Equipement culturel : la Géode, bien dans sa boule

Quarante ans déjà qu'au nord-est de Paris, dans le parc de la Villette, une grosse boule miroitante s'installait dans le paysage. Monument ? Sculpture ? Les deux, sans doute. Inauguré par François Mitterrand, le dôme géodésique scintillant au look futuriste, signé de l'architecte Adrien Fainsilber (1932-2023) et de l'ingénieur Gérard Chamayou (1929-2019), s'enveloppait de 6 433 triangles curvilignes en acier Inox poli miroir. Haut de 36 m, le bâtiment abritait alors une salle de cinéma de 400 sièges inclinés à 27°, dont l'écran en calotte sphérique de 1 000 m² promettait aux spectateurs les frissons d'une immersion visuelle et sonore dans l'univers de films spécialement tournés au format Imax.

Las ! Victime, au fil des ans, de la banalisation des technologies de l'image et du son toujours plus raffinées, la Géode souffre du désamour d'un public qui va en se raréfiant, en même temps que du vieillissement de ses espaces et de ses installations techniques. Suite à la désignation de Pathé comme exploitant en 2017, un projet de modernisation est finalisé début 2018 et la grosse boule ferme ses portes le 1er décembre de la même année…

Elle a rouvert au public mi-décembre 2024 après deux ans de travaux. Placée sous la houlette des architectes de Loci Anima, la rénovation s'est articulée autour de trois objectifs : « Mettre en valeur ce chef-d'œuvre du brutalisme, améliorer le confort et l'accessibilité, et offrir une plus grande immersion dans l'image », détaille Françoise Raynaud, fondatrice de l'agence. Il faut dire que l'édifice impressionne par sa conception : sa structure arborescente en béton de 17 m de haut se dresse sur un pied central de 4 m² de section, coiffé d'un dôme métallique indépendant lui-même posé sur une poutre circulaire en béton.

Pour offrir un visage plus attractif, la Géode a fait l'objet d'une scénarisation « haute en couleurs » de la séquence d'accès avec, en façade, l'installation de 130 m² de verre dichroïque, support de fines couches d'oxydes métalliques vaporisés sous vide qui changent de couleurs selon l'angle de vue, l'intensité de la lumière incidente et les moments de la journée. Se crée « un effet cinétique/chromatique, captivant et vivant, estime Françoise Raynaud. Cette façade dichroïque rappelle l'esthétique des vitraux, jouant avec la lumière et les reflets pour créer une atmosphère presque spirituelle. C'est une sorte de vitrail monolithique, où la transparence et la couleur se mêlent à la rigueur architecturale. »

Mapping vidéo en parois. Passées les portes automatiques d'entrée, le hall d'accueil a été (re)mis en valeur par la dépose du plafond suspendu en staff qui occultait les caissons d'origine.

Un astucieux traitement de l'éclairage donne ici l'illusion que la lumière tombe directement du ciel en traversant lesdits caissons. Un peu plus loin, formant sas d'accès à la salle de projection, un second espace de 1 000 m² voit ses 300 m² de parois habillés d'un mapping vidéo qui met en condition le futur spectateur. De là, deux ascenseurs panoramiques et un escalier suspendu nouvellement installés au chausse-pied conduisent au Saint des saints…

Dans la salle de 430 m², la (re)mise à niveau technique réside dans un nouveau projecteur laser Imax 4K à 180°, garant d'une meilleure netteté des images, de contrastes élevés et de couleurs plus profondes. S'y ajoute la diffusion sonore spatialisée en Imax 6.0, d'une plus grande clarté. La principale modification architecturale aura consisté ici, pour un confort accru du cinéphile, à ramener la jauge de 400 à 286 places, selon six inclinaisons de siège différentes. Place au spectacle !