Europe Où en est la directive Produits

-Dans le marché intérieur européen, les barrières les moins visibles sont souvent les plus efficaces.

Pour entraver l'importation de produits de construction, l'exigence du respect de spécifications techniques nationales est un barrage bien plus difficile à franchir qu'un poste de douane. C'est pour y remédier que la directive dite « produits de construction » (89/106/CEE du 21 décembre 1988) organise un dispositif qui, fondé sur une harmonisation des spécifications techniques, devrait à terme neutraliser leur risque d'effet restrictif aux échanges.

L'enjeu n'est pas mince. Il apparaît même immense, puisque les matériaux représentent près d'un tiers du chiffre d'affaires de la construction. Et que le marché intracommunautaire des produits de construction, qui ne demande qu'à se développer, représente déjà des flux d'échanges considérables : chaque année, une cinquantaine de milliards de francs de produits de construction quittent la France à destination d'autres Etats de l'Union européenne, et un montant sensiblement équivalent est importé à partir de ces mêmes Etats.

Une directive qui a déjà dix ans

Cette balance, globalement peu déséquilibrée, cache en fait des distorsions parfois préoccupantes si l'on raisonne par types de produits : par exemple, si le secteur des appareillages de raccordement et tableaux de commande présente un solde positif de l'ordre de trois milliards de francs, par contre, la France accuse un déficit commercial intracommunautaire presque équivalent pour les carreaux de céramique.

S'il était donc assez urgent d'intervenir sur ce secteur, la voie choisie par la directive européenne de 1988 portait en elle-même tous les germes d'un important retard quant à sa mise en oeuvre. Et de fait, près de dix ans après son adoption, elle n'est toujours pas entrée en application.

Essentiellement, parce que la voie choisie, qui est celle de l'approche exigentielle, était à la fois la plus logique mais aussi la plus difficile. La disposition fondatrice de cette approche est constituée par l'article 2.1 de la directive : les produits mis sur le marché doivent avoir « des caractéristiques telles que les ouvrages dans lesquels ils sont incorporés (...) puissent (...) satisfaire aux exigences essentielles » (au nombre de six : résistance mécanique et stabilité ; sécurité en cas d'incendie ; hygiène, santé et environnement ; sécurité d'utilisation ; protection contre le bruit ; économie d'énergie et isolation thermique).

Deux causes de retard

Un produit de construction est présumé apte à l'emploi (et donc à sa mise sur le marché, et à sa libre commercialisation dans l'ensemble de l'Union européenne) dès lors qu'il est attesté conforme à une norme européenne harmonisée (ou à un agrément technique européen pour les produits innovants).

Première cause importante de retard : alors que les normes concernent les produits, les exigences auxquelles ils doivent satisfaire s'appliquent aux ouvrages immobiliers dans lesquels ils sont incorporés. Afin d'établir le lien nécessaire entre ces exigences essentielles et la normalisation des produits, il a donc fallu prévoir des « documents interprétatifs », dont l'élaboration a pris... cinq ans.

Seconde cause de retard : les organismes européens de normalisation (Cen et Cenelec) ne pouvaient élaborer les futures normes harmonisées de produits que sur la base de mandats spécifiques délivrés par la Commission européenne. Selon Raphaël Slama, directeur au CSTB, l'ensemble des mandats devraient avoir été délivrés d'ici fin 1997. Même état d'avancement pour les mandats à confier à l'Eota, organisme européen d'agrément technique.

Au total, ce sont 1 000 normes de produits (et 500 d'essais) qui vont être élaborées. « Le relais est désormais passé aux normalisateurs européens, déclare Raphaël Slama, qui sont aujourd'hui responsables du délai de passage de la directive au stade opérationnel ». Qui se fera au fur et à mesure de la parution des normes, pour arriver progressivement au stade pleinement opérationnel de la directive d'ici huit à douze ans (nul n'ose être plus précis...).

« Même s'il y a parfois des baisses d'énergie ici ou là, le point de non-retour est désormais dépassé », estime-t-on au CSTB. Pour le plus grand bien des industriels, devant lesquels s'ouvre un marché élargi, des concepteurs, dont la gamme de choix va s'accroître, et des consommateurs, assurés d'une fiabilité minimale des produits.

TABLEAU : HARMONISATION EUROPEENNE DES PRODUITS DE CONSTRUCTION

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