Il y a, à la Bourse de commerce, le premier cercle, celui de ce monument étonnamment rond qui trône au centre de Paris (Ier), entre Les Halles, l'église Saint-Eustache et, un peu plus loin, le Louvre. Un gâteau architectural replet, avec pilastres et fronton glorieux, cerceau d'ardoises et coupole de verre. Ce véritable temple des marchands a été érigé par l'architecte Henri Blondel en 1889.
Passé le porche encadré de colonnes corinthiennes, on atteint la deuxième couronne, celle dressée au XVIIIe siècle, quand le lieu avait été bâti pour être une halle aux blés, avant d'être remodelée et redécorée avec toute la pompe du XIXe siècle. Elle est auréolée par une fresque à 360° vantant les terres de conquête du commerce français d'alors. Aujourd'hui, alors que le lieu a ouvert au public, le 22 mai dernier, sous le flot de lumière déversé par la verrière, surgit le troisième cercle. Un anneau de béton épuré, radical et pourtant serein.

Intuition. Ce cylindre, l'architecte Tadao Ando en a très vite eu l'intuition, quand François Pinault l'a invité à penser le réaménagement de la Bourse de commerce. Sur proposition de la maire de Paris, Anne Hidalgo, l'homme d'affaires allait en effet installer là une partie de son immense collection d'art contemporain et il avait déjà plusieurs fois fait appel au talent du Japonais, fabuleux artisan du béton. En esquissant ce grand espace d'exposition central, celui-ci offrait d'ajouter un monument au monument, sans rien altérer mais sans s'éclipser.


L'opération, qui a également mobilisé le duo d'architectes parisiens de NeM - Lucie Niney et Thibault Marca - et l'architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier, a d'abord consisté à régler finement ce dispositif concentrique. Des prototypes en bois en grandeur réelle ont été utilisés afin que le cylindre, ensuite coulé en place, prenne sa juste dimension : 9 m de hauteur, pour laisser apparaître les deux derniers niveaux historiques, et 29 m de diamètre afin de ménager un déambulatoire entre l'ancien et le contemporain. Surtout, « ce symbole de la mutation du lieu a pris sur lui tous les éléments de cette transformation », souligne Lucie Niney.


Pensé pour être réversible. Cette paroi creuse abrite en elle tous les dispositifs techniques nécessaires, qu'il s'agisse de ventilation, d'éclairage ou d'acoustique. Même les trous de banche, qui sont la signature reconnaissable de Tadao Ando, jouent un rôle. Restés évidés, ils participent à adoucir l'ambiance sonore. Le cylindre est aussi le noyau de toutes les circulations. Avec les escaliers qui grimpent le long de ses flancs, sa coursive sommitale et ses passerelles, il permet de distribuer les galeries d'exposition qui ont été aménagées dans l'anneau historique.
Le cercle se veut si respectueux du lieu qu'il a été pensé pour être réversible. A ne faire qu'effleurer les façades intérieures de la Bourse de commerce, à impacter le moins possible le plancher du rez-de-chaussée, il pourrait en effet être supprimé, sans qu'il n'y paraisse plus rien. Mais voudra-t-on un jour effacer cette nouvelle strate de l'histoire du monument ? Pierre-Antoine Gatier, lui, préfère penser qu'une « leçon nous est donnée là : une architecture est une perpétuelle transformation ».
