De Dijon à Tours : le développement des RER métropolitains, une histoire d’argent mais aussi de compétences

Les Services express régionaux métropolitains illustrent un non-dit de la conférence Ambition France Transport, engagée pour 10 semaines le 5 mai dernier à Marseille. La question du financement peut en cacher d’autres, à commencer par les enjeux urbains et humains.

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Train régional français
Un train régional, à Tours.

« Depuis le lancement des projets de services express régionaux métropolitains (Serm), une question m’obsède : cette nouvelle offre va-t-elle aggraver l’étalement urbain ? » Le paysagiste et urbaniste Alfred Peter remet le projet au cœur de la conférence Ambition France Transport, à l’initiative du gouvernement.

Aux côtés de l’ingénieur transport Samuel Maillot, il a profité de la journée de débat sur le déploiement des Serm, le 22 mai à Paris, pour développer l’exemple cher au ministre de l’Aménagement du territoire François Rebsamen, ancien maire de Dijon.

L’opportunité dijonnaise

« Rare ville compacte sans tartine périphérique », selon le paysagiste et l’ingénieur, la capitale bourguignonne les a missionnés pour repenser son entrée sud, à Chenôve, quartier emblématique des extensions urbaines monofonctionnelles des Trente glorieuses. Outre l’extension du tram intégrée à leur projet, les deux concepteurs ont identifié une opportunité de transport ferroviaire à l’échelle du bassin de vie, au moment où la région Bourgogne-Franche-Comté engage des études sur les Serm de Dijon et Besançon.

Le site identifié cumule les atouts. « Il permet à la fois de remettre en service une connexion Sud Nord associée à une liaison diamétrale à l'échelle de la métropole et d’activer une seconde gare, au service d’un bassin d’emploi important », développe Samuel Maillot. Certes, « cela coûterait de l’argent, mais loin des 4Mds€ pressentis en moyenne pour les Serm », relativisent l’ingénieur et le paysagiste.

Tours attaque son cul-de-sac

« On n’a pas faux », ajoute Samuel Maillot, après avoir confronté son idée avec le tableur Geofer, développé par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement et l’aménagement (Cerema) pour mesurer le potentiel de fréquentation d’une desserte ferroviaire. En nombre d’emplois et d’habitants, le sud dijonnais présente un profil comparable au bassin de Beaune, desservi à la demi-heure.

La diamétralisation se trouve aussi au cœur des enjeux d’un autre acteur inattendu des Serm, retenu par le ministère des Transports à l’issue du processus de labellisation engagé en 2023 : malgré le potentiel offert par une étoile ferroviaire à huit branches, Tours présente le handicap d’une gare en cul-de-sac. Parmi 10 sites sélectionnés pour des orientations d’aménagement et de programmation en vue de son futur Serm, le carrefour de Verdun pourrait bénéficier de la diamétralisation.

L’obstacle humain

Du 16 juin au 15 juillet à l’initiative de la région Centre-Val de Loire et de Tours Métropole, une concertation proposera différents scénarii. Directeur de l’agence d’urbanisme, Sébastien Pividal souligne le fort potentiel : « Malgré l’armature urbaine dessinée par le train au XIXème siècle, la voiture suscite encore 90% des flux, entre la métropole et son territoire ».

En phase avec les urbanistes sur les enjeux urbains, Thierry Dallart, ancien P-DG de la Société du Grand Paris, pointe également l’obstacle humain. « L’ex ministère de l’Equipement fonctionnait comme une machine à fabriquer des maîtres d’ouvrage, capables de coordonner des sensibilités multiples. Les contrats de plan ont partiellement pris le relais, mais leur importance décline », rembobine l’ancien constructeur de rocades marseillaises et du contournement autoroutier d’Arles.

Une occasion unique

Fort de l’expérience de la SGP, dont les effectifs sont passés de 200 à 1000 personnes sous son autorité, il s’interroge : « Les Serm auront besoin de 10 à 20 fois plus de chefs d’orchestre. Leurs recruteurs entreront enconcurrence avec les constructeurs de centrales nucléaires, du centre d’enfouissement de Bure ou du projet Orano à la Hague, trois projets qui avoisinent eux aussi les 45 Mds€ d’investissement », calcule Thierry Dallard.

Désormais président de la société de conseil Jasmin investissement stratégie, l’ancien patron de la SGP n’a pas pour autant escamoté la question centrale d’Ambition France Transport. « Ne laissons pas passer l’occasion unique de profiter de l’argent des concessions autoroutières qui arrivent à échéance entre 2031 et 2035 », recommande-t-il.

Manne fiscale parisienne

A cette manne, le spécialiste des transports du Parti communiste français (PCF), Jacques Baudrier, ajoute le gisement fiscal à exploiter dans le tertiaire francilien. « A l’époque du Grand Paris, on a piqué 12€ sur les 200€ de plus-values que les propriétaires avaient gagnés en dormant. Depuis, ces gains sont passés 200 à 600. On peut bien en prendre 50 », préconise l’adjoint à la maire socialiste de Paris. Pour lui, « la richesse issue de l’attractivité de la capitale appartient à toute la France ».

Maintes fois répétés, ces arguments ne choquent pas Jean-Marc Zulezi, initiateur de la loi Serm lorsqu’il présidait la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. « Mettons toutes les solutions sur la table, y compris la valorisation foncière, même si cela inquiète le monde de l’immobilier. Copenhague a bien financé son métro de cette manière. »

Rappel à la loi

Autre ardent soutien des Serm parmi les élus de la nation, Jacques Fernique rappelle le texte et l’esprit de la loi Serm. « La conférence programmée avant juin 2024 devait sortir de l’inconnu et fixer un calendrier ainsi que des ressources, avec un péage ferroviaire spécifique », rappelle le sénateur écologiste du Bas-Rhin.

Malgré ces obstacles, « les consensus locaux avancent », constate Jean-Claude Degand, président de l’association Objectif RER métropolitain. Mais il met en garde : « Certes, les Serm n’ont pas d’opposants. Mais pour ne pas les faire, il n’y a pas besoin de s’y opposer. On peut accumuler les reports d’échéance. »

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