En route pour la transition électrique

Infrastructures -

Alors que le réseau de recharge de véhicules individuels étend rapidement sa toile, le fret routier pose les premiers jalons pour intégrer ce mouvement de décarbonation des transports terrestres.

 

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Le 30 octobre 2019, près de Francfort (Allemagne), un convoi de camions se déplace grâce à l’énergie distribuée par des caténaires.

La mobilité électrique routière est passée de l'expérimentation à l'industrialisation. Après un retard à l'allumage, le plan « Objectif 100 000 bornes », annoncé en octobre 2020 par les ministères de la Transition écologique et des Transports, l'illustre : « En 2021, le nombre de points de recharge est passé de 20 000 à 32 000 ; il a atteint 55 000 à la fin mars. La courbe suit celle du marché des véhicules », se réjouit Claude Renard, coordonnateur du déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques (BRVE) au ministère de la Transition écologique. A court terme, sa mission mobilise des dizaines de millions d'euros au bénéfice des véhicules légers. Mais la décarbonation du fret routier laisse entrevoir une tout autre dimension : 30 à 40 milliards d'euros dans le système de route électrique (Electric Road System, ERS) poussé par les ténors de l'ingénierie française des transports, qui espèrent les feux verts du gouvernement français et de la Commission européenne avant fin 2023.

Branle-bas de combat dans les parkings

Mi-avril, à Paris, le record européen du plus grand nombre de recharges dans un seul parking symbolise le dynamisme de la filière. La Saemes l'a battu à La Madeleine (VIIIe arrondissement), avec 505 bornes. Le concessionnaire de la Ville partage le trophée avec le tandem TotalEnergies-Sogetrel, qui a les a mises en place, lui-même titulaire d'un marché multisites de quatre ans signé en 2020 pour l'installation, la maintenance et l'exploitation de plus de 1 000 bornes dans des parcs gérés par la société d'économie mixte. Onze groupements étaient en lice pour décrocher le contrat.

« Demande plus diversifiée ». Faut-il y voir un reflet du « monde d'après » tant espéré pendant les confinements ? « Après la crise sanitaire, la voiture électrique tient désormais son modèle industriel », décrypte Ghislaine Geffroy, directrice générale de Saemes. Parmi les leaders nationaux des concessions de parkings publics, Q-Park France confirme l'accélération en cours, dont témoigne le marché qu'il a confié en mars à Izivia, filiale d'EDF : 20 millions d'euros pour installer 4 000 bornes en trois ans. L'exploitant profitera du récent assouplissement de la loi d'orientation des mobilités (LOM) : le quota de 5 % de bornes s'impose désormais à l'échelle des agglomérations, et non plus à chaque parking. « Cette mesure de la loi Climat et résilience nous permettra de mieux répondre à une demande plus diversifiée », réagit Michèle Salvadoretti, directrice générale de Q-Park France.

Autre partie prenante du plan gouvernemental, la grande distribution met les bouchées doubles. « En avril 2022, l'enseigne E.Leclerc recense 1 700 points de recharge en service et 1 000 en travaux. Nous en prévoyons 10 000 en 2025 », annonce Thierry Forien, directeur adjoint de Siplec, l'entité qui accompagne les patrons des magasins dans la transition énergétique.

Dans les 15 millions de logements collectifs, la bataille des garages commence, elle, par la formation. « Que personne ne puisse se dire : le collectif, c'est trop compliqué pour que je m'équipe », a insisté Claude Renard, le 29 mars dernier, devant les dirigeants de fédérations professionnelles de l'immobilier et du logement social, lors de la présentation du programme Advenir, que pilote l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France). Grâce aux financements de ce dispositif - alimentés par la cinquième période des certificats d'économie d'énergie - , syndics et bailleurs bénéficieront de 300 sessions de formation. Les professionnels misent aussi sur l'effet déclencheur d'un décret en cours d'examen au Conseil supérieur de l'énergie qui doit rendre obligatoire le préfinancement des travaux de pré-équipement des garages lors de rénovations.

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Le fret routier, un chantier titanesque

Mais la fièvre des BRVE ne doit pas faire oublier le fret routier. Sa décarbonation a conduit l'ingénierie française des transports à faire bloc autour de trois entités publiques : le Cerema, l'université Gustave-Eiffel et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Leurs expertises partagées dans la mobilité, l'aménagement, l'énergie et le marché mondial des matières premières les ont désignées pour appuyer trois groupes de travail interprofessionnels missionnés entre janvier 2020 et juillet 2021 par la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

Le rétroplanning, dont était chargé le troisième groupe, laisse entrevoir un chantier majeur du XXIe siècle : en deux à quatre ans, 20 opérations mobiles simultanées permettraient de mettre en service en 2030 les 4 900 premiers kilomètres de l'ERS français, avant une seconde tranche de 3 900 km en 2035. A raison d'un chantier tous les 250 km progressant par sections de 500 à 800 m par jour, le bon écoulement du trafic serait assuré. « Les TP peuvent relever ce défi, et le système pourra être financé s'il est adopté à l'occasion de la fin des contrats de concession actuels à partir de 2031 », souligne un membre du groupe de travail.

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La décarbonation du fret ne peut s'appuyer ni sur les carburants alternatifs, ni sur le tout-batterie

250 km d'autonomie. Ce scénario résulte d'une démonstration approuvée par l'ensemble des professionnels mobilisés par la DGITM : la décarbonation du fret ne peut s'appuyer ni sur les carburants alternatifs, trop concurrencés par d'autres usages, ni sur le tout-batterie, trop cher pour les transporteurs et trop lourd pour les camions. L'option ERS limite la capacité embarquée à 350 kWh, compatible avec une autonomie de 250 km. Cette distance correspond au maximum requis par un aller-retour entre n'importe quel point de l'Hexagone et l'ERS. Les 8 800 km d'infrastructure électrifiée couvriraient les autoroutes françaises du réseau transeuropéen de transport complétées d'un axe Paris-Rennes.

Trois technologies concurrentes s'affrontent : l'induction électro magnétique, la conduction par voie aérienne et la conduction par rail. Faut-il s'attendre à une finale franco-allemande entre Siemens et Alstom, locomotives industrielles de ces deux dernières solutions ? Une partie du match se jouera entre les consortiums sélectionnés dans le cadre du quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4) pour les « mobilités routières automatisées, infrastructures de services connectées et bas carbone » dont la remise des offres se clôture mi-juin 2022.

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