encore, la donnée manque. « En 2016, l’Anah n’avait pas de fichier centralisé des entreprises intervenues sur le crédit d’impôt (transition énergétique, NDLR), se rappelle Eric Jost, directeur général de Qualibat. La base de données prévue dans l’arrêté du 3 juin 2020 n’a toujours pas été constituée par l’Ademe, qui en a pourtant la mission. On ne peut donc pas faire une recherche dans la base des chantiers MPR pour faire des audits ! Par ailleurs, le règlement intérieur de l’Anah ne permet pas de sortir des informations RGPD sur les bénéficiaires de MPR. Or, on ne peut pas aller faire un audit d’un bénéficiaire, si l’on n’a pas son adresse. »

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