Une image est parfois plus parlante que mille explications techniques. « Chaque mois dans le monde, une ville présentant le même volume en béton que New York sort de terre », illustre Jean-Christophe Trassard, directeur marketing de l’innovation durable chez Ecocem. Ce dernier affirme en outre que le béton constitue la seconde ressource la plus consommée par les humains après l’eau, en volume et en poids – essentiellement dans le BTP et les VRD (voiries et réseaux divers).
Substituts au clinker
La contrepartie ? Ce même béton, qui totalise 8% des émissions carbone sur la planète, est la première industrie polluante. Une tare qui s’explique principalement par le processus de fabrication du clinker, l’un des principaux constituants du ciment, lui-même intégré au béton.
« Le clinker s’obtient grâce à la transformation thermodynamique de calcaire et d’argile à très haute température – 1 450 ° dans un four », rappelle Jean-Christophe Trassard. Cette transformation chimique et minéralogique représente deux tiers des émissions carbone du béton.
Pour réduire l’empreinte carbone, deux procédés s’offrent aux industriels : la captation carbone, très en vogue actuellement, et la réduction pure et simple du taux de clinker dans les ciments. C’est la seconde option qu’a choisie Ecocem, en faisant baisser ce dernier de 75% à une fourchette comprise entre 20 et 30%.
« Notre technologie bas carbone ACT, lancée en fin d’année 2022, nous permet de décarboner la production de ciment jusqu’à 70% », s’enthousiasme le directeur. En réduisant la part de clinker, l’industriel augmente l’incorporation de fillers calcaires et d’additifs minéraux, le principal étant le laitier de hauts-fourneaux, spécialité de l’entreprise.
Atout différenciant
Depuis le lancement d’ACT, la solution fait ses preuves, tant à l’échelle française qu’européenne. En février 2024, Ecocem obtenait une validation technique européenne (ETE) pour la première déclinaison de sa technologie, surnommée ACT 1. Un an et demi plus tard, le CSTB lui décernait l’évaluation technique de produits et matériaux (ETPM), première étape vers l’obtention du Graal, à savoir l’appréciation technique d’expérimentation (ATEx), attendue pour le second semestre 2025.
« J’ai l’habitude de dire que l’ETPM est l’équivalent du baccalauréat pour les étudiants, c'est-à-dire une étape intermédiaire, un passage obligé », métaphorise, une fois n’est pas coutume, Jean-Christophe Trassard. « Décrocher l’ATEx sera un véritable atout différenciant, pour nous mais pas seulement : pour les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage utilisant nos solutions, pour les promoteurs y ayant recours également… Nous transférons de l’assurabilité à l’ensemble de la chaîne de valeurs. »
Pour Ecocem, les certifications sont un enjeu assurantiel important pour parer à tout incident. « Elles sont un outil juridique et durable, à l’inverse des labels, qui délivrent des étiquettes normatives en fonction d’un cahier des charges, mais sans être juridiquement contraignantes », poursuit-il.
Miser massivement sur la R&D
La firme, qui a déjà deux usines en France, l’une à Dunkerque et l’autre à Fos-sur-Mer, est en train de développer une unité de fabrication de ciment intégrant la technologie ACT sur le site dunkerquois. Pour fin 2026, l’ambition est d’être en capacité d’en fabriquer 300 000 tonnes. « Avec le soutien de l’Etat, nous sommes en capacité de bâtir quatre unités supplémentaires de ce type », conclut Jean-Christophe Trassard.
Enfin, preuve qu’Ecocem recherche constamment l’innovation : 20 % de ses effectifs sont dédiés à la Recherche & Développement – « un taux environ huit fois supérieur à ce qui se fait chez les autres cimentiers ». Bientôt un deuxième ACT(e) ?