De la ville-entonnoir à la ville-éponge

Aménagement - De nombreuses cités se sont emparées de modes alternatifs de gestion des eaux pluviales pour faire de ce potentiel danger une ressource.

 

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Le bassin hydraulique de la Motte Rouge, qui peut accueillir 2 200 m3, est entouré de gabions et d’un talus.

D'un côté des pluies de plus en plus intenses et des crues parfois dévastatrices, de l'autre de longues périodes de canicule et des sécheresses tout aussi catastrophiques : le cycle de l'eau et sa gestion dans les villes, où vivent 80 % des Français, sont l'un des principaux enjeux urbanistiques des années à venir. La prise en charge traditionnelle des eaux pluviales - collectées par tuyaux et expédiées vers les cours d'eau, le réseau d'assainissement ou des bassins de rétention - ne suffit plus, quand elle ne se montre pas carrément contre- productive. « Cette logique de collecte vient de l'époque de l'hygiénisme, quand les eaux souillées stagnaient en ville, créant des épidémies, explique Elodie Brelot, qui dirige le Groupe de recherche, animation technique et information sur l'eau (Graie). Il fallait alors les évacuer le plus loin et le plus vite possible. » Mais l'artificialisation massive des sols a changé la donne : l'eau tombant sur une surface imperméabilisée se charge de pollution et voit son volume et sa vitesse augmenter jusqu'à, parfois, provoquer des inondations. Le ministère de la Transition écologique estime d'ailleurs leurs dommages économiques à 650 millions d'euros par an, tandis que le Graie insiste sur le fait que l'artificialisation - qu'il évalue à environ 250 km² par an - rend les eaux de pluie dangereuses. Pour Elodie Brelot, « nous devons passer de la “ville-entonnoir” où toute l'eau est concentrée en contrebas à la “ville-éponge” qui absorbe et met à disposition l'eau récupérée ».

Piégeage à la source. Pour changer de modèle, deux priorités : intervenir au plus près de l'endroit où l'eau tombe et favoriser l'infiltration. « Plus on gère l'eau de pluie à la source, plus le rapport entre la surface de collecte - une chaussée, par exemple - et la surface de gestion - un fossé - est faible et plus les ouvrages sont de taille raisonnable et adaptables aux différentes intensités de pluie », explique Elodie Brelot. Pour accueillir les précipitations, il existe de multiples solutions : noues, tranchées, bandes enherbées, jardins de pluie, puits, chaussées à structure réservoir, revêtements perméables, enrobés poreux, etc. Pour Maëlle Ancelle, directrice de l'association Adopta qui promeut la gestion des eaux pluviales par des techniques alternatives, « il n'y a pas d'infrastructure type mais une boîte à outils dans laquelle le maître d'ouvrage puise en fonction du projet, des objectifs et des contraintes ».

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En piégeant l'eau là où elle tombe, on soustrait au ruissellement une partie de l'eau qui s'évacuera par infiltration et évapotranspiration. Sur un sol imperméabilisé, 55 % des eaux pluviales ruissellent et seules 15 % s'infiltrent. Un chiffre qui passe à 50 % sur une surface naturelle, où le ruissellement ne concerne plus que 10 % de l'eau.

A partir de ce constat, la Ville de Paris a entrepris depuis quelques années de transformer ses cours d'école et de collèges en « oasis ». Objectif : rétablir un équilibre entre sols perméables et imperméables dans des lieux souvent entièrement asphaltés, pour mieux infiltrer l'eau de pluie et végétaliser afin d'offrir de la fraîcheur aux élèves. En rendant aux sols leur porosité, les risques d'érosion, d'inondations et de pollutions diminuent tandis que les eaux infiltrées alimentent la nappe souterraine. Le processus permet en outre une dépollution, au moins partielle.

Récupération d'une ressource précieuse. L'utilisation de solutions fondées sur la nature apporte aussi fraîcheur et plaisir esthétique (mares, jardins de pluie, etc.). Certains dispositifs tels que les chaussées réservoirs ou les toitures de stockage permettent également d'économiser une ressource précieuse. Un avantage non négligeable car la demande d'eau dans les villes devrait croître de 80 % dans le monde d'ici à 2050 selon une étude publiée par le magazine « Nature ».

Reste la question du coût. Beaucoup de collectivités candidates à une gestion alternative des eaux de pluie craignent de voir leurs dépenses d'entretien grimper. Pour Maëlle Ancelle, la solution réside dans la double fonction des surfaces, en particulier des espaces verts. Ou comment combiner deux politiques, gestion des eaux pluviales et végétalisation de l'espace, par exemple. Et faire d'une pierre deux coups, sur les plans technique et économique.

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