Diversité culturelle et richesses naturelles
Région du monde intéressante de par la diversité de ses cultures et de ses ressources, le Moyen-Orient désigne une zone géographique au sein du MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) allant de la frontière est de la méditerranée jusqu'au Pakistan. Si l'on se concentre sur la péninsule arabique, il est notoire qu'elle possède de vastes réserves de pétrole et de gaz naturel. Politiquement et religieusement, la grande majorité de ces pays est musulmane, la Charia étant en place chez un certain nombre d'entre eux. Si la richesse de ces pays repose en majeure partie sur ces ressources, ils ont su diversifier leurs économies. Les Émirats arabes unis (EAU) sont ainsi devenus un "hub" régional et mondial pour le commerce et la finance. Une croissance de 3,7% du PIB réel est prévue en 2016 pour ce pays du Golfe Persique composé de sept émirats : Abou Dhabi, la capitale, Dubaï, le plus peuplé, mais aussi Ajman, Charjah, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn.
En mai 2015, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait une croissance globale du produit intérieur brut (PIB) réel dans la région du MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) de 3,8% pour 2016. Plusieurs pays de ces régions feront l'objet d’une attention toute particulière de la part de la communauté internationale dans les années à venir, notamment les EAU qui seront l’organisateur de l'Exposition universelle en 2020. Citons également le Qatar en tant que pays hôte de la Coupe du monde en 2022. Ces chiffres se couplent à quelques innovations juridiques pour le secteur de la construction au sein des Émirats arabes unis, ce qui ne doit pas occulter certaines précautions à prendre lorsque l'on y investit.
Une loi sur les PPP
Dubaï, ville phare des EAU, a vu l'entrée en vigueur ce 19 novembre d'une nouvelle loi (1) visant à faciliter l'investissement privé et la participation des entreprises étrangères dans les projets d'infrastructures et d'équipements publics utilisant le modèle du partenariat public-privé (PPP) au sens large (que ce soit avec loyer ou sous forme de concession). Les contraintes budgétaires croissantes liées à la baisse des prix du pétrole incitent le secteur public à se tourner toujours plus vers le financement privé pour mettre en œuvre ses projets de construction. Jusqu'à présent, l'approche des Émirats pour réaliser des marchés publics d’ampleur était une simple méthode EPC (Engineering, Procurement and Construction / conception, fourniture d'équipements et construction). Nous assistons à la création d'un cadre juridiquement plus certain afin que les agences gouvernementales contractent avec des entreprises privées. Ceci était possible auparavant (2), mais le niveau de sécurité pour les acteurs privés étrangers se retrouve renforcé par la création d'un cadre juridique formalisé. À Abou Dhabi, bien que les PPP n'y soient pas inconnus, aucun cadre juridique spécifique n'a récemment été mis en place comme à Dubaï. Malgré l'absence d'un tel cadre, des modèles de PPP ont été utilisés avec succès et y demeurent des modèles pour d'autres projets à venir (3). L'approche des EAU illustre une tendance plus générale au sein du MENA. L'Algérie, le Maroc, la Tunisie, l'Égypte, le Koweït, l'Oman et la Jordanie figurent ainsi parmi la liste de pays ayant vu l'entrée en vigueur récente de dispositions juridiques similaires concernant les PPP. Cette évolution va permettre au secteur privé d'avoir un rôle plus important à jouer dans la conception, la construction, le financement et l’exploitation des infrastructures des pays du Golfe.
Quels contrats pour la construction ?
D'un point de vue strictement contractuel, les modèles de contrat FIDIC (4) (Fédération internationale de l’ingénierie et du conseil) sont les plus utilisés dans le domaine de la construction aux EAU. Des sondages démontrent qu'une majorité d'utilisateurs (55%) (5) ont recours à des formes très modifiées de ces contrats, ou qui ne sont pas forcément adéquates. Le Red Book (6) est sans aucun doute la forme la plus utilisée dans cette région, pour des projets qui demanderaient pourtant plutôt l'utilisation du Yellow (7) ou du Silver Books (8). L'utilisation d'un modèle de contrat non approprié implique de plus grands aléas, et requiert d'autant plus d'attention lors des négociations. Dans le même sens, un défaut de bonne gestion contractuelle est sans aucun doute un des premiers facteurs de litiges dans le secteur de la construction dans cette région. Au stade de l'exécution du contrat, un rapport de 2014 du groupe de la Banque Mondiale a classé les EAU à la 121ème place sur 189 pour l'appréciation de la « facilité dans l'exécution » (le Qatar est à la 104ème place et l'Arabie Saoudite à la 108ème). La nature complexe des infrastructures à construire, couplée à une certaine méfiance vis-à-vis des bureaux de conciliation, augmente le risque de différends. Lorsque la phase contentieuse de l'arbitrage est atteinte, encore faut-il réussir à faire exécuter la sentence rendue. C'est pourquoi, et comme toujours, il vaut mieux prévenir que guérir, et se doter de contrats adéquatement rédigés. Les entreprises privées et les investisseurs étrangers visant à travailler aux EAU devront également tenir compte des spécificités du cadre juridique en place, par rapport à l'établissement d’une société par exemple. Malgré une nouvelle loi du 1er juillet 20159 précisant le régime précédent, certaines considérations pratiques demeurent. Lorsque l'entreprise étrangère ou l'investisseur s'installe aux Émirats en tant que "Limited Liability Company" (société à responsabilité limitée), par exemple, subsiste l'obligation qu'un "national" des EAU, ou une entreprise possédée par des nationaux des EAU, détienne au moins 51% du capital de la LLC, à moins de se trouver en "Zone franche".
Se protéger des difficultés contractuelles
Le principe est de s'assurer que les dispositions contractuelles soient rédigées de manière claire et intelligible, et qu'elles respectent les dispositions juridiques impératives du pays dans lequel le contrat doit être exécuté. En ce sens, le recours aux formes du contrat FIDIC est conseillé aux Émirats arabes unis : si leur rédaction a rencontré du succès au Moyen-Orient, c'est bien du fait de leur efficacité. Attention toutefois à l'impact des nouvelles réglementations PPP sur ces contrats, mais également à la tendance que nous avons relevée de s'éloigner de leur rédaction type : une trop grande spécificité du contrat empêchera l'application de principes jurisprudentiels établis en cas de contentieux. Que le contrat corresponde aux formes de contrat FIDIC ou non, il est important de s'assurer que des clauses relatives à la suspension des travaux et à la résiliation du contrat par l'entrepreneur y soient insérées. Le Code civil des EAU contient certes des dispositions relatives à la suspension des travaux et la résiliation du contrat10, qui pourraient trouver à s'appliquer à défaut de stipulations contractuelles, mais leur application n'est pas automatique, et leur interprétation par les tribunaux n'a pas toujours bénéficié d'homogénéité. Il convient de minimiser ces risques le plus possible par le biais de stipulations contractuelles claires et précises.
Conclusion
Le Moyen-Orient est une zone attirante pour toute entreprise et investisseur étranger de par sa diversité et ses richesses. La croissance économique de cette région, quelque peu ralentie par la baisse des prix du pétrole, n'en est pas moins à la hausse. Des grands chantiers de construction pour des évènements d'ampleur internationale, combinés à une volonté des pouvoirs publics d'attirer les entreprises et investisseurs étrangers, en font une région clef en termes de construction.
Il convient toutefois de porter une attention particulière à la rédaction des contrats de construction, celle-ci étant d'une importance capitale au stade de leur exécution. Il convient également de prêter attention aux spécificités culturelles et religieuses de ces pays, où l'islam impose certaines façons de faire, certains modes de pensée, certaines pratiques et traditions qui ne sont pas toujours identiques à ceux du monde occidental.
(1) Loi n° 22 de 2015 concernant les partenariats publics-privé (PPP). Des décrets d'application sont à venir.
(2) D'autres projets avaient été mis en œuvre par le biais de PPP auparavant, comme le métro de Dubaï, par exemple.
(3) Nous pensons notamment au modèle utilisé par l'Abu Dhabi Water and Electricity Authority, utilisé de nombreuses fois, et à l'épreuve d'autorités étrangères.
(4) Nous visons la série "arc-en-ciel" des modèles de contrat FIDIC, qui concernent divers types de construction.
(5) Sondage mis en œuvre par le cabinet d'avocats Pinsent Masons en 2015, disponible en ligne à l'adresse suivante : http://goo.gl/7XzQ7t
(6) Ce modèle de contrat concerne les travaux de construction et de génie civil conçus par le maître de l'ouvrage.
(7) Ce modèle de contrat concerne les marchés de conception-construction pour les travaux électriques et mécaniques et pour des travaux de bâtiment et génie civil conçus par l'entrepreneur.
(8) Ce modèle de contrat concerne les projets clé en main.
(9) Loi n° 2 de 2015 concernant les sociétés commerciales.
(10) Voir les articles 106 à 247du Code civil des EAU, ainsi que l'article 892.