Face à la crise des matériaux, des solutions pour simplifier la commande publique

Parmi les dix mesures dévoilées ce 14 juin, le cabinet d'avocats Charrel et associés propose de reconnaître l’irrégularité des indices statistiques, de généraliser la procédure avec négociation, de prévoir des délais miroir ou encore de proscrire l’interdiction des variantes.

Réservé aux abonnés
Innovation
Le cabinet Charrel et Associés propose dix mesures pour simplifier la commande publique en temps de crise.

Dans le contexte actuel de crise des matériaux – conséquence de la guerre en Ukraine –, le débat en matière de commande publique se cristallise autour de l’intangibilité des prix. Interprétant de façon extensive l’article R. 2194-5 du Code de la commande publique (CCP),  Bercy affirme que toute modification sèche du prix au cours de l'exécution d'un marché est interdite, ce que de nombreux praticiens remettent en question.

En attendant une potentielle saisine du Conseil d’Etat - telle qu’annoncée par la Direction des affaires juridiques de Bercy - pour trancher le débat, le cabinet d'avocats Charrel et associés explore de nouvelles pistes afin de faire face à l’enlisement de la situation actuelle. « Il faut trouver des solutions car la crise est systémique, puisqu'elle couvre tous les champs, globale puisqu’elle touche tous les pays, et enfin, exceptionnelle par son ampleur et sa durée », analyse Nicolas Charrel. Pour cela, « nous avons cherché des solutions juridiques, législatives et réglementaires. L’idée est d’avancer sur une commande publique plus souple et de résoudre certains litiges dans le respect des intérêts de tout le monde, opérateurs économiques et acheteurs publics ».

Rendre la commande publique plus souple

Parmi les dix propositions du cabinet Charrel, certaines sont déjà sur la table, d’autres sont plus innovantes.

1) Généraliser la procédure avec négociation. Pour rappel, l’article R.2124-3 du CCP limite actuellement le recours à la procédure avec négociation par les pouvoirs adjudicateurs à des cas précis alors qu’en application de l’article R.2124-4 du même code, les entités adjudicatrice peuvent bénéficier du libre choix entre les procédures d’appel d’offres et les procédures avec négociation au-delà des seuils européens.

2) Elargir le recours aux prix provisoires. Pour mémoire, le CCP (article R.2112-17) limite à cinq les hypothèses dans lesquelles de tels marchés peuvent être passés. Pour Nicolas Charrel, « compte tenu de la forte variation des prix, pour certains matériaux, l’ouverture des cas de passation d’un marché à prix provisoire semble, au moins temporairement, opportune ». 

3) Autoriser la modification des prix par avenant dans la limite de 15 % du montant initial pour les marchés de travaux. Sur ce sujet, seule une décision du Conseil d’Etat tranchera le débat actuel.

4) Reconnaître l’irrégularité des indices statistiques. Les avocats contestent l’utilisation, qui perdure encore, des indices de portée générale BT01 et TP01. « Ces indices sont déconnectés de la réalité des évolutions des prix des matériaux et nécessaires à l’exécution de certains lots alors qu’il existe des indices dédiés », comme le BT09 relatif à l’acier. Pour Nicolas Charrel, l’utilisation des indices généraux pourrait être qualifiée d’irrégulière par le juge administratif car non liée à l’objet du marché. La proposition du cabinet consiste « à prévoir réglementairement que des avenants doivent rendre applicables des indices en lien avec l’objet du marché pour que les prix puissent être révisés dans le cadre de l’évolution constatée des coûts, opposables à tous ».

5) Poursuivre la période protégée. L’idée ici est de prolonger la durée de validité du décret n° 2022-485 du 5 avril 2022 instituant une aide pour les entreprises du secteur des travaux publics particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

6) Rendre obligatoire, et non uniquement possible, l’introduction d’une clause de révision des prix du marché même dans les marchés conclus à prix révisables en cours d’exécution. Cette solution serait toutefois encadrée : il faudrait d'une part que la part de fournitures représente 25% du prix du marché et que l'évolution du prix de ces fournitures soit supérieur à 15% afin de ne concerner que les marchés réellement impactés par la crise. 

7) Sécurisation des fournisseurs. Sur ce point, le cabinet Charrel propose de transposer le modèle du paiement direct dont bénéficie un sous-traitant au fournisseur. Cette mesure alternative à la délégation de paiement supposerait toutefois une modification législative, elle paraît donc moins probable à l’heure actuelle. En outre, l’idée est d’encadrer ce processus notamment via une procédure d’agrément préalable. 

8) Généralisation des variantes. Le CCP prévoit aujourd’hui des conditions strictes pour recourir aux variantes et les interdit dans certains cas, par exemple pour les marchés passés en procédure formalisée sauf en cas de mention contraire dans l’avis de marché. Le cabinet Charrel propose, dans le contexte actuel, l'interdiction d'interdire le recours aux variantes en passation et en exécution sur les matériaux, les délais et les caractéristiques non essentielles du marché. Cela permettrait aux candidats de proposer des matériaux moins chers ou plus facilement disponibles. Rappelons toutefois la difficulté technique et ou juridique pour certains acheteurs d'analyser les variantes. 

9) Prévoir des délais miroir entre la date limite de remise des offres et la notification des marchés. Il s’agit là d’une mesure à même de faire grincer des dents les acheteurs publics. L’idée proposée par le cabinet Charrel est de créer un délai que doit respecter l’acheteur pour notifier un marché après la date limite de remise des offres. Autrement dit, obliger ce dernier à attribuer rapidement un marché. Cela permettrait aux entreprises d’avoir une sécurité sur la viabilité économique de leurs offres et a fortiori éviterait des réclamations par la suite.

10) Renforcer le contrôle des prix de revient afin de lutter contre les effets d’aubaines.

Trois exemples de clauses 

Sur son site internet, le cabinet Charrel propose 3 modèles de clauses "à adapter" pour répondre à la hausse des prix dans les marchés publics

- Clause de substitution de matériaux ou fournitures ;

- Clause de suspension des délais et pénalités ;

- Augmentation des prix unitaires.

 

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !