« Nous allons doubler le rythme de nos investissements sur les cinq prochaines années, au gré de projets majeurs et de quelques activités », annonce Bruno Rodique, PDG John Deere France, usine implantée depuis les années soixante à Saran, au nord d’Orléans, dans le Loiret. Ce sont ainsi pas moins de 105 M€ que le constructeur américain investit pour développer et diversifier l’activité du site.
Parmi les projets majeurs, le renouvellement de la gamme moteur, avec d’autres modes de propulsion. Les trois quart de la production de l’usine saranaise sont dédiés aux partenaires internes. L’essentiel de la production est destiné à la division agricole, les moteurs des matériels de construction ne représentant qu’une part infime. « Stratégiquement, John Deere a décidé, au milieu des années 1980, de se retirer de l'Europe pour la partie construction. Mais le rachat de Wirtgen en 2017 a été un axe de développement majeur et nous sommes en train de réintroduire très progressivement quelques engins de construction sur le marché européen », détaille Bruno Rodique. En effet, c’est en Amérique du Nord que l’on trouve la division construction-travaux publics du groupe.
Futur assembleur de batteries
Après 108 M€ déjà investis ces dix dernières années, une partie de la nouvelle enveloppe sera par ailleurs dédiée à la création d’une ligne d’assemblage de batteries, prévue début 2026. Fort de son acquisition en 2022 de la société autrichienne Kraisel, spécialisée dans les batteries de haute capacité, le géant américain compte s’imposer comme un acteur incontournable de l’électrification. « Nous produirons des batteries haut de gamme dotées d’un système performant de refroidissement », détaille Nicolas Marie, directeur développement produit.

Bruno Rodique, PDG de John Deere France et Nicolas Marie à droite, directeur développement produit. Crédit : Elodie Cerqueira / Le Moniteur Matériels.
Un projet qui devait être lancé en cette fin d’année mais qui a pris du retard. « L’objectif d’une croissance externe-interne et l’ambition d’industrialiser à grande échelle - avec finalement un marché moins porteur que prévu - nous a amené à revoir le design de la batterie. Nous avons donc décalé nos investissements pour nous donner le temps d'être prêts à la fois sur le produit et sur le type de volume avec lequel on va démarrer », précise Nicolas Marie. Et pour l’industrialisation de ses batteries, John Deere adopte une stratégie d’implantation en Europe. Le site pilote saranais produira pour l’ensemble du marché mondial.
Un gain d'automatisation dans l'usine
Autre projet cette fois infrastructurel, la construction d'un hangar de stockage de 7 000 m². « Nous aurons davantage de composants à gérer dans le futur et une part de nos stockages est extérieure. Pour des questions d’efficacité de flux logistique, nous construisons un bâtiment dont une partie sera automatisée. Il sera opérationnel au premier trimestre 2026 », révèle Bruno Rodique. Un enthousiasme qui n’est pas ébranlé par la baisse de régime que rencontre pourtant le constructeur. En effet, l’activité moteur a chuté de 30 %. Après trois années porteuses de croissance et de renouvellement, le soufflet retombe. « Dans le machinisme agricole, on avait l'habitude de vivre des cycles de 6 ou 7 ans. Ils se sont raccourcis », explique Bruno Rodique.
Le mix énergétique au cœur de la stratégie
Malgré une conjoncture difficile, l'usine ne perd pas de vue ses engagements RSE avec l’annonce d’une baisse de 30 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2030. Un plan ambitieux qui repose sur deux axes : la partie produit qui représentent 90 % des émissions et l’autre concernant les sites industriels (installations d’ombrières sur les parkings, panneaux photovoltaïques, isolation des bâtiments…).
Et, pour décarboner son offre de moteurs, John Deere France mise dans l'immédiat sur les carburants renouvelables. « Tous nos moteurs sont compatibles avec le HVO, car ils n’ont aucun problème de miscibilité. Pour l’heure la contrainte reste son coût et son volume, insuffisant à horizon 2035, avec les besoins de l’aéronautique. Mais en attendant cette échéance, si on passait maintenant à l'HVO, on aurait une réduction du CO2 très significative », explique Nicolas Marie. Il ajoute : « la réduction des émissions passera par l’hybridation des moteurs et le HVO, sous réserve que les clients s’en saisissent ».
En parallèle, dans un souci de tendre vers un mix énergétique, l'usine se lance aussi dans l’expérimentation de l’hydrogène. John Deere France a fait l’acquisition d’un groupe électrogène Kohler SDMO équipé de l'un de ses moteurs diesel qu'il a extrait de l'équipement. Pour le remplacer, il a développé un démonstrateur interne de moteur à combustion interne à hydrogène qui doit lui permettre de comprendre les mécanismes de cette nouvelle énergie. « Nous avons passé l’étape de fiabilisation du système, désormais nous passons à l’étape de performance, de la récupération de l’eau, des contraintes que cela entraîne… », précise Nicolas Marie.
Un deuxième démonstrateur de moteur, monté cette fois-ci sur l'un de ses finisseurs fait aussi l’objet de recherches. « L’objectif de cette phase d’apprentissage est de se tenir prêts si le marché s’ouvre, d’être capables d’avoir une offre produit dans un temps court », ambitionne Nicolas Marie.