De loin, les gestes se ressemblent. De près, c’est autre chose… A la méticulosité des raccords sur site, au cousu main, a succédé un travail d’assemblage certes répétitif, mais diablement efficace. Une révolution qui se nomme SPR, pour système de précâblage rapide. « Alors que la préfabrication connaît depuis plusieurs années un succès incontesté dans le secteur du bâtiment, ce concept ne s’était que peu étendu à l’électricité. Aujourd’hui, les choses commencent à changer car les installateurs prennent vraiment conscience des avantages de cette méthode », observe Emmanuel François, président de la commission SPR du Gimélec (groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés). En pratique, le SPR jette les dominos et les boîtes de dérivation « ancien modèle » aux oubliettes pour les remplacer par des composants de type « plug and play », fabriqués dans les usines Ensto, Legrand, Schneider, Wago ou Wieland. Des cordons de longueurs définies à l’avance et préalablement équipés de connecteurs plus ou moins sophistiqués. Sur le chantier, le travail se résume dès lors à déployer ces cordons et à les interconnecter d’un simple clic, quasiment sans risque d’erreur. Un système de détrompage intégré évite en effet toute inversion de conducteur, alors que ce problème peut toucher jusqu’à 10 % des liaisons en pose classique.
Beaucoup plus simple à mettre en œuvre que le câblage traditionnel, le SPR est aussi plus compétitif, avec une durée d’installation réduite de moitié, et plus prédictible : si la logistique de l’industriel est à la hauteur, il y a toutes les chances pour que l’installateur soit en mesure de respecter les engagements calendaire et budgétaire pris vis-à-vis de la maîtrise d’œuvre.
Reconfigurer sans intervention
Enfin, le SPR s’avère plus évolutif grâce à la possibilité qu’offrent les boîtes de répartition actives de reconfigurer toute une installation sans intervention physique dans les plafonds ou les planchers. En cas de réaffectation des locaux, il suffira de transmettre par bus (Lon, KNX…) les nouveaux paramètres jusqu’à la boîte qui modifiera la schématique électrique. Idéal pour le réagencement de commerces notamment.
« Le SPR, c’est surtout un énorme changement dans les méthodes de travail, analyse Alain Le Calvé, délégué bâtiment du Gimélec. Avec ce système, l’investissement humain se reporte en amont de la réalisation, au niveau des études. » De près de 70 % dans le cas d’un chantier traditionnel, la part de la main-d’œuvre dans le total tombe à moins de 45 % avec le SPR. Du coup, même si le précâblage est au départ plus coûteux en matériel, il s’avère plus économique de 30 % sur la globalité du projet, estime le groupement. « Ceci, sans intégrer les économies indirectes comme la réduction du personnel d’encadrement, la diminution des accidents, des frais d’intendance… »
Convenant aux courants faibles comme forts, la connectique rapide ratisse large, de l’éclairage à l’appareillage électrique, en passant par les ouvrants ou les infrastructures télécoms. Les modes de branchement sont aussi très divers : par le plafond (cas des luminaires, des moteurs de volet roulant…), le sol (blocs nourrices…) ou encore périphérique (prises…).
Encore loin de faire l’unanimité
Quand il n’est pas assuré par une boîte de répartition pré-équipée, le raccordement des différents éléments du système peut se faire au moyen d’une dérivation préfabriquée (un simple té venant s’insérer dans la liaison), ou par piquage sur câble plat (c’est-à-dire le raccordement par perforation de l’isolant).
Quoique plébiscité par de nombreux professionnels, spécialistes de l’éclairage, du chauffage et des ouvrants notamment, le SPR est encore loin de faire l’unanimité. Si rien ne s’oppose à sa mise en œuvre dans le résidentiel, mise à part sa faible standardisation, c’est pour l’instant dans le tertiaire qu’il s’épanouit le mieux. « Le SPR dans les immeubles de bureaux représentait 10 % des affaires il y a quatre ans, il en pèse près du double aujourd’hui », témoigne Franck Palis, directeur commercial de l’activité préfabrication VDI chez Infraplus (groupe Schneider Electric).
Systématique pour les grands ensembles parisiens, à cause des besoins de modularité et du resserrement des délais d’intervention, le recours au SPR est plus modéré pour les immeubles de taille moyenne, voire très faible pour les petits, surtout en province. « Les installateurs ont souvent le dernier mot et pour certains d’entre eux, le précâblage, “c’est pour les jeunes“ », regrette Jérôme Lemoine, responsable marché tertiaire chez Legrand. Autre écueil : le temps de préparation des chantiers, trop long pour certains électriciens qui préfèrent miser sur la réalisation. « Demain, ce seront peut-être les maîtres d’ouvrage ou même les promoteurs qui imposeront la préfabrication, espère Franck Palis. Les installateurs n’auront pas à le regretter car ce sera l’occasion de réaliser à nouveau ce qu’ils doivent trop souvent sous-traiter faute de temps et de personnel. »