Evénement

ENTRETIEN AVEC Catherine Trautmann : Réformes : nous tenons les délais

-Après les annonces faites aux rendez-vous de l'Architecture, Catherine Trautmann dresse le bilan d'étape de ses réformes. -Loi de 1977 : un projet fin 1998, mais le seuil des 170 m2 pourrait être abaissé, ou supprimé, par décret. -Concours : relèvement du seuil, l'oral est maintenu, avis motivés obligatoires. -Fusion des directions de l'architecture et du patrimoine : les délais sont tenus.

Vous aviez affirmé que la dispense de recours à l'architecte au-dessous de 170 m2 devait être réexaminée. Où en est votre réflexion sur ce sujet ?

CATHERINE TRAUTMANN. Si je me suis exprimée à plusieurs reprises sur le seuil des 170 m2, c'est que pour moi l'architecture remplit une véritable mission d'intérêt public confirmé par la loi. C'est d'ailleurs le premier motif de l'abaissement du seuil : l'insertion de l'architecture dans l'environnement. En favorisant, à ces petites échelles, l'intervention de ces vrais professionnels que sont les architectes, l'abaissement des seuils permettrait aussi d'assurer la pérennité des constructions. En même temps, la profession doit trouver la possibilité d'intervenir de façon beaucoup plus significative sur certains marchés, notamment celui de la réhabilitation. C'est dans ce cadre là que j'ai souhaité engager la concertation avec les professionnels et l'administration. Il faut évidemment mettre au point des mesures transitoires pour les différentes professions qui interviennent actuellement, et aussi définir la forme sous laquelle cette affaire des seuils peut-être enclenchée. Suppression ou fixation d'un nouveau seuil ? Le choix n'est pas arrêté. Mais si un accord est trouvé, ceci pourrait être fixé par décret. Je puis vous dire en tous cas que j'ai rencontré une oreille attentive chez Louis Besson, secrétaire d'Etat au Logement. Je crois que ce sont des circonstances favorables grâce auxquelles nous avancerons sur cette question.

La réforme de la loi de 1977 sur l'architecture est en chantier depuis deux ans. Comment avance le dossier ?

Sans remettre en question l'esprit de la loi, il faut la réactualiser pour faire face à l'évolution de la profession d'architecte. Deux orientations se dessinent en effet, qui ont été prises en compte dans la réforme des études d'architecture : d'un côté l'exercice libéral que nous connaissons, et puis toute la diversité des tâches, recherche, maîtrise d'ouvrage, métiers de la ville... qui s'ouvrent aux architectes.

Quel est le calendrier ?

Le travail de refonte est engagé. Nous attendons les élections ordinales d'avril, avant de rendre publiques les conclusions de la mission Malvy. Nous pourrons alors enclencher véritablement la concertation. Je pense que nous aurons une vision claire des choses au cours du second trimestre 1998. Le texte ne sera vraisemblablement pas examiné par le Parlement avant début 1999, car le programme de travail législatif 1998 est déjà très chargé.

La situation difficile des architectes tient pour une part à la faiblesse de leur rémunération. Quels sont vos moyens d'action ?

Les recommandations de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp) sur l'application de la loi Mop constituent une base d'évaluation équitable pour négocier les rémunérations. Le problème n'est pas tant la rémunération que la définition des prestations : les prestations demandées aux architectes sont souvent très supérieures à ce que la rémunération prévue est supposée honorer. La définition des responsabilités ne correspond alors plus aux missions, ce qui peut aboutir à des situations problématiques. Au-delà du coût de la prestation d'architecte, c'est la reconnaissance du métier lui-même qui est en jeu. Alors comment agir ? J'avais annoncé en octobre la création d'un groupe de travail mobilisant de grands maîtres d'ouvrages publics. C'est chose faite, et il se réunira en ce début d'année. J'attends de ces acteurs « structurants » de l'architecture une prise de conscience améliorée du problème, et des résultats.

Vous aviez également annoncé de nouvelles dispositions pour les concours...

Il y a pour moi deux enjeux, la transparence et la simplification. Transparence : j'ai chargé le conseiller d'Etat Thierry Leroy de concevoir une instance de médiation. Il me remettra très prochainement son rapport, à la suite de quoi un certain nombre de décisions seront prises. Simplification : nous avons l'accord du ministère des Finances pour le relèvement du seuil des marchés soumis à l'obligation de concours. Reste sa mise en oeuvre administrative. Parallèlement, nous poursuivons la concertation avec le ministère des Finances sur la transposition de la directive Services en droit interne. Les services en charge de l'architecture ont défendu avec succès le maintien des dispositions issues de la loi Mop pour les marchés de maîtrise d'oeuvre. Les décrets de transposition apporteront aussi des réponses positives aux exigences de transparence, avec obligation pour les jurys de formuler un avis motivé et de proposer un classement. Ils concilient en outre l'exigence d'anonymat contenue dans la directive avec la pratique de l'audition des candidats, à laquelle je suis, par expérience, très attachée.

Comment répondre au malaise actuel des services départementaux de l'architecture et du paysage ?

Ces services ont été un peu les oubliés du transfert, dans la mesure où le ministère de la Culture ne dispose pas de structures départementales en capacité d'être interlocutrices. Le fait qu'ils aient toujours les Diren (directions régionales de l'Environnement) comme instances coordinatrices ajoute à la confusion. Il faut traiter spécifiquement les problèmes qu'ils posent, et d'abord parachever dans de bonnes conditions leur rattachement à la Culture. Ensuite, nous allons mettre en place une politique de moyens, notamment en locaux et en informatique, adaptés à leurs missions qui s'ouvrent encore plus à la création architecturale et urbaine contemporaine.

Cette ouverture est-elle liée à la fusion des directions de l'architecture et du patrimoine ?

Oui, elle s'inscrit dans la cohérence d'un projet plus vaste que j'ai pour l'ensemble de mon ministère : faire vivre la ville dans ce qu'elle a de plus ancien comme dans ce qu'elle a de plus contemporain. Le projet de Chaillot, qui est un nouvel Institut français d'architecture, un lieu de débat sur l'architecture et l'urbanisme également tourné vers le grand public, est l'emblème de cette démarche. Il rompt avec une logique de conservation, où l'on aurait, d'un côté, le patrimoine et, de l'autre, l'architecture, pour jouer l'enrichissement réciproque. C'est aussi ce qu'a entrepris François Barré à la tête des directions de l'architecture et du patrimoine pour en faire une seule direction. Il m'a remis son rapport d'étape le 17 décembre. Celui-ci esquisse deux pôles que François Barré appelle pour l'instant « mémoire et projet » et « réseaux et territoires ». On a donc à la fois ce qui est commun, ce qui instruit la démarche de la direction sous ses angles de conception et de recherche, et en même temps l'action concrète sur le territoire. Tout ceci se fait dans la volonté non pas d'imposer, mais de construire avec le personnel et sa direction. Plus largement, le ministère de la Culture trouvera progressivement dans cette voie l'assise nouvelle, à la fois plus communicante et plus communicative, qui me parait mieux répondre à ce qu'attend la société. Voilà l'esprit de ce processus de réforme, avec son volet emblématique de Chaillot, et son volet plus administratif. J'attends avec intérêt le rapport sur le centre de Chaillot que me remettra Jean-Louis Cohen à mi-février. Nous sommes dans des délais que nous tenons par rapport aux annonces qui ont été faites.

Le projet de regroupement des services de la Culture rue des Bons Enfants est-il abandonné ?

Certainement pas. Je me bats pour les Bons-Enfants ! J'ai demandé de prévoir une réserve budgétaire en 1998 pour reprendre le projet de Francis Soler. Mais le ministère des Finances, propriétaire des lieux, tarde à concrétiser le transfert immobilier qui avait été décidé à l'époque. Il faut sortir de cette situation choquante, et coûteuse, dont j'ai hérité. J'attends très prochainement un arbitrage définitif du premier ministre sur le sujet. Et je ne suis pas trop pessimiste...

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«La possibilité d'intervenir de façon plus significative sur certains marchés»

«Le problème n'est pas tant la rémuné-ration que la définition de prestations»

«Des textes qui concilient l'anonymat avec la pratique de l'audition»

«Jouer l'enrichissement réciproque du patrimoine et de la création»

«Donner une nouvelle assise à l'administation de la Culture»

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