Établissements recevant du public Vers une ingénierie de la sécurité incendie

En matière de sécurité incendie, la France s’appuie sur une réglementation prescriptive. Le règlement de sécurité évolue pour prendre en compte les nouveaux modes de fonctionnement des établissements recevant du public. L’ingénierie offre des perspectives d’amélioration de la sécurité.

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En 2006, un cortège de textes a modifié ou complété le règlement de sécurité contre l’incendie dans les établissements recevant du public (ERP). Classés en 19 types selon leur affectation (type O pour les hôtels, type M pour les magasins…) et en 5 catégories en fonction de l’effectif total qui peut être admis, les ERP doivent respecter ces règles, dont les premières ont été édictées dès 1980.

Obligation de moyens... et non de résultats. En fonction de ces caractéristiques d’usage, les ERP doivent satisfaire un certain nombre de dispositions plus ou moins contraignantes.

Les exigences les plus fortes en matière de conception des bâtiments portent sur les dégagements, l’isolement vis-à-vis des constructions contiguës, la distribution des locaux et leur compartimentage ou encore le choix des matériaux.

Sur ces aspects, la réglementation française présente la particularité d’être purement prescriptive, en fixant des obligations de moyens et non de résultats.

Les arrêtés parus en 2006 relatifs à la sécurité incendie dans les petits hôtels, les parcs de stationnement couverts ou plus récemment les établissements pénitentiaires n’échappent pas à la règle. Déclenchée par l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra du 15 avril 2005, la révision des textes concernant les petits hôtels a notamment mis l’accent sur l’encloisonnement des escaliers, l’isolement des locaux et sur des contrôles techniques renforcés, les solutions constructives devant être désormais prioritaires sur la détection. D’ici à cinq ans, 17 000 petits hôtels devront ainsi être mis aux normes de sécurité.

Les pouvoirs publics précisent que ces textes se veulent généralement consensuels et prennent en compte la grande diversité des établissements concernés. Des adaptations ont par exemple été prévues lorsque la protection de l’escalier principal n’est pas possible pour des raisons techniques ou esthétiques.

La réglementation doit s’adapter. « Le règlement de sécurité incendie dans les ERP ne laisse pas apparaître d’insuffisances notoires », estime le lieutenant-colonel Alex Maire, conseiller technique en sécurité incendie au ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Il évolue toutefois pour se perfectionner. Pour les pouvoirs publics, il s’agit d’adaptations dictées par les évolutions du mode de fonctionnement des établissements, les attentes des utilisateurs, l’apparition de nouvelles techniques et les exigences de l’Union européenne. Les salles de spectacles, par exemple, conçues aujourd’hui pour être exploitées dans une multitude de configurations, doivent s’adapter. Un texte en cours d’examen par la commission centrale de sécurité devrait préciser les conditions de sécurité que doivent remplir ces établissements.

Le règlement profite également des nouvelles techniques disponibles sur le marché. Ainsi, pour les établissements de type O (hôtels), les récepteurs autonomes d’alarme sont désormais autorisés. Ce matériel permettra ainsi au personnel de s’éloigner du report d’alarme tout en restant dans l’établissement.

Si tous ces textes ont une finalité commune – améliorer la sécurité des personnes et des biens dans les établissements neufs ou existants – il apparaît aussi qu’ils compliquent la donne. « Face à ces nombreuses évolutions, les acteurs de la profession n’ont pas toujours le temps de digérer les textes, estime Denis Thélot, architecte spécialiste en sécurité incendie. Il serait souhaitable de simplifier la réglementation ».

Les prémices de l’ingénierie de la sécurité incendie. A l’instar des pays anglo-saxons, la France pourrait dans les prochaines années s’ouvrir à l’ingénierie de la sécurité incendie.

Définie comme une « méthode de quantification du niveau de sécurité offert par les ouvrages, les produits ou les systèmes », elle doit permettre d’adapter les mesures de prévention en fonction des constructions, des matériaux considérés et des feux rencontrés.

Cette nouvelle approche vise à améliorer la sécurité des biens et des personnes sans générer de surcoût à la construction. « En complément des textes réglementaires actuels encore basés sur des démarches prescriptives, elle valorisera l’intelligence de la conception des bâtiments et de ses équipements », anticipe Charles Baloche, directeur scientifique et technique du projet national « Ingénierie de la sécurité incendie » (lire ci-dessous).

Concrètement, l’ingénierie de la sécurité incendie est mise en œuvre en suivant quatre étapes successives. Dans un premier temps, l’ingénieur doit envisager tous les scénarios d’événements possibles. Du départ de feu au comportement des ouvrages, en passant par le développement du feu, la détection, l’alerte et l’extinction mais aussi le comportement humain, il doit recenser l’ensemble des combinaisons qui décrivent l’événement dans son ensemble.

Quantifier le risque global. Dans un second temps, une phase de tri doit conduire à l’élaboration d’une liste de scénarios probables et présentant un risque.

A l’issue de ce tri intervient une phase d’analyse du risque. « L’objectif est de quantifier le risque global encouru en termes de probabilité d’atteinte aux vies humaines, aux biens ou à l’environnement », explique Charles Baloche. « Nous faisons ce calcul en additionnant les risques résultant du croisement des probabilités de chaque scénario et de la gravité qui lui est associée », poursuit-il.

Le risque encouru doit alors être comparé à un niveau de risque accepté ou de référence. Si celui-ci est inférieur au risque encouru, l’ingénieur doit envisager des mesures compensatoires (adjonction d’un dispositif de détection, ou bien limitation de l’exploitation par exemple…) et réitérer la démarche depuis le début.

L’état actuel des connaissances sur les scénarios de propagation du feu, le comportement des matériaux et des ouvrages ou encore le comportement humain face au risque incendie semble être insuffisant pour envisager l’application immédiate de méthodes de conception des systèmes. Il paraît néanmoins probable que l’ingénierie de la sécurité incendie pourra s’imposer en France à travers la mise en sécurité des établissements anciens.

Si ce n’était pas le cas, on pourrait craindre que les pays anglo-saxons ne s’approprient tout un marché d’études.

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