Les grues à flèche relevable sont rares en France, où on leur préfère les modèles à flèche horizontale. En voir une est inhabituel. En voir six sur un même chantier est tout à fait exceptionnel. C’est pourtant ce spectacle qui s’offre aux parisiens depuis que Bouygues construction a commencé le gros œuvre du futur Palais de Justice de Paris, dans le quartier des Batignolles, au nord-ouest de la capitale.
Parmi les 12 grues implantées, six sont à flèche relevable. « Nous avons fait plusieurs études et ce panachage nous a semblé être la meilleure solution » explique Stéphane Chadirac, responsable des grues à tour chez Bouygues construction matériel. Les grues classiques, dites « à flèche distributrice » ont l’avantage d’être rapides, bien connues des hommes du chantier et louées à des tarifs avantageux. A l’inverse les grues à flèche relevable sont lentes – donc moins productives – et plus coûteuses. Mais elles ont un atout : leur capacité d'évitement. Quand deux grues à flèche distributrice vont se croiser, un système électronique dit « anticollision » en paralyse une le temps que la zone d’interférence soit dégagée. La grue à flèche relevable, elle, élève sa charge, passe devant sa voisine et continue son travail. Ce sont ces deux avantages qui ont dicté le choix de Bouygues.
Trois noyaux mitoyens
Le futur palais de justice de Paris, dessiné par Renzo Piano, se présente sous la forme d’un socle surmonté par trois blocs de verre. La structure interne est constituée par trois noyaux mitoyens : 149 m de haut pour le premier, 107 m pour le second et 68 m pour le troisième. Le chantier pourrait s’apparenter à trois immeubles de grande hauteur construits côte à côte.
Chacun d’eux est alimenté par une grue à flèche relevable baptisée G1, G2 et G3, respectivement une 355 HCL, une 280 HCL et une 180 HCL, toutes de marque Liebherr. Là c’est leur faible déport arrière qui a dicté le choix. « Avec une grue classique, la flèche et la contreflèche risquaient de percuter le noyau d’à-côté » décrit Stéphane Chadirac. G12, G64 et G68 sont également des grues à flèche relevable, des Potain MR225. Elles sont là pour la construction du socle et l’alimentation du chantier. Ici c’est leur capacité à éviter les interférences qui prime. « Elles côtoient des grues classiques. Si l’une de celles-ci reste longtemps immobile, pour la pose d’un élément préfabriqué par exemple, ses voisines sont paralysées. Pas les grues à flèches relevables ». L’objectif est l’amélioration de la cadence générale du chantier. A la vue des chiffres, on comprend pourquoi : le bâtiment de 106 000 m² culminant à 160 m de haut nécessite 12 000 t d’acier et 92 000 m³ de béton. Commencé début 2015, le gros œuvre doit être achevé mi-2016. Il ne faut pas traîner…