Quel est l’état d’engagement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) alors que la date butoir du 31 décembre 2026 approche ?
Le travail de l’Anru consiste à tout mettre en œuvre pour accélérer les projets de renouvellement urbain. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec l’aide des délégués territoriaux, qui sont les préfets, sur la sécurisation des calendriers pour une mise en œuvre des projets d’ici fin 2026. Il s’agit de lever les freins en termes de relogement et d’emboîtement de procédures. Surtout, au-delà de l’échéance 2026, il s’agit pour nous de faire en sorte que les projets dont les habitants entendent parler parfois depuis longtemps se concrétisent et permettent d’améliorer leur vie quotidienne.
Comment se manifeste cette accélération ?
Sur la seule année 2022, nous avons engagé financièrement autant d’opérations que sur la période entre 2017 et 2021. En 2023, la tendance s’est amplifiée avec une nouvelle hausse de 43%. La courbe d’accélération est là. Aujourd’hui, plus de 50% des projets sont engagés. Cela signifie, par exemple, qu’un équipement public est au stade du dossier de consultation des entreprises. Il nous reste maintenant un peu moins de trois ans pour lancer le solde des opérations. Le défi est là.
Aujourd’hui, plus de 50 % des projets sont engagés.
Il reste 50% des projets à engager d’ici fin 2026 en France. Etes-vous confiante ?
La dynamique enclenchée qui a permis de doubler en 2023 le nombre d’engagements pris depuis 2019 donne bon espoir d’être au rendez-vous. Nous dresserons un premier bilan en 2025. En fonction des résultats, nous verrons comment agir afin d’être au rendez-vous de 2026. C’est l’engagement que j’ai pris auprès du gouvernement... et surtout par rapport aux habitants qui attendent des résultats. C’est cela notre moteur.
La métropole Aix-Marseille-Provence est en première ligne dans le NPNRU avec une vingtaine de projets engagés, dont 12 sur la seule ville de Marseille. Quel est le niveau d’avancement de ces dossiers ?
Sur ce territoire, et particulièrement la Ville de Marseille, nous sommes dans une situation particulière, compte tenu du volume à traiter. C’est un territoire qui concentre un grand nombre de difficultés et dont 19 quartiers répartis sur 7 communes sont concernés. Ces projets ont été validés tardivement, entre 2022 et 2023, alors qu’ailleurs certains l’ont été dès 2017. Ce retard s’explique par l’obligation de terminer le PNRU. Aujourd’hui, la question est de savoir comment on fait pour être au rendez-vous de 2026. Un travail fin est en cours par la métropole, la Ville et les services de l’Etat pour mettre en place des dispositifs de pilotage resserré afin de veiller à la mise en œuvre concrète des projets.
Les choses avancent. La maîtrise d’œuvre est choisie pour la quasi-totalité des projets. Les réunions de concertation ont commencé en novembre et vont se poursuivre. Les bailleurs sociaux sont prêts à intervenir. Au-delà de cela, l’Etat a mis en place avec la Ville et la Métropole la SPLA-IN pour traiter l’habitat indigne dans le centre de Marseille. Cet outil entre en action avec des premiers rachats d’îlots, des travaux bientôt lancés et des paniers de logements confiés à des organismes HLM pour des aménagements de second œuvre. Compte tenu de l’ampleur des enjeux, il est nécessaire de s’y mettre à plusieurs pour relever le défi du renouvellement urbain à Marseille.
Compte tenu de l’ampleur des enjeux, il est nécessaire de s’y mettre à plusieurs pour relever le défi du renouvellement urbain à Marseille.
Bien sûr, il y a un enjeu financier. Quelque 650M€ de concours financiers de l’Anru sont mis à disposition des projets marseillais avec comme date limite un engagement opérationnel pour chacun d’eux avant fin 2026.
Comment avancer alors que la production de logement social est en panne ?
Cela fait partie des points que nous travaillons avec le ministère du Logement et l’ensemble des collectivités territoriales. Les programmes de renouvellement urbain doivent se traduire par l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers mais également par le développement d’un parc de logements à loyer très modéré, avec l’exigence de 60% de PLAI dans les logements reconstruits.
L’enjeu de la production de logement social est crucial pour nous : à la fois, pour répondre à la logique du renouvellement urbain mais aussi pour faciliter le relogement suite aux démolitions ou réhabilitations qui ne peuvent pas se faire en milieu occupé.
Quelles sont les solutions ?
Elles sont multiples et demandent la mobilisation de tous les acteurs. Le premier sujet est celui de la programmation et de la planification. En la matière, les intercommunalités sont en première ligne.
L’autre sujet est celui de la disponibilité du foncier. L’enjeu de l’adaptation au changement climatique est tel que nous n’avons pas d’autre choix que de préserver les terres arables. Cette exigence à ne plus artificialiser oblige à travailler sur du foncier en renouvellement : transformation d’habitat dégradé, de friches, d’anciens centres commerciaux, etc.
Les solutions passent aussi par un changement de mode d’intervention des bailleurs sociaux qui se traduit par des petites unités et de la couture urbaine plutôt que les grands ensembles de jadis. Il faut peut-être changer le modèle de production du logement social aujourd’hui très dépendant de la Vefa. Chaque crise de la promotion immobilière, comme c’est le cas aujourd’hui, ralentit mécaniquement la production HLM.
Il faut peut-être changer le modèle de production du logement social aujourd’hui très dépendant de la Vefa.
En tant que financeur de la reconstitution de l’offre de logement locatif social (Rolls), l’Anru a probablement son mot à dire. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir avec nos partenaires, notamment Action logement, la Banque des territoires, l’USH, à adapter certains de nos dispositifs pour mieux financer les logements sociaux. L’objectif est de présenter un plan d’actions au conseil d’administration de l’Anru en juillet prochain.
L’hostilité à la démolition est de plus en plus manifeste. Quelle est votre position ?
Il n’y a pas de dogme en la matière. Chaque projet est différent. L’Anru finance la démolition-reconstitution mais aussi la réhabilitation. Nous utilisons toutes les palettes d’intervention.
Quand un élu ou un porteur de projet décide de démolir un bâtiment, il ne le fait pas par plaisir. Il le fait par rapport à différents objectifs et un faisceau d’indices : un bâtiment obsolète pas facilement réhabilitable, des dysfonctionnements urbains, un manque de mixité qui demande de la diversification, etc.
Quand un élu ou un porteur de projet décide de démolir un bâtiment, il ne le fait pas par plaisir.
Avec la décarbonation et la nécessité de la préservation des ressources, la réhabilitation s’impose de plus en plus. Cela peut nous conduire à moins démolir. Pour autant, l’objectif du NPNRU est de lutter contre la ségrégation sociale et territoriale tout en améliorant la qualité de vie dans les quartiers. Qu’on démolisse moins à l’avenir, c’est la tendance, mais en prenant en compte les enjeux carbone grâce aux nouvelles techniques de restructuration-réhabilitation.
Dire qu’on va arrêter de démolir est un mensonge et une erreur historique. La Ville s’est toujours refaite sur elle-même. Imaginer qu’elle reste telle qu’elle est aujourd’hui, sans se dire qu’elle va de toute façon devoir s’adapter au changement climatique, changer ses formes urbaines, est un leurre.
Là encore, le sur-mesure et l’acupuncture urbaine sont de rigueur. Dans certains quartiers, on a besoin de transformer la forme urbaine de manière extrêmement forte. Je pense à Kallisté à Marseille et à Pissevin à Nîmes. Cela n’a pas de sens de conserver ces barres. Aujourd’hui, les logements à Pissevin se vendent 300€/m². Si cela vaut ce prix, c’est que cela ne correspond plus à ce que veulent les habitants. Pour certaines formes urbaines, il faut assumer la démolition. Pour d’autres, on aura une tour avec une structure poteaux-poutres très solide. En la désossant, on pourra ajouter des balcons et de l’isolation créant des logements correspondant aux normes de confort actuelles.
Sauf à être dans une logique de décroissance démographique, si on veut loger tout le monde dans une ville qui ne s’étend pas, il faudra réaliser des opérations de démolition-reconstruction. L’objectif de sobriété foncière impose de densifier et probablement de reconfigurer les formes urbaines actuelles. Ne regardons pas ce sujet par le tout petit bout du bilan carbone de la démolition d’un bâtiment. Regardons la globalité des enjeux.
Ne regardons pas ce sujet par le tout petit bout du bilan carbone de la démolition d’un bâtiment.
Quid du relogement ?
Démolir et réhabiliter lourdement impose de reloger les habitants. La co-construction est, là, essentielle pour les accompagner dans ce process. Il faut être beaucoup plus attentif à ce que j’appelle le parcours résidentiel positif. A Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme, la démolition d’une barre, qui a permis de créer un jardin reconnectant le quartier de l’hôpital au centre-ville, a eu comme préalable un long temps de préparation sous forme d’un projet de mémoire et d’une concertation poussée avec les habitants. L’opération a duré cinq ans au lieu de trois. A la fin, 90% des habitants étaient satisfaits de leurs nouveaux quartiers et logements.
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Vous avez lancé la démarche « Quartiers résilients ». Quelle est l’ambition ?
Avec la démarche lancée en 2022, nous avons la volonté d’aider les territoires à répondre au défi de l’adaptation au changement climatique. Les 49 retenus sont des laboratoires qui doivent nous permettre de tester des solutions durables. Ils profitent d’une manne supplémentaire de 250M€ que nous mobilisons avec notamment l’Agence de l’eau, l’Ademe et la Banque des territoires. In fine, cela met autour de la table le maximum d’acteurs pour qu’au moment de l’élaboration du projet urbain tous les sujets soient traités : santé, environnement, gestion des eaux pluviales, lutte contre les îlots de chaleur, biodiversité, etc.
Dans chacune de nos revues de projets, nous avons désormais une grille de questionnement « résilience » permettant aux porteurs de projets de modifier leurs programmes. Je prends toujours l’exemple des écoles. Nous en finançons 400. La différence de coût entre une cour bitumée et une cour oasis ou végétalisée est faible en investissement. L’inflexion est possible au moment du dossier de consultation des entreprises.
A Avignon, qui fait partie des « Quartiers résilients », un bailleur avait l’intention de se déraccorder du chauffage urbain au gaz pour respecter l’objectif de BBC rénovation. A l’époque, la maire Cécile Helle m’a demandé s’il n’était pas possible de prendre six mois pour verdir le réseau afin qu’il réponde aux critères de BBC rénovation. C’est ce qui a été fait.
Qu’apportent les journées régionales ?
Notre objectif est d’être très pragmatique pour apporter des réponses, de croiser des expériences, de faire en sorte que les gens échangent des bonnes pratiques. Elles sont toutes organisées sous le même format : des visites de sites lors de la première journée, puis, le lendemain, sept ateliers avec des thématiques adaptées au territoire. Par exemple, pour les journées à Avignon, un atelier a traité la question des copropriétés privées dégradées parce que c’est un sujet particulièrement important dans la région. L’Anru, au-delà du financement et de l’accompagnement des projets, a un rôle d’animation de la communauté du renouvellement urbain pour arriver ensemble à trouver les solutions.
Le NPNRU
Le NPNRU concerne 216 quartiers d’intérêt national et 264 quartiers d’intérêt régional (parmi les 1 514 quartiers politique de la ville identifiés). Ils regroupent trois millions d’habitants en métropole et outre-mer.
Si le NPNRU doit s’exécuter jusqu’en 2030, avec une date limite d’engagement en 2026, l’année 2023 marque un tournant dans l’accélération de sa mise en œuvre. Avec plus de 1 394 opérations déjà livrées, l’Anru assiste à une montée en puissance du programme dans un contexte de grandes incertitudes liées notamment l’inflation mais également aux enjeux de plus en plus accrus en matière de planification écologique et de mutations sociales.
* Après Lille, Paris, Cayenne, Nancy et Avignon, les prochaines étapes sont prévues à Saint-Denis (La Réunion) en juin 2024, Lyon en octobre 2024 puis à Tours en décembre 2024.