Le secteur du bâtiment est un important producteur de déchets en France avec 42 millions de tonnes par an, dont 11 millions provenant du second œuvre. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a transposé en droit français l'objectif européen de valoriser 70 % des déchets de construction et de démolition d'ici à 2020.
La feuille de route pour une économie 100 % circulaire, adoptée par le ministère de la Transition écologique et solidaire en avril, met l'accent sur le tri, le réemploi et la valorisation des déchets du secteur de la construction avec des mesures ciblées (refonte du dispositif réglementaire du « diagnostic déchets », sensibilisation et formation à la maîtrise d’ouvrages, etc.).
Principes et jurisprudence
Les acteurs du BTP et de la gestion des déchets doivent solidairement contribuer à l'atteinte de ces objectifs. Mais encore faut-il comprendre la portée de ces derniers, leur opposabilité aux différents acteurs, le rôle et les obligations de la maîtrise d'ouvrage en matière de prévention et de gestion des déchets en amont, pendant et en aval des chantiers, et vis-à-vis des autres intervenants (entreprises de travaux, maîtrise d'oeuvre, transporteurs, etc.). C'est tout l'objet de l'étude juridique, publiée le 25 juin, par la plate-forme collaborative Démoclès (1) en collaboration avec le cabinet Enckell avocats.
Cofinancé par l'Ademe, le guide a été réalisé sur la base de nombreuses questions soulevées par diverses situations auxquelles les maîtres d'ouvrage partenaires de Démoclès ont été confrontés. Il dresse les principes de la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage en l'état actuel du droit (européen, environnemental, civil, etc.) et de la jurisprudence administrative et judiciaire. Une foire aux questions en fin de guide résume le tout.
Les obligations des producteurs et détenteurs de déchets
En vertu du Code de l'environnement (art. L. 541-2), tout producteur ou détenteur de déchets doit en assurer ou en faire assurer la gestion. Il en est responsable jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque les déchets sont transférés à un tiers pour être traités. Il doit s'assurer que la personne à qui il les remet est bien autorisée à les prendre en charge.
Le maître d'ouvrage doit être regardé comme le producteur de déchets de chantier de démolition, et l'entreprise de travaux, comme le détenteur, explique l'étude. Ils sont solidairement « responsables de la bonne gestion des déchets d'un point de vue légal et réglementaire ». Autre précision utile dans le guide : « Pour ce qui est des travaux de construction, le maître d’ouvrage n’a pas explicitement de déchets à gérer sur le chantier sous son contrôle, en dehors de cas particuliers (par exemple, les déchets abandonnés sur un terrain lui appartenant) ».
Le rôle-clé de la maîtrise d'ouvrage
Il est également indiqué que « l’objectif de réduction des déchets non dangereux du secteur du BTP par unité de valeur produite entre 2010 et 2020 ainsi que l’objectif de valorisation matière de 70 % de ces déchets (art. L. 541-1 I 6° du Code de l’environnement) relève de la catégorie des engagements politiques pris par l’État ». Toutefois, « en tant qu’acteurs privilégiés pour participer à la réalisation de l’objectif des 70 %, les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre sont incités à le contractualiser, pour garantir son efficacité entre cocontractants ».
Dans le cadre d'un marché public de travaux, le maître d'ouvrage peut, par exemple, formuler des spécifications techniques en matière de prévention et de gestion des déchets (art. 31 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics). Mais à condition que « les processus et méthodes de fourniture des travaux exigés soient proportionnés à la valeur et aux objectifs du marché (art. 6 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics) ; et soient exprimés soit par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents accessibles aux candidats, soit en termes de performance ou d’exigences fonctionnelles », explique le guide.
Le maître d'ouvrage privé peut lui aussi prévoir dans son contrat des dispositions visant à prévenir, réduire, réemployer ou valoriser les déchets de chantier. Un guide d’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, publié par Démoclès en février, contient d'ailleurs des modèles de clauses déchets, à insérer dans les cahiers des charges, et « dont la rédaction permet de garantir le respect des dispositions légales et règlementaires », indique l'étude.