Il est des inventions qui remettent en question les habitudes du quotidien. En substituant aux aciers ronds universellement utilisés pour armer les bétons des bandes d'acier plates, Eco-Steel, de l'entreprise Matière, est de celles-là. « A caractéristiques égales, notre procédé permet d'économiser 15 % d'acier et 10 % de béton lors de la construction de structures minces ou de voiles», précise Pierre Puech, directeur du développement de Matière. Primé aux derniers prix de l'innovation de la FNTP (voir encadré) il doit sa naissance à une invention de la même entreprise : les conduits Matière. Caractérisés par leur minceur et leur souplesse, ces ouvrages bien connus des professionnels du génie civil se trouvaient confrontés à une limite pratique. « Au-delà d'une certaine section ou d'une forte sollicitation, le ferraillage des parois minces des conduits devait être accru, ce qui obligeait à augmenter l'épaisseur des parois, mais aussi leur rigidité», explique le directeur.
Un rectangle au lieu d'un rond
Pour préserver leur souplesse, il fallait donc réussir à réduire l'encombrement des aciers tout en maintenant le niveau de résistance voulu. Pour ce faire, l'entreprise eut une idée pragmatique : pourquoi ne pas changer la géométrie des aciers et abandonner la section ronde au profit d'une section rectangulaire ? « A surface équivalente à celle d'un fer rond, le barycentre d'un acier rectangulaire peut être placé plus près de la peau du béton, ce qui augmente le bras de levier par rapport à la paroi opposée et par conséquence la résistance du béton armé», explique Pierre Puech. De nombreuses autres caractéristiques permettent de diminuer l'encombrement des armatures. Parmi elles, le positionnement des épingles reliant deux nappes d'armatures à l'intérieur de celles-ci, alors qu'elles leur sont habituellement extérieures. « Cette solution est rendue possible par le fait que les soudures entre deux bandes plates sont beaucoup plus résistantes qu'entre deux fers ronds dont le contact est ponctuel », explique Pierre Puech.
Construction parasismique
Mais le changement de géométrie n'est pas la seule nouveauté de ce procédé. « En réalisant des essais d'adhérence, nous nous sommes aperçus qu'en alternant zones de haute adhérence et zones lisses, la fissuration qui apparaît après l'état limite de service (ELS) était mieux répartie.» Schématiquement, au lieu d'avoir une ou deux fissures de tailles importantes, dix apparaissent, mais leur ouverture est dix fois inférieure. Plus ductile et empêchant la rupture brutale des aciers et donc de la structure à l'état limite ultime (ELU), ce système est particulièrement adapté à la construction parasismique.
Pour modéliser les comportements de ce nouveau concept d'armatures en vue de l'adapter aux Eurocodes, un programme de recherche, Armat, a été créé. Il associe Matière au LCPC et à Polytech'Clermont.-