Après le béton autonettoyant TX Millennium inauguré par Italcementi en 2000 à l’église du Jubilé à Rome et les vitrages autonettoyants lancés en 2001 par Saint-Gobain et Pilkington, il fallait bien s’attendre à voir apparaître des revêtements de façades – enduits ou peintures – eux aussi capables d’avaler les salissures.
Plusieurs solutions sont proposées sur le marché français par les industriels pour protéger notamment de la pollution urbaine les façades d’immeubles. Point commun de ces produits : l’effet photocatalytique que leur confère le dioxyde de titane (TiO2). La lumière stimule un catalyseur (des nanoparticules d’un dioxyde de titane de synthèse, baptisé « anatase », à ne pas confondre avec le TiO2 « rutile », pigment blanc réputé pour son opacité) qui décompose en minuscules particules les saletés sans subir lui-même la moindre altération. Le TiO2 agit en particulier sur les liaisons organiques des résidus de la combustion des carburants. Les microparticules n’adhèrent pratiquement plus à la surface et sont évacuées par l’eau de pluie.
Peinture en phase aqueuse. Après trois ans de recherches, Sto vient de lancer StoPhotosan Color, une peinture de façade photocatalytique en phase aqueuse qui présente selon ses concepteurs une bonne efficacité contre la pollution provenant d’hydrocarbures, donc particulièrement adaptée aux façades très exposées à la pollution urbaine.
Le revêtement n’a pas besoin d’un rayonnement direct du soleil pour faire son effet. Applicable sur support minéral ou organique, cette peinture en phase aqueuse à l’aspect mat est proposée en blanc et dans 86 teintes du nuancier StoColor. Elle s’applique en deux couches comme toute peinture de ravalement, conformément au DTU 59.1. Une limite cependant : « il n’est pas possible de surteinter la peinture », précise Mathieu Couturier, chef de marché chez Sto, les pigments présentant semble-t-il une moins bonne tenue dans le temps lorsqu’ils sont associés à ce type de peinture. L’industriel allemand, qui a breveté ce nouveau produit, ne dévoile pas le secret du liant utilisé. Un liant organique à base de pétrole serait attaqué par l’effet photocatalytique.
Si StoPhotosan Color est exclusivement réservé à l’extérieur, Sto a décliné le principe de la photocatalyse à l’intérieur avec la peinture Climasan qui n’a pas besoin de soleil pour agir et se contente de l’éclairage artificiel pour assainir l’ambiance intérieure, détruire les odeurs et les bactéries.
Film transparent. L’italien Eco Coating Photo-Catalyst, implanté récemment en France sous la marque Ecomat, a choisi de diffuser un produit développé au Japon dans les années 90, le Baticline. Ce film transparent et transpirant s’applique à chaud par projection sur la pierre, le béton, la brique, le verre, le métal… et tous les types de matériaux minéraux. Même principe : les nanoparticules de dioxyde de titane, en suspension dans une matrice adaptée, déclenchent en présence de lumière naturelle ou artificielle une réaction chimique permettant de transformer les substances organiques polluantes en éléments inoffensifs évacués ensuite par la pluie. Si la surface à traiter contient des produits organiques, elle est d’abord recouverte d’une base de primaire inorganique pour éviter sa destruction lors de la réaction photocatalytique.
Ecomat ne vend pas le produit seul mais se charge aussi de sa mise en œuvre car les conditions de température ambiante et d’hygrométrie sont capitales pour une bonne adhésion au support. Le tout pour un prix de 10 à 12 euros le m2.
Le produit est pulvérisé à l’aide d’équipements spéciaux sur la façade préalablement nettoyée. « En effet, prévient Stefano Rizzi, président d’Ecomat, Baticline ne nettoie pas une façade déjà salie. Il retarde seulement son encrassement après traitement ». Et il ne faut pas non plus compter sur ce revêtement pour lutter contre les futurs graffitis, les salissures dues aux sels marins ou aux poussières de fer et autres sables qui ne sont pas des matières organiques et qui n’ont rien à craindre de la photocatalyse.
Le produit a été appliqué avec succès sur plusieurs ouvrages romains comme le ministère italien des Finances ou l’hôtel Bernini aux façades de briques. Une expérience réalisée en France en avril 2005 à Rungis, près de l’aéroport d’Orly, a fait la preuve de l’efficacité du produit appliqué sur le verre, la pierre et l’aluminium, pour lutter contre les salissures dues notamment au kérosène. Après quelques mois, la différence est sensible entre les parois revêtues du film transparent et les parties non traitées.
Ecomat propose lui aussi un produit destiné au traitement des parois intérieures contre le développement des bactéries, des moisissures et des odeurs. Baptisé Bactercline, il est déjà employé dans les transports en commun italiens, des hôtels et des cliniques. Stefano Rizzi projette de traiter en France des centres commerciaux.
Enduit chaux-ciment dopé au TiO2. Du côté des enduits, les premiers produits devraient être mis sur le marché courant 2006 par Socli, filiale de Ciments Calcia. Grâce aux recherches menées dans le cadre du projet européen Picada (voir encadré) par le centre technique du groupe Italcementi, auquel appartient Ciments Calcia, deux gammes d’enduits devraient être mises au point par l’industriel. La première est une déclinaison de Renocal, un mortier chaux-ciment-sable qui existe déjà dans la gamme de l’industriel et auquel est ajouté du dioxyde de titane, moyennant quelques modifications de formulation pour optimiser la rhéologie de l’enduit (sa viscosité). Il sera mis en œuvre comme tout enduit de façade, à la machine à projeter ou à la taloche, et sa finition, grattée ou talochée, n’aura pas d’influence sur ses fonctions de dépollution et d’autonettoyance. Une campagne de trois mois sur un site expérimental reproduisant des rues à échelle réduite a montré que l’abattement de pollution réalisé grâce à ce revêtement variait de 20 % à 80 % en fonction de la direction du vent, de l’ensoleillement…
Une autre gamme devrait être développée par Italcementi à partir d’un produit italien qui n’est pas commercialisé sur le marché français : un enduit mince à base de ciment et de charges minérales qui pourra être très dilué pour former une peinture minérale.
Le cimentier devrait par ailleurs profiter des connaissances acquises lors du programme Picada pour redéfinir son offre de ciments autonettoyants TX Millennium. Un outil de simulation numérique des écoulements d’air et de polluants dans les zones construites, développé dans le cadre de Picada, permet de déterminer plus précisément les bénéfices à attendre d’un béton photocatalytique dans un site donné. Différents profils environnementaux vont être définis par Ciments Calcia, tenant compte de la situation géographique, de la forme du bâtiment, de la texture du parement, de l’environnement immédiat… Un guide devrait être édité et un service de conseil et d’aide à la prescription mis en place pour adapter la formulation du béton autonettoyant à chaque opération. Jean-Philippe Vacher, responsable du service innovation de Calcia pour la France et la Belgique, n’en dévoile pas plus pour l’instant mais promet des annonces pour les semaines à venir. Autre débouché du programme de recherche européen, une gamme de peintures doit être bientôt proposée par l’anglais Millennium Chemicals, dont une peinture translucide.
