Dès les premières études, notre réflexion s'est portée sur l'ouverture de l'université sur la ville, explique l'architecte Christian de Portzamparc, concepteur du campus Nation (Paris XIIe ) où est désormais implantée la Sorbonne Nouvelle. Celle-ci a quitté un ensemble de barres amiantées des années 1960 du quartier Censier (Paris Ve ), une création issue de l'urbanisme fonctionnaliste qui rejetait la conception de la ville haussmannienne et ses îlots composés d'immeubles sur rue, profitant de la vue et de la lumière, et d'autres donnant sur une cour sombre et fermée.

Théorisé et réalisé par le même Christian de Portzamparc dans les années 1980, l'îlot ouvert transcendait ce clivage en réinstaurant l'alignement des bâtiments sur la rue, disposition millénaire éprouvée pour la vie urbaine et que le fonctionnalisme faisait disparaître. Grâce à la fragmentation du bâti, il laisse entrer la lumière naturelle par les failles, il permet de connecter le cœur d'îlot au quartier, de le rendre traversant et de diversifier les formes architecturales. En rassemblant sur ce projet toutes les caractéristiques de l'îlot ouvert, le campus Nation fait ressurgir les origines de cette invention.

Comme un volume fendu. Ces spécificités se trouvent accentuées par la densité du bâti sur un terrain aux dimensions relativement modestes pour un programme de cette ampleur, et où la hauteur est limitée à six étages. D'où cette impression d'un volume à l'origine monobloc qui se serait fendu sous l'effet d'un mouvement géologique, générant trois corps de bâtiments articulés par le hall, un péristyle, une passerelle ou encore un escalier elliptique qui fait écho à la tour anciennement occupée par l'Office national des forêts (ONF) voisine.

Mis en tension par le jardin qui serpente, leurs volumes - l'un triangulaire, le second en équerre, le troisième aux lignes brisées - semblent se compléter comme les pièces d'un puzzle.

Dans la bibliothèque, les murs périphériques sont ponctués de mini-alcôves calées entre deux rayonnages
« La perception des différences de formes et de façades au travers des ouvertures permet aux usagers de se repérer intuitivement pour circuler à l'intérieur », précise Christian de Portzamparc. De fait, on se sent ici comme dans une grande maison universitaire abritant - en plus des équipements habituels - un théâtre, un cinéma, une salle de montage et d'autres espaces destinés à la production audiovisuelle, ainsi qu'une vaste pièce d'interprétariat - que l'ancien Premier ministre Jean Castex en visite aurait enviée pour ses propres réunions - et des salles de sport.

Le 1 % artistique ayant toute sa place dans cette université qui forme aux métiers des arts et de la culture, Béatrice Casadesus a réalisé dans le foyer deux œuvres picturales de grand format. Les tons rouge et or de la première font vibrer la toile comme un rideau de scène, tandis que les couleurs bleutées de la seconde, intitulée « Paradis » (en référence au film « Les Enfants du paradis ») évoquent le ciel. Dans la bibliothèque, les murs périphériques sont ponctués de mini-alcôves calées entre deux rayonnages, qui disposent chacune d'une tablette et d'une fenêtre dont la géométrie trapézoïdale donne la sensation de se trouver sous les toits.

Des « folies » pour les rencontres. Changement d'écriture pour le bâtiment en équerre, où la trame qui s'exprime en façade est celle des salles de cours qu'il abrite. Les designers du collectif 5.5 ont réalisé, dans l'élargissement d'une rue intérieure, des sortes de folies métalliques qui permettent de se rencontrer, de se détendre ou de travailler entre deux cours. Dans le péristyle, l'artiste Iván Argote a, lui, tagué les poteaux de lettres en relief qui appellent à vivre « Ici et maintenant ». Et c'est le 3 octobre, avec deux semaines de report, que la Sorbonne Nouvelle a fait sa première rentrée sur le campus Nation.
