Interview

Entreprises face aux CCAG 1/3: Systra attend beaucoup du CCAG MOE

La période de transition pour s'approprier les nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) prendra fin le 1er octobre 2021. Passée cette date, les documents version 2021 seront applicables par défaut. Florence Grosse, responsable juridique chez Systra, espère que les acheteurs publics vont vite basculer vers le tout nouveau CCAG MOE. 

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Florence Grosse
Florence Grosse, responsable juridique chez Systra

Avez-vous répondu à des consultations visant le tout nouveau CCAG MOE ?

Sur les dernières consultations que l’on a identifiées, il apparait que la plupart des acheteurs publics travaillent encore avec le CCAG prestations intellectuelles (PI) de 2009 pour les marchés de maîtrise d’œuvre. Ils n’ont pas encore fait la démarche de basculer vers le CCAG MOE. En revanche, ils ont commencé à utiliser le nouveau CCAG travaux, ce qui peut poser des difficultés. En effet, il nous arrive d’avoir des missions d’assistance pour la passation des marchés de travaux (ACT), pour lesquelles l’acheteur nous demande spécifiquement de viser le nouveau CCAG travaux alors que pour le contrat de maîtrise d’œuvre, c’est le CCAP PI de 2009 qui s’applique. Cela manque de cohérence, par exemple sur les phases de suivi d’exécution des travaux, de réception, lors du décompte général et définitif, concernant les clauses environnementales ou même la gestion des déchets. Idem avec la démarche BIM de plus en plus demandée par les maîtres d’ouvrage et qui est organisée et contractualisée dans le CCAG travaux. Cela nécessite de faire des ajustements dans les documents particuliers du marché de travaux et finalement les acheteurs publics perdent tout le bénéfice du travail de mise en cohérence et de gestion des interfaces entre les acteurs de la construction qui a été fait à l’occasion de la publication des nouveaux CCAG travaux et MOE.

Pour quelles raisons les acheteurs publics n’ont-ils pas encore basculé ?

J’ai l’impression qu’ils ont une attitude de défiance face à ce nouvel outil et une certaine appréhension. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il y a eu plus de détracteurs du CCAG MOE que d’articles de doctrine applaudissant sa création. En outre, les acheteurs peuvent avoir l’impression que l’idée de rééquilibrage des relations entre les parties – qui est une ligne directrice forte de cette réforme - se fait aux dépens de leurs intérêts, ce qui est totalement faux. Ce CCAG MOE est en réalité très pédagogique, il donne des éléments de compréhension sur les missions du MOE et offre des filets de sauvetage aux acheteurs publics en leur donnant plus de flexibilité dans la gestion de l’opération. Il faut d’ailleurs saluer le travail de la DAJ qui a su capter les enjeux importants, notamment l’importance de la définition du besoin. Sans aller à l’encontre du Code de la commande publique qui oblige le maître d’ouvrage à arrêter son programme et son enveloppe financière, la DAJ admet à demi-mot que le projet va maturer petit à petit au fil des études et que, par conséquent, il va y avoir des modifications. C’est là tout l’intérêt de donner plus de souplesse aux acteurs afin qu’ils recréent un partenariat qui était un peu distendu ces dernières années.

Si les acheteurs publics n’ont pas encore basculé vers ce nouveau CCAG, se sont-ils néanmoins inspirés de quelques clauses ?

Certains maîtres d’ouvrage, notamment des gros opérateurs qui disposent de leurs propres CCAG (tels la SNCF ou la RATP), ont intégré des clauses qu’ils trouvaient intéressantes dans leur CCAP. On retrouve par exemple l’introduction de la gestion des prix nouveaux ou les plafonds de pénalités de retard à 10 %. Concernant ce dernier point, les maîtres d’ouvrage ont compris que ce système de plafond a un impact sur l’offre financière de l’opérateur économique qui va limiter les éventuelles provisions permettant la couverture du risque. Et en plus, cela ne signifie pas un ouvrage de moins bonne qualité ou que les délais ne seront pas respectés. Nous avons tout autant intérêt à respecter les délais pour rester dans le cadre de notre offre financière, optimiser le temps de mobilisation des équipes et envisager plus sereinement la projection de celles-ci sur les futurs projets. Les acheteurs intègrent également de plus en plus le paiement à l’avancement mais il est dommage de constater que beaucoup ne prennent pas encore la mesure de l’importance des avances et du paiement mensuel alors que la mobilisation du maître d’œuvre est effective dès le lendemain de la notification du marché avec des contraintes planning très fortes et un gros travail d’appropriation du projet. Par ailleurs, quand nous avons le rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage, nous essayons de sensibiliser les acheteurs sur ce CCAG MOE, et parfois nous arrivons à faire passer quelques éléments dans les CCAP.

Que faut-il faire, selon vous, pour que les acheteurs publics prennent la pleine mesure de ce CCAG MOE ?

Mon souhait est vraiment que, passé le 1er octobre, les acheteurs comprennent le potentiel et les synergies que leur apportent le nouveau CCAG MOE et l’utilisent, quitte à apporter des dérogations dans les documents particuliers des marchés. Pour cela, il va falloir faire un vrai effort de pédagogie, car, aujourd’hui encore, beaucoup d’erreurs dans les contrats de MOE sont dues à la mauvaise connaissance de ces contrats. Par exemple, pour beaucoup, le prix provisoire qui devient définitif ne veut rien dire.

Autre problématique : les acheteurs gèrent le contrat de MOE comme un contrat de prestation intellectuelle alors que finalement, c’est un contrat à mi-chemin entre la PI et les travaux. Il a toutes les contraintes du contrat de travaux avec des responsabilités extrêmement lourdes puisque le MOE est assimilé à un constructeur et sur une durée qui peut être très importantes (six ou sept ans pour une grosse infrastructure).

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