Expérimentation : le premier germe d'une architecture en pin d'Alep

La mairie de Coudoux a fait construire un équipement public avec une essence de bois locale utilisée d'ordinaire comme combustible.

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Le premier germe d’une architecture en pin d’Alep.

Construite à 85 % en pin d'Alep, l'essence la plus implantée dans les forêts des Bouches-du-Rhône, la salle polyvalente du tennis club municipal de Coudoux est considérée par la filière bois locale comme un bâtiment pilote. « Il a fallu débroussailler chaque étape, de l'approvisionnement jusqu'à la mise en œuvre, ce qui a rallongé le temps des études et du chantier, ainsi que le budget, développe l'architecte aixois Régis Roudil, en charge de l'opération achevée l'an dernier pour un coût de 512 000 euros HT. Toutefois, nous sommes allés le plus loin possible dans l'utilisation de ce matériau ancestral que l'on veut remettre au goût du jour. » Pour fabriquer le bardage, les murs, la charpente et le mobilier de cet édifice de 85 m² SP, les grumes - issues en partie de parcelles incendiées dans le Var - ont d'abord été sciées dans les Ateliers du Cèdre, situés à Mallemort. Une phase délicate car la résine du conifère s'accumulait tellement sur la lame lors des découpes successives qu'elle finissait par la faire dévier de sa trajectoire. « D'ordinaire, du bois livré par une scierie est calibré, coupé d'équerre et sec, ce qui n'a pas été le cas avec le pin d'Alep. Nous avons donc dû tout refaire en interne, se souvient l'ingénieur Frédéric Domeny, directeur des Charpentiers des Alpes et Provence (CAP), entreprise installée à Vitrolles. Ce sont les affres de la découverte. » Le pin d'Alep n'est pas aussi facile à travailler en structure que du douglas ou du mélèze, en raison de sa nature très noueuse et tortueuse. C'est pourquoi il finit plus souvent en bois de chauffe qu'en bois d'œuvre. Mais Régis Roudil « accepte avec plaisir cette contrainte, inhérente au matériau disponible sur ce territoire-là ». Même si cela signifie pour lui et son atelier de dessiner et redessiner le projet afin que les proportions correspondent aux dimensions réalisables de chaque composant. Au final, les quatre plots encadrant la salle polyvalente sont bardés de tasseaux verticaux prégrisés qui s'inscrivent en parfaite symbiose avec les arbres de la même essence qui s'alignent devant elle.

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Quelques embûches. Sous cette écorce foncée, l'intérieur se fait plus clair. L'espace de réception est structuré par un plafond à caissons qui, lui aussi, a dû surmonter quelques embûches. Le pin d'Alep n'étant pas référencé par Acerbois, l'association de certification du bois lamellé-collé, différents tests ont dû être effectués par CAP, dont un de déla-mination. « Après plusieurs phases consécutives d'humidification et de séchage, la tenue de nos plans de collage était limite car la résine empêchait une bonne adhésion, explique Frédéric Domeny. Or, nous nous devons d'être irréprochables. Après réflexion avec l'architecte, nous avons opté pour une charpente en bois lamellé- collé-vissé. Mais nous poursuivons les essais avec l'Institut technologique FCBA. » L'ingénieur considère cette première référence comme un investissement. « Dans les décennies qui viennent, avec le changement climatique, il est probable que le pin d'Alep prenne encore plus de place dans nos régions, présage-t-il, car il supporte bien la chaleur et la sécheresse l'été. Son attrait pourrait aussi grandir face à la tension sur les approvisionnements en bois provenant des pays scandinaves, une question qu'on ne se posait pas avant. »

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