La mise en valeur d’un pendentif de pierre, au centre de la voûte de l’entrée Est de l’Opéra Garnier à Paris, a guidé la géométrie de la mezzanine de staff, qui permet de servir 90 couverts, soit la moitié de la capacité de la nouvelle brasserie de l’Opéra Garnier. Ce point structurant a inspiré à l’architecte Odile Decq un dessin qui multiplie les rayons de courbure : « J’en ai compté près de 50 ! », s’exclame Joseph Caruana, chef d’équipe du staffeur alsacien WereyStenger, cotraitant du lot plâtre, aux côtés de SOE, pour le compte de l’entreprise générale Petit. Deux semaines de traçage ont précédé les travaux de staff. Pour prévenir les fissures et permettre la dilatation, il était impossible de dépasser 150 m2 d’un seul tenant. Deux joints divisent la passerelle d’accès, et autant le porte-à-faux de la mezzanine de 195 m2.
Des piliers habillés de staff portent la mezzanine, avec des courbes venant mourir sur son plafond. A leur fonction structurelle s’ajoute le passage de gaines techniques pour le chauffage et la ventilation, selon une démarche inspirée par Charles Garnier (1825-1598) : « Comme lui, j’ai construit des faux piliers sur une structure métallique qui sert de conduite », remarque Odile Decq. En sous-face de la mezzanine, les creux et les bosses prolongent ses courbures horizontales, tout en prévenant les effets de réverbération acoustique. L’ambiance sonore s’appuie aussi sur la maîtrise de la pose de panneaux en microbilles de verre Baswasphone, collés sur staff, puis protégés et teintés après 24 à 48 h de séchage par deux couches de finition. « Cette technique n’autorise aucune retouche », précise Joseph Caruana.
Courbes de verre autostables
Les courbures de la mezzanine se prolongent dans celles de la façade de verre développée sur 34 m, selon une logique où l’esthétique converge avec le fonctionnel : la forme permet l’autostabilité. Simple à énoncer, ce résultat ne s’est pourtant pas imposé d’emblée : « Comme nous le prescrivait le bureau d’études, nous avons lancé l’appel d’offres avec des refends de verre. L’entreprise Simetal Formes a démontré la possibilité de tenir l’ouvrage grâce aux courbes », explique Odile Decq. Approvisionnée en verre extraclair par Pilkington, l’entreprise a mobilisé l’unité de cintrage catalane de Cricursa. Deux fois fendu et remplacé jusqu’au constat d’un défaut d’horizontalité, l’unique panneau à double courbure a donné du fil à retordre. Reliée par des billettes au-dessus des corniches, une plinthe en Inox pince les panneaux de verre, à 6 m de haut et 25 cm sous les arches. Invisibles, les travaux de gros œuvre n’en ont pas moins contribué à la réversibilité de l’ouvrage greffé : « Pour ne pas toucher au monument historique, nous avons scellé des longrines de béton dans les fondations de l’opéra, après décaissements à l’aide de machines robotisées », décrit Julien Lévy, chef de service de Petit. L’entreprise générale a nettoyé les pierres qu’Odile Decq avait trouvées « grises, sales, humides et sinistres, dans un espace abandonné… ». Un espace dont la transformation achève aujourd’hui la remise à neuf de l’axe est-ouest de l’opéra.
