Quel est votre avis général sur le projet d’arrêté méthode du décret tertiaire mis en consultation publique au début du mois de janvier ?
Ce texte pose la méthode permettant aux assujettis de remplir l’obligation fixée par le décret. Comme il s’agit du mode d’emploi du décret tertiaire, ce texte est nécessairement très technique. Il demande à être digéré et nécessitera une période d’appropriation. Le guide, que le ministère doit publier courant 2020, éclairera la lanterne de chacun, pour savoir comment manier les différents outils, notamment la plateforme Operat (gérée par l’Ademe, NDLR) et être au rendez-vous du texte. Le texte mis en consultation publique est très proche, quasiment à l’identique, de la version qui avait fait l’objet de la concertation avec les professionnels. Pourtant, il soulève une série d’interrogations.
Quelles sont les interrogations générées par l’arrêté ?
Le texte pose notamment des questions sur le rôle et la responsabilité de chacun des acteurs et notamment du propriétaire pour lequel le projet d’arrêté fait apparaître une définition assez stricte : ce n’est pas anodin, car de nombreux professionnels se sont interrogés sur le champ de cette notion issue de loi et du décret. L’enjeu consiste à savoir comment l’administration appréciera la notion de propriétaire à l’échelle d’un parc immobilier et sur la faculté de mutualisation des résultats à l’échelle d’un patrimoine.
Les grands propriétaires, de type investisseurs immobiliers ou foncières, ne sont pas organisés sous la forme d’une seule entité juridique propriétaire. Des holdings se répartissent la propriété et la gestion des actifs sous plusieurs entités distinctes. Il ne semble pas que la définition prévue offre la possibilité d’une mutualisation à l’échelle du groupe, ce qui limite l’intérêt du dispositif. Par ailleurs, les grands propriétaires à devront structurer leur stratégie sur la manière dont ils vont exécuter les différents arrêtés. Ils devront par exemple réfléchir à quelle entité déclarera les informations sur la plateforme.
Y a-t-il d’autres questions en matière de responsabilité ?
Les déclarations sur la plateforme sont stratégiques, car elles peuvent aboutir à une modulation des obligations ou aider l’assujetti à préparer les travaux à réaliser. Certains feront appel à des mandataires ou prestataires spécialisés. Les propriétaires pourront avoir recours à des sociétés tierces pour réaliser des audits et plans d’action. Tous ces cas de figure posent la question des engagements contractuels de chacun, qui devront être organisés de façon claire et précise.
Cet arrêté est finalement publié en trois étapes : ce premier texte concerne la méthode, un second portera sur les consommations énergétiques finales en valeur absolue, et un troisième sur l’Outre-mer. Est-ce une bonne chose ?
Cette démarche en trois étapes me paraît intéressante car il s’agit de textes très techniques, qui demandent une période d’appropriation des professionnels du secteur, mais aussi de l’administration. Cette organisation répond aussi à des enjeux de calendrier : se mettre d’accord sur les trois textes aurait pris trop de temps.
Enfin, rappelons-nous que le décret tertiaire publié à l’été 2019 et ce premier arrêté mis en consultation publique, représentent « l’Acte 2 » d’un texte qui a été annulé en 2017 par le Conseil d’Etat. Nous devrions déjà être avancés dans le ce processus normatif qui a pris du retard. Surtout que la France s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique : réduction par un facteur 6 des émissions de gaz à effet de serre et neutralité carbone à l’horizon 2050, conformément à la loi « énergie climat » du 8 novembre 2019 et des Accords de Paris de décembre 2015.