Entretien avec Jacques Jessenne, président de la Coprec construction : « Les organismes de contrôle se mobilisent pour la mise à niveau des bâtiments existants »

Un peu plus d’un an après sa prise de fonction à la tête de la Coprec construction, fédération d’organismes de prévention, d’inspection et contrôle tierce partie indépendante, plus connus sous l’appellation « bureaux de contrôle », Jacques Jessenne évoque les missions de diagnostics immobiliers, l’impact futur de la RT 2012 sur la production de bâtiment et sa vision d’avenir sur l’évolution du contrôle technique.

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Entretien avec Jacques Jessenne, président de la Coprec construction

Pourquoi les organismes de contrôle proposent-ils de plus en plus souvent des diagnostics immobiliers, en dehors de leurs missions de contrôle technique ?

Les organismes de prévention, d’inspection et contrôle, ont les compétences multiples et les outils pour diagnostiquer le bâti. Grâce à leurs compétences de multi spécialistes, ils sont en mesure d’accomplir des diagnostics globaux qui s’appuient sur la synthèse des audits menés sur le bâtiment dans les différents domaines techniques : amiante, performance énergétique, solidité, sécurité, etc.

N’y-a-t-il pas un risque lors de ces diagnostics de faire de la conception, ou de l’expertise, lesquelles sont des missions interdites aux contrôleurs techniques ?

Les diagnostics débouchent sur des préconisations qui ne sont pas des prescriptions. Il ne s’agit pas d’établir un cahier des charges technique en vue de réaliser directement des travaux. Mais seulement d’aider le futur maître d’ouvrage à établir son programme de travaux. Ce n’est pas de la prescription, donc pas de la conception. Tout au plus de l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

N’est-il pas souhaitable que les diagnostics soient réalisés par le futur maître d’œuvre ?

Il faut laisser aux propriétaires immobiliers le soin de choisir : opter pour un diagnostiqueur « tierce partie », spécialiste du contrôle, de la maîtrise des risques, et indépendant des constructeurs, ou un professionnel à la fois diagnostiqueur et maître d’œuvre. Dans tous les cas, les organismes de contrôle ne doivent pas être d’emblée écartés de ces missions que nous réalisons depuis toujours. L’enjeu actuel est notamment la mise à niveau énergétique et thermique du parc existant de bâtiments. Et en particulier des copropriétés visées par le Grenelle de l’environnement. Les organismes de contrôle ne seront pas en trop.

La réglementation thermique 2012 va-t-elle changer la donne pour les bureaux de contrôle ?

Oui. Les bureaux de contrôle seront davantage sollicités. D’une part, les constructeurs vont avoir une obligation de garantie de performance. D’autre part, l’Etat a de moins en moins les moyens de contrôler la conformité à la réglementation. C’est la raison pour laquelle il met en place les attestations de conformité. Cela a été le cas pour l’accessibilité handicapés, pour le respect des règles parasismiques, c’est maintenant bientôt le cas pour la performance énergétique. Ce sera probablement le cas dans quelque temps pour l’acoustique, la qualité de l’air, ou peut-être l’éclairage naturel… Chaque fois, les organismes de contrôle technique, dont la mission première est de contribuer à la prévention des risques, figurent parmi les acteurs reconnus pour délivrer ces attestations.

Les bureaux de contrôle sont parfois perçus par les constructeurs comme un frein à l’innovation. Y-a-t-il un risque qu’ils ralentissent la production de BBC* ou de Bepos** ?

Nous assumons le fait d’être un frein à l’innovation non maîtrisée. C’est notre rôle et les assureurs comptent sur nous. La RT 2012 est certes un appel à l’innovation, mais si les risques « produits de construction » sont assez bien encadrés grâce au CSTB et à l’AQC notamment***, l’organisation des opérations reste très problématique. Nous assistons depuis quelques années au déplacement des métiers : l’électricien se fait couvreur pour poser des tuiles solaires, par exemple. S’en suit également le déplacement des interfaces, ce qui crée de nouveaux risques. Or, l’Agence qualité construction le signale chaque année : la première cause de sinistralité en construction se loge dans les interfaces, entre métiers. Il y a une lacune à combler.

Suggérez-vous la création d’un nouveau métier pour le bâtiment ?

Nous assistons à une multiplication des acteurs donc à un accroissement des interfaces nuisibles à la qualité des constructions. Je suggère plutôt que le bâtiment s’inspire de l’industrie dans laquelle le contrôle a progressivement été intégré dans le process (autocontrôle) et la fonction qualité a été créée. En confiant cette responsabilité aux organismes de contrôle, les pouvoirs publics reviendraient aux sources de la loi Spinetta de 1978 : en phase conception, ces organismes donneraient des avis techniques ; et en phase exécution, ils seraient des auditeurs pour s’assurer que les vérifications techniques effectués par les constructeurs eux-mêmes s’effectuent de manière satisfaisante. C’est le sens originel de la loi dans ce domaine. Plus de trente ans après le vote de cette loi, nous n’y sommes pas vraiment.

Que devient le contrôleur technique ?

Si on veut maîtriser la qualité de la construction, il faut remettre à plat tout le process de fabrication de la construction avec redéfinition des rôles. Le rôle du contrôleur technique est de contribuer à la prévention des risques techniques. Il n’est donc pas le seul. Encore faut-il que les contributions de chacun soient organisées. Notre position de tierce partie nous amène naturellement à cette évolution vers la fonction qualité d’une opération de construction.

Le modèle de l’industrie peut-il vraiment être transposé au bâtiment ?

Certes, les bâtiments sont tous des cas particuliers. Mais une grande partie du process est répétitif. Ce qui est compliqué dans le bâtiment, c’est que l’on recrée l’équipe d’intervenants chaque fois. Il s’agit de faire un plan de maîtrise des risques basé sur une analyse des risques (technique et organisationnelle) et s’interroger sur “qui fait quoi sur la maîtrise des interfaces et qui contrôle quoi”. Ensuite, il faut s’assurer du respect de ce plan par des audits. C’est le rôle du directeur qualité.

Le directeur qualité est garant d’un process qualité, mais il ne se substitue pas aux constructeurs. Ses audits prennent en compte les résultats des contrôles réalisés par les différents intervenants, l’objectif étant d’assurer la maîtrise du processus de réalisation.

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