Quels moyens mobilisés pour assurer une bonne gestion du réseau routier national non-concédé ? Cette question est le troisième chantier auquel s’attaque l’audit externe, réalisé par deux cabinets d’étude suisses. Remis au gouvernement fin 2017, peu d’éléments avaient jusque-là filtré sur ce rapport. « Le Moniteur » a cependant pu le consulter dans son intégralité.
Ainsi, après avoir évalué l’état des 12 000 km d’actifs et proposer des pistes d’amélioration de la politique d’entretien routier, l’audit soumet ainsi au gouvernement 5 trajectoires financières sur vingt ans. Le but : l’aider à mettre en place une programmation des investissements qui sera intégrée dans la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), présentée à l’automne. Mais tous les scénarios ne produiront pas les mêmes effets, et uniquement l’un d’entre eux permettrait de véritablement rattraper le « retard accumulé d’entretien au cours de ces dernières années » reconnu par le ministère des Transports lui-même.
Continuité et chroniques du passé
Avant d’arriver à ce résultat idéal, les deux cabinets d’études envisagent donc plusieurs possibilités. La première correspond à un « scénario central ». Il impose de mobiliser en moyenne 785 M€ par an sur vingt ans. Soit à peu près le budget alloué depuis cette année, puisque le gouvernement a fait passer l’enveloppe 2018 de 700 M€ à 800 M€. Dans le détail, environ 265 M€ seraient consacrés à l’entretien des chaussées, autour de 70 M€ aux ouvrages d’art.
Malheureusement, ce scénario « ne permet pas de garantir la pérennité et la résilience du parc », estime l’audit. Les risques et la disponibilité des chaussées comme des ouvrages d’art iraient croissants dans les vingt prochaines années, « jusqu’à devenir inacceptables ». Et les mesures d’urgence à mettre en place engendreraient un surcoût trop conséquent.

Même chose pour le deuxième scénario, bien qu’il soit encore plus pessimiste. Imaginé sous contrainte budgétaire plus sévère que le premier, il mobiliserait autant de moyens que ce qui a été mis sur la table entre 2007 et 2017, soit environ 660 M€. Une très mauvaise idée pour les auditeurs qui surnomment même cette trajectoire « chroniques du passé ».
Des résultats mitigés au regard d’efforts conséquents
Les scénarios 3 et 4 sont à peu près identiques. A ceci près que l’un permettrait un maintien de l’état actuel, l’autre apporterait une amélioration relative. Ils supposent que l’Etat fournisse un effort budgétaire conséquent, puisque dans les deux cas, l’enveloppe dépasse le milliard d’euros en moyenne sur vingt ans.
A chaque fois, une attention particulière serait portée aux ouvrages d’art. Pourtant et malgré les moyens supplémentaires, l’état du parc ne parviendrait pas à se maintenir ni à s’améliorer, car il faudrait être capable de doubler la capacité industrielle dès maintenant. Impossible selon les auditeurs.

Du côté des chaussées, il serait possible de rattraper le retard d’entretien en dix ans grâce au scénario 4. Pour cela, il faudrait fortement accroître les moyens jusqu’en 2027, avant de redescendre à des niveaux plus raisonnables.
Un scénario optimal
Finalement, ce n’est pas la trajectoire la plus onéreuse qui serait la plus efficace. Ce qui ne veut pas dire que l’Etat ne devrait pas fournir un effort conséquent ! Le dernier scénario élaboré par les cabinets d’étude, dit « optimal », s’élève en effet à 991 M€ en moyenne sur vingt ans contre, rappelons-le, 800 M€ inscrit au budget 2018.

Du côté des chaussées, il serait nécessaire de budgéter 362 M€ par an les dix premières années, afin de rattraper le retard pris en termes d’entretien. Il serait davantage curatif dans ce premier temps (à hauteur de 55%). Mais sur les dix années suivantes, l’enveloppe pourrait être abaissée à 307 M€ et la logique changerait, devenant majoritairement préventive (à 90%).
Pour les ouvrages d’art, l’effort serait plus progressif afin de pouvoir augmenter la capacité industrielle de 10% par an (ce qui constitue déjà un objectif ambitieux souligne l’audit) : 74M€ au cours du premier quinquennat, jusqu’à 176M€ entre 2028 et 2032. Si l’état de ces infrastructures, et particulièrement des ponts, continuerait de se dégrader au début, il se stabiliserait assez rapidement puis s’améliorerait en fin de période. Surtout, « les risques liés à la sécurité et à l’indisponibilité des ponts [seraient] maîtrisés ».
En attendant le choix du gouvernement
Ce dernier scénario ressemble par ailleurs plus ou moins aux recommandations que le conseil d’orientation des infrastructures a formulé au ministère des Transports en février. La ministre elle-même semblait se ranger derrière ces deux avis il y a quelques mois. En mai, elle avait annoncé devant le Sénat la mise en place d’un plan de sauvegarde des routes nationales, doté d’environ un milliard d’euros.
Reste à savoir quelle trajectoire retiendra effectivement l’Etat dans le volet programmation de la loi d’orientation des mobilités. Les dernières déclarations du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, ne permettent pas d’en être certain. Plus encore, elles semblent brouiller quelque peu les pistes puisque les chiffres avancés – 850 M€ en 2020-2022, puis 930 M€ à partir de 2023 – ne correspondent à aucun des scénarios évoqués par l’audit. « Le travail est encore en cours sur l’ensemble des chiffres de la programmation, tend à nuancer le ministère des Transports. Nous sommes encore dans des tendances. » Patience donc…