Altarea Cogedim est spécialisé dans les grands projets, la conception de morceaux de ville. Comment les sélectionnez-vous ?
Nous réalisons des opérations qui vont de 3 000 à 100 000 m², générant entre 3 et 400 M€ de travaux. En fonction des projets, nous pouvons mobiliser une large palette d'expertises et de produits, allant du logement étudiant au haut de gamme, en passant par des espaces commerciaux et des immeubles de bureaux. Altarea Cogedim réalise actuellement 600 à 700 opérations en France. Nous sommes l'un des premiers donneurs d'ordre, nous passons entre 2 et 2,5 Mds € de marchés de travaux chaque année, et travaillons avec tout type de société. D'ailleurs, notre développement est tel que nous ne trouvons pas toujours tous les partenaires pour nous suivre. Beaucoup d'opérations sortent de terre aujourd'hui, et je note une appétence des Français pour la pierre, dans un contexte de taux d'intérêt durablement bas. Il faut donc mettre les moyens, renforcer et former ses équipes. Je dis donc aux entreprises [de travaux, NDLR] : « Faites comme nous, investissez ! »
Comment anticipez-vous 2020, alors que le nombre de permis de construire est en baisse ?
Tout d'abord, nous n'anticipons pas notre activité uniquement par le biais du logement. Bien sûr, les permis de construire sont un peu plus difficiles à obtenir en ce moment, à cause des élections municipales à venir. Mais nous disposons de 19 Mds € de projets en cours de montage.
En 2019, notre production de logements aura été supérieure à celle de 2018 [11 782 unités, pour un chiffre d'affaires de 2,9 Mds €, NDLR] et nous maintenons notre objectif de produire 15 000 logements par an d'ici deux à trois ans.
Comment se porte l'activité tertiaire ?
Nous avons livré en 2019 de très belles opérations comme Kosmo, le siège social de Parfums Christian Dior [27 000 m² à Neuilly-sur-Seine, NDLR], et cela continuera en 2020 puisque nous nous installerons au deuxième trimestre dans notre nouveau siège social de 33 000 m², rue de Richelieu à Paris.
Au second semestre, nous livrerons Bridge, le siège social d'Orange à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Par ailleurs, nous avons racheté le siège de CNP Assurances, situé au-dessus de la gare Montparnasse. L'assureur déménagera en 2022 dans l'écoquartier Issy Cœur de Ville, un projet que nous développons sur 10 ha articulés autour d'une forêt urbaine de 13 000 m². D'ici là, CNP Assurances restera locataire de ses locaux parisiens, sur lesquels nous avons démarré les études de projet et pour lequel nous lançons un concours d'architecte.
Vous avez acquis en 2015 Pitch Promotion, désormais piloté par Stéphane Dalliet afin d'« accompagner sa transformation ». Comment exister face à Altarea Cogedim ?
Christian Terrassoux, le président fondateur, a d'abord estimé qu'il fallait passer la main. Pitch Promotion conservera sa marque et continuera de développer son savoir-faire sur des opérations moins complexes que celles d'Altarea Cogedim. L'idée est de mieux couvrir le territoire.
Vous avez acquis 50 % du capital de Woodeum Résidentiel en juillet 2019. Tous vos logements en bois CLT seront-ils produits par cette entité ?
Altarea Cogedim doit proposer des immeubles en bois et développer une offre de logements bas carbone. C'est un véritable défi environnemental autant que constructif, et nous avons beaucoup à apprendre de Woodeum, une marque emblématique connue des pouvoirs publics et qui commence à gagner en notoriété auprès des clients particuliers. Altarea Cogedim aidera Woodeum à s'implanter en région, et nos logements en bois CLT seront réalisés avec cette entreprise, l'objectif étant de produire de 2 500 à 3 000 unités d'ici à 2023.
Quelles autres compétences pourriez-vous développer par croissance externe ?
Nous pourrions à l'avenir nous intéresser à l'administration de biens, car nous développerons en interne un pôle de services pour nos clients.
Emmanuel Macron a récemment annulé le projet EuropaCity. Altarea Cogedim, qui réalise également des opérations d'envergure, semble échapper au retail bashing . Pourquoi ?
EuropaCity devait être réalisé dans les champs. Nous, nous proposons de rebâtir de la ville sur la ville. Par exemple, à Nice, nous avons reconstruit le centre commercial Cap 3000 sur lui-même, sans le fermer, en l'ouvrant au contraire sur la mer. Autre exemple : à Bobigny, dans une zone difficile mais sur un nœud de transports formidable qui se renforcera avec le Grand Paris, nous allons démolir le centre commercial Bobigny 2 construit sur dalle pour réaliser un projet de 100 000 m², avec du logement, du bureau et des commerces en pied d'immeuble. Tout le conseil municipal de la ville, opposition comprise, y est favorable car cela permet de transformer le tissu urbain. Nous sommes également le premier groupe privé à avoir investi dans les gares, à Paris avec celles de l'Est, de Montparnasse et d'Austerlitz, et en Italie. Il y a vingt ans, le retail n'existait pas dans ces lieux.
« Nos logements en bois CLT seront réalisés avec Woodeum. Notre objectif est de produire de 2 500 à 3 000 unités d'ici à 2023. »
Pourtant, le projet de rénovation de la gare du Nord, qui prévoit d'étendre son domaine commercial, fait polémique…
Cette controverse est présente car le projet de rénovation est très important à l'échelle du site. Mais l'opposition n'émane pas des clients potentiels.
Pourquoi avoir recruté comme directeur général Jacques Ehrmann, président du Conseil national des centres commerciaux ?
Altarea Cogedim est un groupe important. Même si, très sincèrement, je n'ai pas envie de lâcher les rênes, ma responsabilité était de faire en sorte que je ne sois pas seul aux commandes. Je devais aux salariés, à nos clients, à nos investisseurs, à nos actionnaires d'être confortés sur les plans du management et de la gouvernance.
A 71 ans, êtes-vous en train de préparer votre succession ?
Pas vraiment, non. Je continuerai à diriger ce groupe aussi longtemps que possible. Mon rôle est à la fois d'inciter à prendre des risques et d'évaluer ces risques. Le fait de s'entourer permet de créer du savoir-faire et de l'intelligence complémentaires, et de continuer à progresser.
Jean-François Carenco, ex-préfet d'Ile-de-France, n'a finalement pas intégré vos équipes, alors que vous l'aviez pressenti pour un poste. Pourquoi cette appétence pour les personnalités publiques ?
Un groupe comme le nôtre doit faire venir des compétences supplémentaires. Dans un contexte où les dossiers d'autorisations administratives sont de plus en plus complexes, j'avais estimé avoir besoin d'une personnalité comme Jean-François Carenco pour aller plus vite, avoir un meilleur relationnel. Nous aurions aimé l'avoir à nos côtés mais cela ne s'est pas fait, et c'est bien aussi. Finalement, nous n'avons recruté personne à ce poste. Cela fait vingt-cinq ans que nous ne comptons aucun haut fonctionnaire dans nos rangs et, apparemment, cela ne nous empêche pas d'aller de l'avant, avec une équipe de management de qualité, très professionnelle et engagée.