Pas de temps à perdre : la période de reproduction des martinets noirs et des hirondelles des fenêtres dicte le calendrier du projet Rénovation et biodiversité, lancé officiellement par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) le 11 mai. Jusqu’en 2025, l’association y consacre 300 000 euros financés par l’Office français de la biodiversité, l’Agence de la Transition écologique et Bouygues Immobilier. Le centre scientifique et technique du bâtiment accompagnera les chantiers expérimentaux.
Une dizaine de chantiers pilote
Pour que les deux espèces profitent dès le printemps 2024 des habitats à intégrer au bâti, le repérage des sites pilote commencera le 25 mai, date de la réunion du premier groupe de travail multi-acteurs. La tenue du calendrier suppose un démarrage des huit à dix chantiers dès cet automne, à l’issue d’un diagnostic qui confirmera la présence des oiseaux ciblés dans les immeubles en instance de rénovation thermique ou les quartiers en voie de renouvellement urbain.
Le choix des espèces ne doit rien au hasard : « De 1989 à 2019, la population d’hirondelles des fenêtres a chuté de 23,3 %, et celle des martinets de 46,2 % », rappelle Maeva Felten, responsable du projet Nature en ville de la LPO. Ces chiffres ressortent du Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), réalisé par l’association avec le Museum national d’histoire naturel.
Accélération du désastre
La massification des rénovations thermiques et l’accélération du renouvellement urbain aggravent le désastre promis aux espèces inféodées aux constructions humaines. Les ornithologues dressent la liste des facteurs : dans les façades lisses issues de l’isolation thermique par l’extérieur, les martinets ne retrouvent plus les trous de boulin qu’ils affectionnent. Les interstices ont disparu à la faveur de l'apparition de coffres des volets roulants, plus hermétiques. Les avant-toits et autres rebords de fenêtre n’offrent plus la rugosité nécessaire aux appuis cherchés par les hirondelles.
L’effet de ces modifications se cumule avec l’appauvrissement des milieux. Les insectes se raréfient, autour des bâtiments reconstruits et des quartiers rénovés. Dans les sols desséchés ou imperméabilisés, les hirondelles peinent à trouver les matériaux de construction : « Chaque nid nécessite 8500 boulettes de boue », rappelle Maeva Felten.
Signaux positifs
Rétablir des habitats favorables ne coule pas de source, comme le montrent les premiers échanges entre la LPO et les bâtisseurs : plus profondes que celles des chauves-souris, les cavités requises par les martinets pourraient créer des ponts thermiques ou des ruptures d’étanchéité, en plus de leur impact esthétique. Les plaque coupe-feu non perçables, dans les constructions à ossature bois, créent une difficulté supplémentaire.
Ces obstacles n’empêchent pas le Rénovation et Biodiversité de s’engager dans un climat de relatif optimisme : « Je ne vois que des signaux positifs », a déclaré le directeur général de la LPO France Matthieu Orphelin, le 11 mai au webinaire de lancement du projet. Pourtant, de son mandat de député, il avait retenu que « la biodiversité apparaît comme un angle mort des rénovations énergétiques ».
Filière enthousiaste
Mais ses récents échanges au Conseil national de la refondation l’ont convaincu d’un changement de paradigme : « Les acteurs du bâtiment sont prêts ». D’autant plus, selon Matthieu Orphelin, que « lorsqu’on prend l’habitat des oiseaux en amont, il est possible de traiter dans la même ambition l’énergie et la biodiversité sans augmenter significativement les coûts des travaux ».
Le webinaire de lancement a confirmé l’engouement de la filière. L’ordre des architectes, l’agence nationale de l’habitat, la ville de Montreuil, l’Eurométropole de Strasbourg, le promoteur La Poste Immobilier et le bailleur Vilogia expriment leur volonté d’identifier des sites pilote et de s’impliquer dans les six groupes de travail. « Nous enregistrons une des participations les plus prometteuses de notre programme Nature en ville », se réjouit Vanessa Lorioux, directrice du pôle Mobilisation citoyenne de la LPO.
Objectif massification
Ce démarrage prometteur donne ses chances à l’objectif de massification poursuivi par les financeurs. Deux séminaires, des vidéos, une carte interactive et plusieurs guides programmés en 2025 s’inscrivent dans leur stratégie. « N’hésitez pas à chercher d’autres financements pour des initiatives régionales ou locales, en vous appuyant sur le maillage de la LPO, pour démultiplier l’impact de ce programme », conseille Vanessa Lorioux aux bâtisseurs et militants de la biodiversité.
Matthieu Orphelin, de son côté, prend son bâton de pèlerin et d’ancien professionnel de la politique : « Comme je l’ai dit à la ministre Agnès Pannier-Runacher, j’aimerais que la loi intègre la biodiversité dans les rénovations énergétiques ».