« Dans le monde de demain, nous continuerons à construire mais nous sommes tous conscients des exigences qui pèsent sur nous : nos constructions doivent être plus durables, plus acceptables, moins carbonées et moins gourmandes en matériaux », a lancé Claude Le Quéré, présidente de l’Association française du génie civil (AFGC) en ouverture du Congrès français du génie civil mardi 23 mai.
Décisions à fort impact
Son homologue de l’Association universitaire du génie civil (AUGC), Alain Sellier, pose des chiffres : « En France, la construction représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre et 60 % du volume de déchets solides produits », rappelle-t-il. Les cadres, qui portent les choix techniques, représentent 1,2 % de la masse salariale du BTP. Un rapide calcul permet à Alain Sellier de conclure : « lorsqu’un cadre du génie civil prend une décision, il génère automatiquement dix fois plus de gaz à effet de serre que n'importe quel autre ingénieur, informaticien ou logisticien, par exemple ».
Levier très puissant
Une grande responsabilité qui, si l’on veut voir les choses du bon côté, confère au génie civil une grande puissance de transformation. « Quand un ingénieur décide de choisir un matériau moins émissif, il bénéficie du bras de levier le plus élevé de toute la société », estime Alain Sellier qui s’interroge cependant : « ce levier, est-ce que nous l’utilisons correctement ? »
Faire bouger les lignes
En ce qui concerne les déchets, le ratio est encore plus important : selon Alain Sellier, un génie-civiliste en génère au moins 50 fois plus qu’un autre cadre de l’industrie. « Si nous n’essayons pas de faire bouger les lignes, nous allons conserver cette énorme part de responsabilité », s'inquiète le président de l’AUGC pour qui l’enseignement dispensé aux futurs ingénieurs joue un rôle crucial.
Un enseignement différent
« Les enseignants doivent sensibiliser leurs étudiants à ces impacts énormes qu’ils vont avoir sur la société, sans quoi ils passent à côté de quelque chose », alerte Alain Sellier, également enseignant-chercheur à Toulouse, qui appelle à déplacer le centre de gravité de l’enseignement du génie civil afin de le faire dialoguer plus facilement avec les autres sciences. « Les enjeux dépassent le cadre habituel du génie civil », estime-t-il.
Un enjeu de recrutement
La transition écologique permettrait ainsi de faciliter les recrutements des entreprises françaises du BTP en mobilisant les jeunes ingénieursqui aspirent à un métier riche de sens. « Ces dernières années, une dizaine de masters et de filières d’ingénieurs ont ouvert un parcours sur la maintenance et la réhabilitation des ouvrages qui sont choisis par un quart des étudiants », relève Alain Sellier. Des étudiants qui, avant de construire, s'attachent d’abord à éviter de détruire. Dans tous les sens du terme.