Entretien avec Pierre Brousse, Président de la Fédération de l’Industrie du Béton et du Centre d’études et de Recherches de l’Industrie du Béton « Le béton manufacturé a un boulevard devant lui »

L’industrie du béton va bien, même si des problèmes structurels, comme la proximité des ressources des matières premières, demeurent.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse13.eps

Après deux années essentiellement tirées par le résidentiel, comment se porte l’industrie du béton ?

2007 a été une très bonne année, autant pour le bâtiment que les travaux publics. 2008 se présente sous les mêmes auspices : les carnets de commandes sont bons et nous donnent une visibilité au moins jusqu’en septembre. Les TP sont particulièrement prometteurs sur les deux ans qui viennent en raison des « queues » de projets comme la LGV Est et surtout du fait de la nécessité de renouveler nos réseaux d’assainissement, dont le retard a valu à la France une remontrance de la part des autorités de Bruxelles. Il s’agit là d’un marché de 3 à 4 milliards d’euros. Quant au secteur du bâtiment, nous sommes plutôt confiants, compte tenu de la volonté politique et la nécessité de continuer à maintenir la construction de 450 000 logements par an.

Concernant le logement, voyez-vous plutôt une concentration ou un étalement urbain ?

Je crois que la concentration des populations est souhaitable pour la collectivité nationale, c’est un facteur d’entraînement et de création de richesse. A condition de développer les infrastructures et les modes de transport adaptés. On peut très bien imaginer que le TGV soit le RER de demain.

Pour revenir au béton, les problèmes de ressources, tant de ciment que de granulats, sont de plus en plus prégnants. Comment rapprocher l’offre de la demande ?

Soyons clairs, il n’y a pas en France de problème de ressources, la géologie parle d’elle-même, la ressource est là, proche et abondante, il n’y a que des problèmes administratifs. Beaucoup d’élus et de responsables de l’administration territoriale sont vent debout contre l’ouverture de carrières de granulats. On accepte donc que ceux-ci viennent de plus en plus loin, avec toutes les conséquences écologiques que cela implique du fait de la multiplication des transports. Dans ces conditions, le choix du mode de transport doit être au centre de nos préoccupations. Il faut revaloriser les voies fluviales et absolument développer le fret ferroviaire. Bientôt les granulats vont nous coûter aussi cher, à nous entreprises du béton, que le ciment. Si nous prenons une base 100 pour le ciment, l’acier est à 120 et les granulats à 80. Il y a dix ans, cette valeur était à 40.

Comment expliquez-vous la faible part des granulats marins ou même des granulats issus du recyclage ?

Concernant les premiers, nous nous heurtons clairement à des problèmes de pouvoirs locaux, notamment aux pêcheurs et aux défenseurs de l’environnement à travers la pression qu’ils exercent sur les élus. Si nous souhaitons des granulats marins sans contraintes, il faut aller les chercher loin des côtes et à une certaine profondeur ; le coût en devient alors presque prohibitif.

Quant aux granulats issus du recyclage, l’obstacle vient du fait qu’au cours de notre cycle de production nous essayons de réduire nos déchets au maximum. Or, l’investissement dans un concasseur volant requiert au contraire des rebuts importants. Tout cela pour dire qu’en matière de ressource minérale nous devons trouver des équilibres politiques « sages ».

Dans ces conditions sentez-vous une concurrence accrue des autres modes constructifs ?

J’ai coutume de dire qu’à long terme, le béton manufacturé a un boulevard devant lui. Le bois, par nature, est une ressource limitée ; l’acier a une capacité de progression entravée en raison de la concentration forte de ses opérations et de celles des opérateurs miniers et métallurgiques. La terre cuite quant à elle, par ses caractéristiques, ne convient pas à tous les usages.

En revanche, il y a, à peu près partout dans le monde, des ressources d’argile et de calcaire. Nous, utilisateurs de ciment, avons donc de quoi répondre à la demande du marché, ce qui rend la production de ciment très accessible.

Mais il faut être conscient que les cimentiers arbitreront leurs priorités géographiques d’investissement à partir de critères financiers très précis que sont les taxes, le coût du transport et les éventuelles surtaxes liées aux émissions de CO2.

Pour reprendre votre expression, la technicité du béton a-t-elle aussi un « boulevard » devant elle ?

En 150 ans, depuis l’invention du ciment par Vicat, plus de progrès ont été faits dans les modes constructifs que dans les 4 000 années qui ont précédé. Au cours des quinze dernières années, le béton a plus évolué que durant les 135 années précédentes ; par exemple, le Ductal de Lafarge a fait franchir un cap décisif à notre secteur. De manière plus globale, la ductilité est clairement l’avenir du béton puisqu’elle permet de gagner en poids, en aspect et en mise en œuvre. Tout ce qui concourt à l’esthétique va continuer à évoluer d’autant que les architectes et les prescripteurs en général demandent des bétons toujours plus beaux. Il est parfois décevant pour eux, comme pour nous industriels, de voir la réticence de certains maîtres d’ouvrage vis-à-vis de ces bétons de haute technologie. Pour autant, la FIB et le Cerib continuent leur travail en partenariat avec les cimentiers et les producteurs d’adjuvants pour développer de nouveaux, beaux et bons produits.

La préfabrication va-t-elle faire évoluer la filière ?

Indiscutablement ! En Finlande, 75 % de la consommation de ciment se fait en préfabrication, laissant une très faible place au coulé en place. En France, ce pourcentage est proche de 20 % tandis que le BPE domine avec 60 %, les 20 % restants étant la consommation en sac. La préfabrication présente deux avantages majeurs : il n’y a plus de période d’attente liée au séchage, donc elle accélère le rythme de la construction et elle nécessite moins de main-d’œuvre sur le chantier. Très clairement, la France est aujourd’hui à la croisée des chemins ; les secteurs du bâtiment et des travaux publics ont bien intégré les avantages de la préfabrication dont l’utilisation progresse chaque année régulièrement de 2 % ou 3 % dans le secteur du BTP.

Le développement de la préfabrication dans le bâtiment ne se heurte-t-elle pas au nombre peu élevé de produits dédiés ?

C’est en effet en partie vrai. C’est la raison pour laquelle nous travaillons au sein du Cerib sur les assemblages des différents éléments préfabriqués entre eux. Nous travaillons autant sur la compatibilité des composants que sur leur composition, notamment pour améliorer la performance au feu.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse13.eps PHOTO - 5446 Beton Brousse13.eps

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse2.eps PHOTO - 5446 Beton Brousse2.eps

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse11.eps PHOTO - 5446 Beton Brousse11.eps

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse8.eps PHOTO - 5446 Beton Brousse8.eps

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 5446 Beton Brousse6.eps PHOTO - 5446 Beton Brousse6.eps

Image d'illustration de l'article
DESSIN - 5446 Beton schema Brousse.eps DESSIN - 5446 Beton schema Brousse.eps
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires