C’est un bâtiment que rien ne distingue des maisons du village de Ganagobie, dans les Alpes-de-Haute-Provence, sinon le panneau "Danger Pollution" sur sa façade. L’ancien siège de la société Isotopchim contient des déchets radioactifs, issus de la production de molécules marquées au carbone 14 sans installations adéquates.
Mis en demeure pour des rejets non autorisés dans l’environnement, le propriétaire a mis la clé sous la porte au début des années 2000. Et c’est depuis l’Agence nationale de la gestion des déchets radioactifs (Andra) qui assure l’assainissement du site, au titre d’une mission de service public.
Une avancée attendue en 2022
« La plupart des chantiers sur lesquels nous intervenons sont d’anciens ateliers exploités dans la première moitié du XXème siècle, quand les dangers liés à l’utilisation du radium étaient encore mal connus, souligne Nicolas Benoit, responsable du pôle d’assainissement des sites pollués par la radioactivité à l’Andra. Le cas d’Isotopchim se distingue par la responsabilité directe de l’ancien propriétaire, et par la conjugaison de la pollution radiologique avec des risques physico-chimiques mal connus. »
L’absence d’informations sur les produits chimiques et les procédés utilisés dans l’entreprise a longtemps empêché la prise en charge des déchets de Ganagobie par les filières de retraitement habituellement utilisées par l’Andra. Une avancée majeure doit intervenir en 2022, avec le départ prévu de 400 contenants vers le Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (Cires) de La Chaise, dans l’Aube.

A ce stade, il s’agit uniquement de déchets liquides, pour lesquels les équipes de l’Andra ont dû mener une campagne inédite de caractérisation sur site, en collaboration avec la société Curium. Un véritable laboratoire a été installé à l’arrière du bâtiment, pour analyser les prélèvements effectués sur les déchets. Au cœur d’un chantier hautement sécurisé, les équipes interviennent sous air respirable dans des combinaisons ventilées.
Pré-assemblage des déchets
« La première étape a porté sur l’identification des caractéristiques physico-chimiques des produits pour ne pas provoquer de nouvelles réactions, par exemple en mélangeant des acides et des bases. Puis nous avons procédé à une phase de pré-assemblage des produits de même famille, pour limiter le nombre de mesures à réaliser dans le suivi des polluants », détaille Nicolas Benoit. L’analyse des résultats va permettre de proposer des recettes d’assemblage au Cires, afin de traiter les déchets de Ganagobie avec ceux d’autres sites, par incinération ou solidification. Après accord, le conditionnement final devrait démarrer au printemps 2022.
Il faudra ensuite trouver des solutions pour la quarantaine de kilos de déchets solides présents sur le site. Là encore, la première étape sera l’identification et la quantification des produits pour permettre, in fine, de les intégrer dans les filières existantes. « Le traitement de ces déchets solides est plus complexe : à l’heure actuelle, nous ne pouvons que les entreposer jusqu’à ce qu’une solution de stockage définitive soit trouvée », reconnaît Nicolas Benoit. Les résultats des analyses sur ces déchets sont attendus à l’été 2022, avec l’objectif de finaliser leur évacuation dans les deux ans à venir.