Pesant 105 t pour 6,50 m de haut sur une base de 8 x 6 m, le plus grand récif artificiel de plongée au monde devait être immergé fin juin dans l'aire marine protégée du Cap d'Agde (Hérault). Avec 10 autres blocs en béton, il forme un système rocheux complet reconstitué grâce à l'impression 3D. L'entreprise montpelliéraine Seaboost, spécialisée en ingénierie écologique en milieu marin, a mis trois ans pour développer cette solution, dernier volet du projet Récif'lab porté par la Ville d'Agde pour reconquérir la biodiversité.
L'enjeu vise à déplacer la fréquentation des plongeurs d'un milieu fragile vers ce site, et y favoriser la vie marine. « L'impression 3D reproduit la géométrie complexe des systèmes naturels. Elle maximise également la quantité d'habitats dans un volume de matériaux limité et donc la performance de la restauration écologique », souligne Julien Dalle, directeur de projets chez Seaboost. Si la solution semble bien fonctionner sur les espèces communes, elle n'accomplit pas non plus de miracle. Certaines mettront du temps à s'établir et parfois, restaurer un habitat s'avère tout simplement impossible.
Globalement, le cortège des espèces attendues est bien au rendez-vous dans les projets de Seaboost. Ainsi, dans la calanque de Cortiou, 36 récifs artificiels immergés en 2017 dans le cadre du programme pionnier Rexcor sont aujourd'hui recouverts de végétaux et d'animaux marins, « à tous les stades de vie et sur toute la chaîne alimentaire », se réjouit Julien Dalle. Mérou brun et gris, langouste, poulpe, homard, sériole, gorgone… « Soixante-cinq espèces emblématiques de la Méditerranée ont été recensées, là où la vie avait été annihilée par un siècle de rejet des eaux usées de Marseille », précise-t-il.
Dynamisation de la pêche et du tourisme. Les résultats sont même rapides. « A Agde, des calamars ont pondu moins d'une semaine après l'installation d'une trentaine de lests imprimés en 3D pour le balisage en mer. En corollaire, la vitalité de la faune dynamise la pêche et le tourisme », relate Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur de l'aire marine protégée de la Côte agathoise et du milieu marin de la Ville d'Agde. Selon lui, la conception biomimétique apporte aussi une « réponse technique à une obligation réglementaire », la commune ayant dit adieu aux corps-morts polluants, composés de pneus, de bétons et de chaînes. Aujourd'hui, Seaboost assure que ses solutions facilitent l'installation et la croissance des poissons juvéniles. Avec un prérequis : elle n'intervient que si la dégradation, la contamination ou encore l'aménagement sont maîtrisées.
En partenariat avec l'Ifremer, l'entreprise héraultaise veut maintenant modéliser les bénéfices à long terme et à grande échelle de ses structures immergées, y compris pour mieux les dimensionner. Julien Dalle en est persuadé : « L'avenir des récifs en 3D ne passe pas par une production à la chaîne, mais par l'industrialisation du service d'analyse, puis par la production et le déploiement d'une solution ad hoc pour répondre à chaque enjeu local. Ce qui sera infiniment plus pertinent. » A condition, ajoute Renaud Dupuy de la Grandrive, que ces solutions d'éco-ingénierie « s'inscrivent dans un plan de gestion durable du milieu marin, partagé avec les acteurs locaux comme avec les usagers. »
