Dans l’univers des aires de jeux pour enfants, celles qui sont conçues sur mesure, très rares il y a quelques années, sont aujourd’hui en plein développement, même si les collectivités locales, dans leur majorité, préfèrent encore s’en remettre aux fabricants et à leurs produits standardisés. « Si elles agissent ainsi, c’est parce qu’elles ignorent qu’une aire de jeux peut se concevoir comme un projet de paysage ou d’architecture. On peut obtenir des environnements très intéressants à partir de ce type de programme, pourtant considéré généralement comme peu important », explique l’architecte Isabelle Devin, spécialiste en la matière. Les aires de jeux sur mesure sont donc réalisées le plus souvent dans les grandes villes et les parcs urbains majeurs. Celles des jardins de la Villette à Paris, conçues dans les années 1990 – notamment le jardin des dunes et des vents – constituent une référence du genre.
En lien avec la géographie
« Depuis deux ans, on voit cependant apparaître sur le marché davantage de conceptions de jeux sur mesure », confirme Freddy Morel, ingénieur-conseil de la société Prélud. En faisant appel à des concepteurs, les villes obtiennent des réponses plus adaptées à la complexité de leurs territoires et aux particularités d’un site. « Les produits sur catalogue sont conçus le plus souvent pour des terrains plats », observe le paysagiste Clément Willemin de l’agence de paysage Base. Et le travail d’adaptation sur un site est parfois tel qu’il vaut mieux partir de zéro et envisager une conception sur mesure, comme dans le parc de Belleville à Paris (voir ci-dessus). « Le jeu doit être appréhendé comme un territoire, un environnement, en lien avec sa géographie et non comme un objet de design. »
Un autre enjeu de ces conceptions sur mesure, pour les collectivités, est de répondre précisément aux attentes des usagers. Ces projets sont donc en général précédés de concertations avec les habitants, les usagers et les associations de quartier. Pour l’équipement du parc de Belleville, la concertation menée par le Codej (Comité pour le développement de l’espace pour le jeu) a permis de dégager trois thématiques d’activités, intégrées au cahier des charges : l’exploration, le risque et la recherche d’autonomie. La Ville de Paris a reconduit cette concertation pour les trois aires ludiques qui seront installées dans le nouveau jardin des Halles (voir encadré page suivante).
Ces environnements, très éloignés de l’offre sur catalogue, doivent cependant répondre aux normes en vigueur qui imposent des hauteurs de chute acceptables en fonction des revêtements de sol, des distances de sécurité, des inclinaisons maximales, des matériaux et des assemblages résistants… (voir encadré ci-contre).
Analyse des risques
« Ces normes s’appliquent aux jeux classiques. Dans les cas particuliers, il faut réfléchir à leur esprit, comprendre dans quel but elles ont été rédigées pour les adapter », explique Gérard Chopinet de la direction des parcs, jardins et espaces verts à la mairie de Paris.
Une dizaine de laboratoires de contrôle, en France, se charge d’homologuer à la fois les produits des fabricants et ces aires de jeux particulières. L’agrément doit porter sur chaque jeu et sur l’aménagement dans sa globalité. « Pour les aires de jeux sur mesure, notre travail consiste en une assistance technique auprès du concepteur. Nous validons ses propositions après les avoir soumises à une analyse des risques et donnons, le cas échéant, des pistes de recherche. Il y a donc tout intérêt à commencer cette collaboration dès le début des études », estime Freddy Morel.
Ces équipements, plus complexes à mettre en œuvre, rencontrent toujours un franc succès auprès du public. Ils ne renvoient pas aux environnements imagés des produits sur catalogue – bateau de pirate, train, dinosaure… –, mais invitent les enfants à devenir acteurs de leurs jeux, parfois avec leurs parents. Exit l’usage prédéfini et ultracontrôlé, place à l’imaginaire.