Ils sont douze ferronniers pour seize tonnes de fer qui, sous leurs doigts de dentellières, se transforment en volutes, fleurs de lys, soleils Rhodiens et "L" enlacés : d'ici l'été 2008, la grille Royale, après deux siècles d'absence, marquera à nouveau l'entrée du château de Versailles. Posté à son établi, Serge Pascal, chef des ferronniers des ateliers Saint-Jacques à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), reproduit, avec un soin d'historien, des motifs crées par ses pairs sous la direction de Jules Hardouin-Mansart dans les années 1680.
Armé d'outils spécialement reconstitués pour l'ouvrage, il rebat le fer, le courbe, le gonfle, le nervure. Mille fois repoussée, la feuille en tôle de fer prend la forme des motifs chers à Louis XIV qui commanda pour son château, cette frontière de fer de 80 mètres de long, fondue à la Révolution. Pièce maîtresse d'un double système de clôture mis en place pour des raisons de sécurité et d'Etiquette, la grille Royale séparait ainsi la cour d'Honneur de la cour Royale, cette dernière constituant avec la cour de Marbre, le coeur précieux, le "Saint des saints" du château.
"Restituer à Versailles sa grille Royale, c'est rendre à l'espace sa fonction symbolique, c'est redonner toute sa sacralité au château construit comme l'écrin du pouvoir suprême", explique Jean-Jacques Aillagon, le nouveau président de l'Etablissement public de Versailles. "En retrouvant sa grille, Versailles redevient ce qu'il était au XVIIIe siècle", ajoute-t-il balayant la polémique qui enfle autour de la reconstitution de cette oeuvre. En effet, des critiques, comme l'historien d'art Didier Rykner, auteur du site internet "La Tribune de l'art", estiment que Versailles ne saurait être résumé à son aspect Grand siècle. La restitution de la grille a notamment entraîné le déboulonnage de la statue équestre de Louis XIV installée par Louis-Philippe.
Par ailleurs, ils dénoncent une fausse reconstitution historique, soulignant que certains corps de bâtiments aujourd'hui existants, n'étaient pas encore construits à l'époque de la grille. A quelques mètres de la forge, un monumental dessin de la grille sert de modèle grandeur nature aux ferronniers. "Nous avons mené un travail fouillé pour rassembler toute l'iconographie de l'époque et s'inspirer des modèles de grilles contemporaines subsistants afin de réaliser le plus fidèle des patrons", explique Frédéric Didier, architecte en chef du château de Versailles. "La grille que les sept millions de visiteurs admireront dès l'été prochain, sera la réplique exacte de celle que voyait l'homme du XVIIIe siècle, lorsque privilège suprême, il était autorisé à la franchir", conclut-il.
(AFP)