Déchets de chantier Tri et valorisation : des filières à développer

De nombreuses filières de stockage et de valorisation des déchets de chantier ont vu le jour. Le maillage des installations reste un point faible dans un domaine où les déchets sont produits de manière très dispersée, en quantités restreintes et d’une durée limitée.

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La gestion des déchets du BTP est l’un de ces sujets dont la nécessité reconnue de tous se heurte à une implacable logique économique. Depuis la loi du 13 juillet 1992 relative à leur élimination, l’arsenal législatif s’est considérablement étoffé et enrichi. Cette loi a notamment renforcé la nécessité de tri puisque depuis 2002, seuls les déchets « ultimes » doivent aller dans les centres de stockage. Les autres doivent être réemployés, réutilisés, recyclés (valorisation matière), incinérés (valorisation énergétique) (1)…

Cinq ans plus tard, les décharges et dépôts sauvages ont-ils disparu ? Le brûlage sur chantier n’a-t-il plus cours ? Pas exactement. « Même si les choses s’améliorent, la situation de la gestion des déchets de chantier en France est hétérogène, confirme-t-on à la Fédération française du bâtiment (FFB). Des disparités existent, tant en termes de classes de déchets que de maillage des centres d’enfouissement technique et de valorisation. » A la différence de ceux des ménages ou de l’industrie, les déchets du bâtiment sont extrêmement dispersés, produits en quantités restreintes pendant une durée limitée. Ils nécessitent donc un fort maillage d’exutoires gérés localement. La circulaire du 15 février 2000 avait d’ailleurs jugé l’échelle départementale pertinente en recommandant la mise en place de plans départementaux de gestion des déchets du bâtiment. Ces plans, non obligatoires, devaient mobiliser tous les acteurs concernés – élus, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entrepreneurs – pour s’assurer que chaque département disposait des possibilités de traitement ad hoc des déchets de chantier. Là encore, les résultats sont hétérogènes. Certains départements ont des démarches exemplaires. D’autres font de la résistance, les élus locaux se retranchant derrière les règlements d’urbanisme pour limiter les ouvertures de centre d’enfouissement technique. L’avis défavorable d’un élu sur un projet le condamne presque automatiquement. C’est d’ailleurs l’une des difficultés majeures rencontrées par les exploitants selon une analyse technico-économique de 26 installations de regroupement, de tri et de valorisation de déchets de BTP réalisée par l’Ademe et Beture Environnement. Des exploitants qui se plaignent également de la concurrence déloyale des plates-formes non conformes en termes de législation ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) ou des décharges sauvages.

Pour autant, le panorama n’est pas si sombre. De nombreuses plates-formes ont été créées à l’initiative des organisations professionnelles ou des entreprises elles-mêmes, soutenues par l’Ademe.

Valoriser la valorisation. Les négociants, notamment PointP, proposent des centres de reprise des déchets du bâtiment. « Le transport est une donnée-clé du problème, rappelle Nicolas des Jamonières, du Syndicat national des entreprises de démolition. Qu’est-ce qui fera la différence entre deux plates-formes de stockage sinon leur proximité ? » Jacques Rabotin, gérant de Valoridec à Carcassonne, constate que « l’équilibre financier pour rendre une filière de valorisation attrayante par rapport à un centre d’enfouissement est très délicat à trouver. Je pense que les leviers d’économie les plus efficaces concernent le transport, la collecte et le regroupement des déchets. Pour certains d’entre eux, il y a encore trop d’intermédiaires. »

En proposant un produit recyclé, le Varem (une terre chaulée) à 5 euros/t, Devarem, dans le Nord, optimise les trajets des camions de ses clients. « Notre idée est de supprimer les camions roulant à vide, explique Marie-Hélène Cluzel, responsable R&D de la société. Ils arrivent chargés de déchets et repartent avec notre maté­riau de remblai recyclé. Ce qui rend notre plate-forme de valorisation économiquement attractive, malgré des coûts de suivi de production de plus en plus importants. »

Attention à l’excès de méfiance. Si de nombreuses plates-formes autorisent l’amenée de déchets en mélange, charge à elles de trouver ensuite des filières de valorisation. Pour les déchets inertes, la préservation des ressources naturelles est dans tous les esprits. « De plus en plus fréquemment, les CCTP autorisent l’emploi de matériaux recyclés comme le béton concassé, constate la FFB. Avec une sensibilité d’autant plus grande dans les zones où les granulats d’origine naturelle se font rares. » « Mais il faut sans cesse montrer patte blanche, déplore Jacques Rabotin. Les clients et maîtres d’ouvrage en demandent beaucoup plus à un matériau recyclé qu’à un autre. Certes, la traçabilité est essentielle mais attention à ne pas sombrer dans l’excès de méfiance. »

Déchet industriel banal, classé non inerte et non dangereux lorsqu’il n’est pas traité, le bois suit diverses filières de valorisation. « La majorité de notre bois part vers des usines de fabrication de panneaux de particules, explique Alain Le Moign’, chef de secteur carrières et environnement chez Picheta. Mais avec le regain d’intérêt pour le bois comme énergie de chauffage, la valorisation énergétique monte en puissance. » Principal écueil : comment différencier un bois traité d’un bois qui ne l’est pas ? « Nous devons effectuer un contrôle visuel car nous n’avons pas de moyens scientifiques simples à notre disposition », admet Alain Le Moign’. « Il est difficile de fixer un tarif différencié bois propre/bois sale, complète Jacques Rabotin. C’est pourquoi nous pratiquons un tarif moyen, tenant compte d’une partie de bois pollué non valorisable. » Du côté des déchets de second œuvre, les filières se structurent, en limitant les déchets à la source – c’est le cas notamment dans la peinture – ou en les regroupant pour recyclage. Ainsi en est-il de la filière « PVC Recyclage », qui recense quatre-vingts plates-formes en France dédiées aux tuyauteries, menuiseries et autres gouttières en PVC. Objectif annoncé : le recyclage en 2010 de 50 % de déchets de PVC.

Une préoccupation : le plâtre. Le cas du plâtre préoccupe les professionnels. Comme le bois, il n’est ni inerte, ni dangereux et relève de la classe 2. Voire de la classe 3 lorsqu’une alvéole spécifique lui est dédiée. « En même temps que les volumes augmentent, les solutions en centre d’enfouissement s’amenuisent, indique-t-on à la FFB. A ce titre, la révision de certains plans départementaux est à entreprendre d’urgence. » En écho à ces inquiétudes, le Snip (Syndicat national des industries du plâtre) organise actuellement une filière de collecte et de recyclage des déchets de plâtre. « Finalement, le seul déchet qui ne pose aucun problème, c’est la ferraille, sourit Nicolas des Jamonières. Avec l’envolée des cours des métaux, elle aurait même tendance à être recyclée très vite. »

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